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Réchauffement Climatique

L’Afrique déçue des conclusions de Nairobi

Le Néerlandais Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies pour le changement climatique. 

		(Photo : AFP)
Le Néerlandais Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies pour le changement climatique.
(Photo : AFP)
Pas de pas en arrière, mais peu d’avancées tout de même à l’issue de 15 jours de négociations entre 189 pays dans la capitale kenyane. Quelques points importants ont été obtenus à l’arrachée. La tenue d’un calendrier pour réviser le protocole de Kyoto, selon lequel plus d’une trentaine de pays industrialisés sont soumis à des réductions chiffrées de dioxyde de carbone, l’accord sur le fond d’adaptation, qui doit permettre aux pays du nord de financer des projets pauvres en carbone dans les pays du sud. Pour la première fois, l’Afrique sub-saharienne a accueilli la 12ème rencontre sur le réchauffement climatique, pourtant, certaines ONG africaines s’estiment flouées par le faible nombre de décisions prises, le reste ayant été repoussé à l’année prochaine, où la conférence se tiendra en Indonésie.

«Les pays industrialisés ne voient rien. Ils ne voient pas la réalité du réchauffement climatique que nous subissons ici en Afrique. La preuve, la semaine dernière à quelques centaines de kilomètres de là, 70 000 personnes se sont retrouvées sans abri à cause des inondations». Grace Akumu, responsable au Kenya du réseau Action Climat fait allusion aux pluies diluviennes qui se sont abattures sur le pays et qui ont fait 23 morts au moment même où les négociations sur l’effet de serre battaient leur plein. Une catastrophe naturelle qui a servi d’illustration dramatique aux discours décrivant le continent africain comme la première victime du dérèglement du climat. «Les pays industrialisés sont comme des autruches, ils se cachent la tête dans le sable».

Le ton est catégorique. Pourtant, le bilan n’est pas si morose à en croire les responsables de la Convention des Nations Unies pour le Changement Climatique. Yvo de Boer, son secrétaire exécutif, a énuméré les réussites de Nairobi. D’abord, la tenue d’un calendrier afin de réviser le traité de Kyoto, pour redéfinir les nouveaux engagements internationaux à la lumière des nouvelles recherches scientifiques. Les délégués se sont accordés sur la nécessité de réduire de 50% les émissions de CO2, tout en rappelant que les pays industrialisés n’y parviendraient pas seuls et tout en se gardant bien d’avancer des engagements concrets. Les regards se tournent notamment vers la Chine, qui est devenue en dix ans le deuxième pollueur après les Etats-Unis. Les pays émergents refusent de se soumettre à des réductions tant que la première puissance économique mondiale ne ratifie pas le Protocole de Kyoto.

Une aide pour l’Afrique

Koffi Annan a annoncé le lancement d’un plan par 6 agences des Nations Unies visant à aider le continent africain à bénéficier des projets dans le cadre du mécanisme de développement propre, qui pour le moment a profité aux trois quarts à la Chine et à l’Inde. «Cette initiative est honorable, mais inefficace ! Les Nations Unies se plaignent sans cesse de ne pas avoir d’argent ! Et puis nous en avons assez d’entendre parler de renforcement de capacités, nous voulons des actions concrètes sur le terrain !» grommelle Grace Akumu. Le plan d’adaptation, qui vise à faire financer des projets pauvres en carbone dans les pays du sud par les pays du nord sur la base de taxes sur les transactions financières du marché du carbone a été adopté dans les «principes». Au-delà du jargon, cela signifie que les pays industrialisés n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord avec les pays en voie de développement sur la gestion de ce fonds.

L’Afrique, notamment, s’oppose à ce que le Fonds pour l’environnement mondial - contrôlé en grande partie par la Banque mondiale et où les Etats-Unis sont donc prépondérants - gère ce fonds. «La décision a été remise à 2007, mais le principal est que tout le monde se soit mis d’accord», se réjouit Yvo de Boer. «Les discussions ont patiné pendant quinze jours sur cette question. L’Afrique, hôtesse de l’événement a été oublié dans les négociations», réplique un membre d’une ONG camerounaise. Le ministre allemand de l’environnement racontait cette anecdote : «Quand je suis arrivé à Montréal, je voyais des badges accrochés aux vestes des délégués sur lesquels étaient écrits “vous d’abord”. A Nairobi, il y a eu des progrès, mais pas suffisant ; il faut progresser pour être capable de troquer son badge “vous d’abord”, par un badge “moi aussi”».

La ligne de fracture entre pays du nord et pays du sud n’a pas disparu. Un processus lent, qui dépend en grande partie de l’attitude américaine, dont le revirement est attendu après les élections de 2009. Tant bien que mal, la conférence de Nairobi a rempli ses maigres ambitions : établir un plan de travail et des dates butoir pour l’après-Kyoto, avancer sur les mesures d'adaptation et de soutien aux pays en développement en s'accordant sur plusieurs dispositif techniques ou méthodologiques. Pas de scoop, mais pas de pessimisme non plus. C’est le message en demi-teinte exprimé par Yvo de Boer : «Il faut laisser aux gens le temps de digérer des décisions qui ne semblent pas au premier abord spectaculaires».



par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 18/11/2006 Dernière mise à jour le 18/11/2006 à 15:49 TU