Mexique
Calderon déclare la guerre aux cartels de la drogue.
(Photo : AFP)
Le président Felipe Calderon affiche sa volonté de faire de la lutte contre le trafic de drogue sa priorité. Après le déploiement de 5 000 militaires, marins et éléments des forces fédérales, dans l’Etat du Michoacán, il ouvre un nouveau front en Basse Californie en dépêchant plus de 3 000 soldats et policiers, à Tijuana, ville frontière au nord du Mexique où la criminalité et la consommation de la drogue ont été multipliées par quatre depuis le début de la décennie.
De notre correspondant à Mexico
Ce sont au total 3 296 militaires et policiers qui ont été déployés avec leur matériel souvent sophistiqué pour reprendre le contrôle de Tijuana. «Nous avons lancé cette opération pour mettre fin aux diktats des cartels de la drogue et à l’impunité des délinquants qui mettent en péril la tranquillité des familles et pour récupérer les espaces publics. Aucun Etat de la République ne sera plus prisonnier des trafiquants de drogue et du crime organisé», avertit le ministre de l’Intérieur, Francisco Ramirez.
Criminalité galopante à Tijuana
Selon le Conseil citoyen de sécurité publique, chaque mois à Tijuana, 10 personnes sont assassinées en plein jour et dans les lieux publics, 13 autres se font enlever. En 4 ans, le nombre des vendeurs de drogue et celui des consommateurs a quadruplé. Un investissement de 30 000 dollars en crack ou en amphétamine rapporte en effet 110 000 dollars. 500 familles ont préféré fuir de l’autre côté de la frontière pour échapper à cette violence urbaine. Les restaurants affichent une baisse de leur clientèle de 50 %. Capella Ibarra, l’un des chefs de file du Conseil citoyen, applaudit l’opération Tijuana car il estime que les autorités locales ne peuvent plus rien faire. La plupart sont sous le contrôle des barons de la drogue, la corruption ayant pénétré toutes les institutions, en particulier la police et la justice.
L’opération Tijuana devrait durer plusieurs semaines. Les routes, le ciel et la mer seront sous haute surveillance mais aussi les administrations et les polices municipales et celles de l’Etat. Le procureur général de la République a mis à la disposition de ces forces de l’ordre un groupe spécial de 48 inspecteurs du ministère de la Justice considérés comme intègres pour exécuter les interpellations, démanteler les organisations criminelles liées aux enlèvements, au trafic d’armes, de drogue et de personnes.
Une opération de même type entreprise le 11 décembre dans l’Etat du Michoacán, au centre du Mexique, a donné de bons résultats : l’armée a confisqué 6 tonnes de cannabis, 150 kilos de graines, 127 armes, 32 000 cartouches, 41 grenades, 35 véhicules, elle a détruit 540 hectares de marijuana et a arrêté 80 personnes dont un kapo important du cartel du Milenio. Une perte financière pour les trafiquants estimée par le gouvernement à 700 millions de dollars.
La répression des trafiquants, une priorité budgétaire
Le président Felipe Calderon a déclaré vouloir faire de la lutte contre la grande criminalité une priorité de son gouvernement. Il a demandé aux députés de voter une augmentation budgétaire de 30 % pour l’aider à remporter ce combat que ces prédécesseurs ont perdu. Il a trois objectifs : la création d’un Système unique d’information criminelle qui coûtera 25 millions de dollars, la mise sur pied d’une Police fédérale unique (une sorte de gendarmerie nationale) avec un budget de fonctionnement de 130 millions de dollars et une enveloppe de 30 millions de dollars pour combattre la vente de drogue au détail qui est en passe de transformer le Mexique en un pays de consommation alors qu’il n’était jusqu’alors qu’un pays de passeurs.
Par ailleurs, pour la première fois depuis 1985 lorsque le trafic de drogue est devenu un problème de sécurité nationale, le combat contre la grande criminalité va se réaliser de manière simultanée dans tout les Etats. Felipe Calderon semble vouloir rompre avec la dynamique pendulaire des gouvernements précédents qui, en luttant contre certains cartels, protégeait les autres.
Tous les présidents mexicains nouvellement élus font à leur arrivée au pouvoir une action d’éclat. Felipe Calderon a choisi de s’attaquer en priorité à l’insécurité et au trafic de drogue. On verra rapidement s’il a une véritable volonté de combattre ce cancer. Pour sa part, l’analyste Raimundo Riva Palacio voit un signe prometteur. A ses yeux, «en s’attaquant à Tijuana, le nouveau gouvernement montre qu’il n’a pas peur d’affronter un cartel de la drogue qui a longtemps fait l’objet de protection, en particulier sous le gouvernement de Vicente Fox ».
Un signal à l'intention de Washington
Raimundo Riva Palacio souligne que pour convaincre, Felipe Calderon devra aller plus loin en s’attaquant aux éléments corrompus qui protègent les trafiquants et les grands criminels depuis l’intérieur de l’Etat ce qui leur donne leur véritable force. Selon l'analyste, les cartels ne sont pas plus forts que l’Etat, «ils existent parce qu’on leur a permis d’exister, c’est ce que démontrent les 25 ans de combat sélectif mené par les gouvernements mexicains». Reste à savoir, souligne l'analyste, si Calderon «osera toucher aux gouverneurs et aux généraux en activité ou à la retraite qui sont liés au barons de la drogue».
Felipe Calderon, qui vient d’être félicité discrètement par Washington pour cet engagement à lutter fermement contre la criminalité, démontre par cette action au président des Etats-Unis et au Congrès américain qu’il est un président fort, avant de reprendre les discussions bilatérales. Il a bien conscience qu’il ne pourra rien obtenir des Etats-Unis s’il ne montre pas une véritable volonté à résoudre ce problème qui intéresse les deux pays.
par Patrice Gouy
Article publié le 04/01/2007 Dernière mise à jour le 04/01/2007 à 10:19 TU
