Politique française
Chevènement : un candidat de plus à gauche
(Photo : AFP)
Jean-Pierre Chevènement veut faire entendre sa voix. En annonçant son intention de s’aligner au départ de la course pour l’Elysée, lundi 6 novembre, il a clairement mis en avant cette motivation. A défaut de se reconnaître dans le projet socialiste «ambigu sur certains points, insuffisant, voire dangereux», à défaut de sentir son point de vue porté par l’un des postulants à l’investiture -trop liés à ce même projet -, Jean-Pierre Chevènement a décidé d’y aller lui-même.
Cette décision n’est pas véritablement une surprise. Le maire de Belfort laissait entendre depuis quelque temps qu’il y réfléchissait très fort. Il n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2002, il était déjà candidat. Il avait obtenu 5,33% des voix au premier tour du 21 avril. Et cela lui avait valu l’ire des socialistes dont le représentant, Lionel Jospin, n’avait pas réussi à devancer Jean-Marie Le Pen pour passer au deuxième tour. Jean-Pierre Chevènement et d’autres candidats de gauche comme Christiane Taubira s’étaient vu reprocher d’avoir participé à l’émiettement des votes et d’avoir favorisé le leader du Front national.
Jean-Pierre Chevènement n’a pas, semble-t-il, tiré de cet épisode douloureux la conclusion qu’il lui fallait, cette fois-ci, jouer la carte de l’union de la gauche avant tout. Il a fait valoir une autre priorité : «Il faut redresser les choses, mettre la gauche à la hauteur de ses responsabilités parce qu’on ne va pas ouvrir la voie à de nouvelles déconvenues». Le président d’honneur du MRC dresse un tableau inquiétant de la situation de la France : «Notre pays va mal, on a l’impression que la France fout le camp». Et il en tire une conclusion : «En face, il n’y a pas de propositions. Et je pense que ma voix est nécessaire». Qu’il s’agisse du traité européen -il avait défendu le «non» au référendum-, ou de la politique économique -il s’insurge contre le manque de patriotisme économique et les délocalisations.
Jusqu’au bout ?
Jean-Pierre Chevènement affirme qu’il est déterminé à aller jusqu’au bout. Une manière de dire que l’annonce de sa candidature ne vise pas simplement à monnayer son soutien au candidat du PS en obtenant un accord plus avantageux pour les législatives. Fin octobre, le maire de Belfort s’était pourtant insurgé contre l’hypothèse selon laquelle le Parti socialiste envisageait de concéder simplement «trois circonscriptions» au MRC. Il avait estimé qu’il s’agissait d’une «politique d’extermination» de son mouvement, d’autant plus inacceptable que le PS avait accordé «36 circonscriptions» au Parti radical de gauche (PRG) pour éviter une nouvelle candidature de Christiane Taubira.
Cependant, rien n’est joué. Comme l’a rappelé François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, «nous ne sommes pas encore au dépôt des candidatures». Il y a donc un peu de temps pour négocier et essayer de ramener Jean-Pierre Chevènement sur le chemin d’une candidature commune. François Hollande a ainsi «pris acte» de la décision du maire de Belfort de se présenter. Mais il l’a aussi appelé à venir lui «parler pour conjurer les dangers» et «assurer la victoire».
Rejoindre Ségolène Royal ?
Pas de doute, le message du président d’honneur du MRC est surtout destiné aux socialistes. Le choix d’annoncer sa décision en pleine campagne interne et à la veille du dernier débat télévisé entre les trois concurrents pour l’investiture, le montre bien. Dans le jeu de luttes d’influence et de recherche de soutiens auquel se livrent les trois intéressés -Fabius, Strauss-Kahn, Royal-, Jean-Pierre Chevènement sait bien qu’il représente un enjeu.
Ségolène Royal a d’ailleurs saisi la balle au bond. Elle l’a invité à la «rejoindre» si elle est désignée par les socialistes pour les représenter. La députée des Deux-Sèvres qui veut dépasser les clivages partisans est donc fidèle à sa stratégie d’ouverture, à laquelle se sont ralliés au fur et à mesure des socialistes de poids comme François Rebsamen (numéro 2 du PS), Arnaud de Montebourg (courant Rénover maintenant), Jean-Marc Ayrault (président du groupe à l’Assemblée nationale). Et le dernier en date, le député du Pas-de-Calais, Jack Lang.
par Valérie Gas
Article publié le 07/11/2006 Dernière mise à jour le 07/11/2006 à 16:44 TU