Nations unies
Les premiers pas de Ban Ki-moon
(Photo : AFP)
Le Sud-Coréen Ban Ki-moon a entamé ce mardi, 2 janvier, son premier mandat de cinq ans à la tête des Nations unies dont il est le huitième secrétaire général depuis 1945. Soutenu par les Américains, ce diplomate expérimenté, à la personnalité discrète, affirme ne pas manquer «d’autorité et de détermination». Ban Ki-moon veut renforcer l’Onu et s’entourer d’une équipe «professionnelle, responsable, mobile» et s’apprête à nommer les chefs des principaux postes de direction au sein de l’Organisation, disputés par les grandes puissances. Dans sa première déclaration, lors de sa prise de fonction, le nouveau patron de l’Onu a placé le Darfour en tête de ses priorités.
La première journée de travail du nouveau patron des Nations unies a commencé par une brève déclaration à la presse. Ban Ki-moon a placé la crise dans la province soudanaise du Darfour au centre de ses préoccupations. Il va y porter toute son attention, «immédiatement». En s’engageant diplomatiquement, il espère «résoudre pacifiquement, le plus tôt possible, cette très sérieuse question», a-t-il déclaré. Ainsi, dès ce mercredi, Ban Ki-moon s’entretiendra avec le représentant spécial par intérim de l'Onu au Soudan, le suédois Jan Eliasson, qui a remplacé le diplomate néerlandais Jan Pronk, expulsé de Khartoum en octobre dernier pour avoir critiqué l’efficacité de l’armée soudanaise au Darfour et pour avoir plaidé pour l’envoi d’une force de l’Onu dans la région.
Le nouveau secrétaire général des Nations unies compte aussi s’entretenir avec le président soudanais Omar el-Béchir lors d’un sommet de l’Union africaine, prévu fin janvier à Addis Abeba. La semaine dernière, dans une lettre au secrétaire général sortant, Kofi Annan, le président soudanais avait donné son accord à un plan de paix en « trois phases pour le Darfour », approuvé lors de réunions, en novembre, en Ethiopie et au Nigeria. Ce plan est censé aboutir à la création d’une force mixte, formée de troupes de l’Union africaine et des Nations unies. Mais le président Omar el-Béchir n’a pas précisé le format de cette force et qui la dirigera, notamment à savoir, si Khartoum acceptera, ou non, une force de 20 000 casques bleus.
«Un moment intimidant»
Au-delà de la crise du Darfour, où sa fille aînée travaille pour l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), Ban Ki-moon a aussi cité le Proche-Orient, le Liban, l'Iran, l'Irak, la Corée du Nord et «bien d'autres», soulignant qu’il entre en fonctions «à un moment intimidant dans les affaires internationales». Tous ces défis doivent être affrontés «collectivement», a affirmé le nouveau secrétaire général de l’Onu. En effet, pour Ban Ki-moon, «personne», ne peut y faire face seul, ni le secrétaire général de l’Onu, ni «aucun pays, même le plus fort, le plus puissant, le plus riche en ressources», dans ce qui semble être une allusion aux Etats-Unis qui ont lancé la guerre en Irak sans l’aval de l’Onu, suscitant un débat sur le rôle et l’avenir de l’organisation, impuissante à empêcher cette intervention.
A ceux qui souhaitaient savoir s’il approuvait la pendaison samedi dernier de l’ancien président irakien, Saddam Hussein, Ban Ki-moon a fait une réponse très diplomatique. Prudemment, il s’est limité à répondre que Saddam Hussein avait commis des «crimes odieux et des atrocités innommables», ajoutant que «la question de la peine capitale relève de chaque Etat membre».
Parmi les défis auxquels le nouveau secrétaire général de l’Onu va être confronté, Ban Ki-moon a aussi évoqué la nécessité de poursuivre la réforme des Nations unies. De l’avis général, l’Organisation ne reflète plus le monde d’aujourd’hui. Son élargissement est un enjeu crucial pour beaucoup de pays et au centre de désaccords fondamentaux entre les Etats membres, particulièrement entres les cinq permanents du Conseil de sécurité, qui disposent du droit de veto (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie). Elu par consensus et fortement soutenu par les Etats-Unis, Ban Ki-moon devra utiliser tout son savoir-faire de diplomate.
Deux nominations au sein de son équipe
Le nouveau secrétaire général de l’Onu ne semble pas avoir le charisme de son prédécesseur, Kofi Annan, mais affiche plutôt l’image d’un homme discret, acharné au travail. Une discrétion qui, avertit-il, ne doit pas être prise pour de la faiblesse. «Je suis peut-être discret ou doux, mais cela ne signifie pas que je manque d'autorité et de détermination», a-t-il déclaré récemment. L’ex-chef de la diplomatie sud-coréenne serait du genre «poigne de fer dans un gant de velours» selon Ko Ki-Seok, un porte-parole du ministère sud-coréen des Affaires étrangères.
Lorsqu’il a prêté serment le 14 décembre dernier, Ban Ki-moon a promis de «ne pas rechercher ou accepter d’instructions d’un gouvernement quelconque». Ce diplomate chevronné, qui a derrière lui une longue carrière politique de 36 ans, s’est fait une réputation de médiateur, très habile à obtenir des compromis. Il s’est engagé à «restaurer la confiance» dans l’Organisation, «accusée d’inefficacité».
Alors que l’Onu souffre d’un déficit de crédibilité, dû à son incapacité à résoudre les graves crises qui secouent le monde, le nouveau patron des Nations unies n’aura certainement pas la tâche facile. Ses grandes décisions restent à venir. Parmi elles, la nomination de futurs directeurs au sein de l’Organisation, très disputée par les grandes puissances. Parmi les postes les plus convoités par les Etats-Unis, figurerait la direction des forces de maintien de la paix, dirigée actuellement par le français, Jean-Marie Guehenno.
Ce mardi soir, seules deux nominations de sa future équipe étaient connues. Ban Ki-moon a choisi comme chef de cabinet, l’Indien Vijay Nambiar, 63 ans, ex-conseiller politique spécial de son prédécesseur qui avait rang de secrétaire général-adjoint. Il s’était notamment distingué lors de la guerre au Liban, l'été dernier, lorsqu’il s’était déplacé dans la région en qualité d’émissaire de Kofi Annan, comme chef de la mission du secrétaire général au Moyen-Orient.
Au poste de porte-parole du nouveau secrétaire général vient d’être nommée la journaliste haïtienne Michèle Montas qui remplace le Français Stéphane Dujarric en fonction depuis juin 2005. Michèle Montas est connue au sein de l’Organisation où elle a notamment dirigé le département français de la radio des Nations unies. Elle a également été le porte-parole de l’Assemblée générale, en 2003. La journaliste haïtienne était partie à New York après une tentative d’assassinat il y a quatre ans. Elle s’était fait connaître notamment par le combat qu’elle a mené contre l’impunité dans son pays après l’assassinat de son mari, Jean Dominique, directeur de Radio Haïti, en avril 2000.
par Elisa Drago
Article publié le 02/01/2007 Dernière mise à jour le 02/01/2007 à 20:12 TU