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Réchauffement de la planète

L’aviation fait un premier pas

Avec le développement du transport aérien, les émissions de moteurs d'avions devraient fortement augmenter. 

		(Photo : AFP)
Avec le développement du transport aérien, les émissions de moteurs d'avions devraient fortement augmenter.
(Photo : AFP)
La Commission européenne a dévoilé son projet de directive concernant le transport aérien. Pour la première fois, les compagnies aériennes vont être impliquées dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Leur activité n’était pas encadrée par le Protocole de Kyoto mais désormais, ces compagnies auront la possibilité de réduire leurs émissions en les «vendant» sur le marché européen du carbone.

Le transport aérien représente une part relativement faible des émissions mondiales de dioxyde de carbone puisque les experts estiment cette part à 3% des émissions totales de ce gaz, le premier accusé du réchauffement de la planète. Comme cette proportion est faible, ceux qui ont élaboré le Protocole de Kyoto, chargé de concrétiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, n’avaient pas imposé des objectifs contraignants au secteur aérien. Le fait d’épargner l’aviation avait d’ailleurs fait grimacer les autres moyens de transports, essentiellement les constructeurs automobiles : année après année, des normes sans cesse plus contraignantes les obligent à inventer des modèles toujours plus économes en énergie et modestes en rejets de gaz à effet de serre.

Que ce soit l’Union européenne ou les membres de la Convention climat, tous ces pays ont déjà en tête l’après Protocole de Kyoto dont l’échéance est prévue en 2012. Pour la suite, les experts voudraient étendre la lutte contre le réchauffement climatique en impliquant les pays émergents comme la Chine ou l’Inde. Celles-ci sont actuellement en plein essor économique et la courbe de leurs rejets de gaz à effet de serre est en train de grimper.

Les diplomates qui élaborent cette seconde phase de la lutte contre les changements climatiques veulent également impliquer le transport aérien. Le premier bénéfice sera de mettre sur un pied d’égalité tous les transports fonctionnant à base de pétrole. Mais surtout, si le secteur aérien émet pour le moment peu de gaz à effet de serre, les experts veulent anticiper son développement. Car les émissions des moteurs d’avions devraient fortement augmenter. Et très vite, étant donné les prévisions d’augmentation du trafic : 150% d’ici 2012.

Participer par le biais des permis

On a souvent dit que le transport aérien avait été «oublié» lorsque les règles du Protocole de Kyoto ont été décidées. Il n’empêche, depuis plusieurs années déjà, les compagnies aériennes discutent avec la Commission européenne et avec les gouvernements de leurs pays d’origine, signataires de la Convention climat et du Protocole. Au début, les compagnies aériennes ont mis en avant le fait qu’elles n’avaient pas de solution alternative au kérosène, dont les résidus, comme ceux de l’essence, polluent l’atmosphère.

Finalement, pour participer quand même à la lutte contre les changements climatiques, les compagnies ont proposé d’entrer sur le marché des permis à polluer. Elles participeront aux échanges de quotas d’émissions sur ce marché, créés il y a près de deux ans. Les industries les plus polluantes peuvent déjà y vendre, en fonction des quotas qui leur ont été attribués, leur pollution en surplus ou se procurer un quota d’air propre si elles ne parviennent pas à atteindre le niveau de dépollution fixé par leur gouvernement.

C’est ce système d’échanges sur le marché des permis à polluer qui a été choisi afin de ne pas désavantager les compagnies aériennes possédant les avions les plus âgés. Il avait été question de fixer un calendrier de réduction des émissions en impliquant les compagnies aériennes entre elles seulement. Mais ce mini-marché de la pollution aurait pénalisé les compagnies qui transportent le plus de passagers, qui sont donc les plus compétitives et émettent le plus de gaz carbonique. De plus, les compagnies ayant les avions les plus anciens auraient acheté des permis d’émission à celles possédant les appareils les plus récents, ce qui aurait favorisé les lowcost... Elles ont les avions les plus jeunes et les moins polluants.

Une réglementation à l’échelle des 25

Une fois ces travers évités, restait encore à délimiter les contours de la nouvelle réglementation. Puisque la directive est européenne, est-ce que tous les vols décollant des aéroports à l’intérieur de l’Union allaient être concernés quelle que soit leur destination ?  C’était le souhait de la Commission, pour donner de l’ampleur à la mesure. Ce choix n’a pas été retenu, comme ne l’a pas été, non plus, celui de soumettre à cette nouvelle réglementation tous les vols atterrissant sur les aéroports des 25.

Cette réglementation qui, pour la première fois, fait participer le transport aérien à la réduction des gaz à effet de serre, s’appliquera uniquement en Europe sur les vols intérieurs. Les compagnies n’auront pas à craindre de distorsion de concurrence sur les vols longs courriers. Une extension du système est cependant envisagée, ce qui pourrait déplaire notamment aux compagnies américaines.

Les spécialistes estiment que ce démarrage modeste, à l’échelle de l’Europe, permettra à cette  nouvelle réglementation de prendre ses marques dans un univers commercial qui se porte bien et qui a du potentiel. De toute façon, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) avait déjà indiqué qu’elle n’était pas contre cette implication du transport aérien dans la lutte contre les changements climatiques. Cette organisation, qui regroupe 189 Etats (sur 192), travaille depuis plusieurs années déjà avec le GIEC, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat chargé, par les Nations unies, de faire le point scientifique et de proposer des solutions pour freiner le réchauffement.

Tout le monde semble donc d’accord pour que les compagnies aériennes fassent du commerce avec leur pollution sur le marché du carbone. Cependant, ce marché n’a pas encore réellement fait ses preuves depuis sa création car les Etats ont été trop généreux en crédits d’émissions pour ne pas pénaliser la croissance de leurs entreprises. «Une limite rigoureuse des émissions devra être fixée et le secteur devra être amené à payer ses droits d’émission, sinon le système ne sera pas crédible», prédit l’association WWF, le fonds mondial pour la nature. Le WWF va même plus loin, affirmant que la nouvelle réglementation pourrait augmenter les bénéfices des compagnies aériennes : elles vont répercuter ces coûts sur le prix des billets.

Qui sait d’ailleurs si demain, des passagers à la fibre écologiste, ne seront pas volontaires pour payer une surtaxe correspondant à leur part de pollution pour aller à destination ? Dans plusieurs pays européens, des consommateurs font déjà ce geste pour la planète en achetant, plus cher, de l’électricité verte, produite par le vent, le soleil ou l’eau.



par Colette  Thomas

Article publié le 19/12/2006 Dernière mise à jour le 19/12/2006 à 10:34 TU