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Politique française

PS : on garde les mêmes, et on continue

Tous les candidats à l'investiture socialiste étaient présents au discours de clôture de François Hollande à La Rochelle. 

		(Photo : AFP)
Tous les candidats à l'investiture socialiste étaient présents au discours de clôture de François Hollande à La Rochelle.
(Photo : AFP)
Rien n’a été réglé à l’Université d’été du Parti socialiste de La Rochelle. Les candidats déclarés à l’investiture, le sont restés (Royal, Strauss-Kahn, Fabius, Lang). Ceux qui y pensent sans le dire, tout en le faisant savoir, n’ont pas mis fin au mystère (Hollande, Jospin). Durant trois jours, chacun a manoeuvré sa barque pour passer entre les écueils et ancrer ses positions. Mais au bout du compte, le Parti se trouve toujours dans une situation inédite : faire face à des candidats à foison.

Mieux vaut trop que pas assez. Pas sûr. En tout cas, pas si cela doit constituer un facteur supplémentaire de division au Parti socialiste. François Hollande, le Premier secrétaire, est intervenu au terme de l’Université d’été de La Rochelle, pour rappeler à tous les candidats potentiels à l’investiture -dont il fait au demeurant partie, il ne faut pas l’oublier, le rassembleur ça peut être lui- que la principale bataille à mener n’est pas celle du vote pour l’investiture socialiste de novembre 2006, mais bien celle du scrutin qui désignera le prochain président de la République au mois de mai 2007. Une élection de son point de vue «aussi historique» que celle de mai 1981, qui avait mené François Mitterrand à la tête de l’Etat français. A l’entendre, les socialistes ont «un devoir de victoire» et ils ne peuvent se permettre de jouer le jeu dangereux d’une campagne interne basée sur le «dénigrement, la suspicion» qui donnerait du grain à moudre à la droite, le moment venu.

Ce recadrage était indispensable et inévitable, car il n’est pas de jour où l’affrontement entre les socialistes ne donne lieu à des échanges de coups médiatiques ou politiques. A La Rochelle, il n'y a pas eu de trêve. Tous les candidats n’ont eu qu’un seul et unique souci : tirer leur épingle du jeu et ne rien céder face à la concurrence.

Ségolène Royal a essayé d’y parvenir en n’étant pas là. Un discours à l’ouverture, une sage présence à la clôture -pour écouter son compagnon tirer les enseignements de la rencontre et cadrer l’avenir-, elle s’est essayée au service minimum. Elle a ainsi refusé de venir s’exprimer devant le Mouvement des jeunes socialistes pour une bonne et simple raison : elle ne pouvait pas «être partout à la fois». Mieux valait donc, de son point de vue, apparaître sur les plateaux de télévision. Les militants apprécieront. Certains ont d’ailleurs manifesté sans attendre leur mécontentement en sifflant l’allocution de l’une des lieutenantes poitevines de Ségolène Royal, Régine Joly, venue vanter les mérites de la démocratie participative à la tribune. De là à dire que la madone a stratégiquement mal joué vis-à-vis de ceux qui voteront le 16 novembre, pas sûr. Car elle a réussi à éviter ce qu’elle craignait le plus : la confrontation avec ses rivaux.

Il y aura des débats entre les candidats

Reste qu’elle n’y échappera peut-être pas éternellement. Car François Hollande l’a dit, il y aura des débats entre les candidats à l’investiture socialiste. Il a ainsi répondu favorablement au désir des éléphants qui veulent absolument en découdre idées contre idées. Laurent Fabius, par exemple, souhaite en finir une bonne fois avec le «concours de look». Il a encore lâché, à La Rochelle, l’une de ces phrases assassines dont il a le secret pour dévaloriser Ségolène Royal : «Je préfère dire : voici mon projet, que : mon projet, c’est Voici [en référence au magazine people]». Même son de cloche dans le camp de Dominique Strauss-Kahn, qui avait organisé un meeting de campagne en marge de l’Université d’été. C’est toutefois l’un de ses proches, Jean-Christophe Cambadélis, qui a cogné en mettant en garde les socialistes contre «la quête d’un bonheur immédiat». Une pique bien sentie pour dénoncer le mirage constitué par la cote de popularité de Ségolène Royal dans les sondages.

Même Lionel Jospin n’a pas pu s’empêcher de distiller un peu de fiel sur Ségolène Royal. Devant les jeunes socialistes, il a expliqué sans détour sa vision des choses : «La technique ne remplace pas la politique. Il faut avoir des idées, des convictions, exposer les enjeux, dire quelles sont nos décisions et quels seront nos actes». Voilà en deux coups de cuiller à pot la députée des Deux-Sèvres renvoyée à la défense du Chabichou. Et pourtant, pour le moment, Lionel Jospin n’est candidat à rien. Ceux qui attendaient son intervention devant les jeunes socialistes, à La Rochelle, pour le voir dévoiler ses intentions en auront été pour leurs frais. L’ancien Premier ministre n’a rien déclaré sur ce sujet.

Jospin dans le bain ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas avancé ses pions. Au contraire, Lionel Jospin a fait le plus dur. Il a accepté d’évoquer sa réaction à la suite de la défaite au premier tour de la présidentielle du 21 avril 2002, lorsque le leader du Front national, Jean-Marie Le Pen, l’a devancé. Cette explication était attendue par les militants qui avaient vécu sa décision de se retirer de la vie politique comme un lâchage. Elle a eu lieu en réponse à une question d’une jeune socialiste sur le mode de la confession douloureuse, avec un sanglot étouffé à la clef. S’il a pris cette décision, c’était pour prendre sur lui «symboliquement, physiquement et tristement le choc de la défaite», une manière, assure-t-il, d’augmenter les chances des socialistes «dans la bataille législative» qui suivait. Lionel Jospin a même reconnu avoir commis quelques erreurs, en faisant par exemple «une campagne médiocre». Mais il a surtout mis cet échec sur le compte «de la division de la gauche». Et il s’est défendu d’avoir «accompagné» (oups, lapsus révélateur), euh «abandonné», les socialistes depuis ce moment.

A La Rochelle, Lionel Jospin a fait passer le courant. Quelques yeux ont rougi à l’évocation de la blessure d’il y a quatre ans et il a été applaudi avec enthousiasme. Son retour dans la famille s’est donc bien passé. Mais est-ce suffisant pour que les conditions d’une candidature réussie soient réunies ? Car Lionel Jospin ne peut se permettre de postuler et d’être rejeté. Dans le mois qui vient, il lui faudra donc prendre une décision. Et cette décision aura une influence non négligeable. S’il pose sa candidature, il modifie la donne. Notamment pour Ségolène Royal pour laquelle il est peut-être le concurrent le plus dangereux. A tel point qu’elle a jugé utile de renoncer un instant à sa stratégie de fair play vis-à-vis des socialistes, pour le renvoyer à sa retraite en déclarant sur France 2 : «Toute analyse du passé est utile mais ce qui compte c’est de construire l’avenir, c’est de construire un désir d’avenir et de répondre aux problèmes qui se posent aujourd’hui». Si, par contre, il renonce à défendre ses chances, Lionel Jospin pourrait alors décider d’accorder son soutien à une autre candidature. Ce qui, bien évidemment, constituerait un atout majeur pour l’heureux élu. Et là, soyons-en sûr, ce ne serait pas une élue.



par Valérie  Gas

Article publié le 28/08/2006 Dernière mise à jour le 28/08/2006 à 16:04 TU