Etats-Unis–Irak
Les démocrates mettent la pression sur Bush
(Photo : AFP)
Les démocrates ouvrent un nouveau front dans la guerre en Irak. Un front intérieur, avant même le discours très attendu de mercredi, au cours duquel George W. Bush rendra public son nouveau plan, considéré comme celui de la dernière chance. Les lignes en sont déjà connues. Selon le New York Times, outre l’envoi de 20 000 soldats supplémentaires pour sécuriser Bagdad auprès des 132 000 déjà stationnés en Irak, le président américain pourrait annoncer le déblocage d’un crédit d’un milliard de dollars. Somme qui serait affectée à la création d’emplois civils irakiens, pour que la présence américaine ne soit pas perçue seulement comme une force d’occupation. C’est donc une triple bataille, politique, militaire et économique que le président va devoir livrer face au Congrès «pour justifier le moindre soldat supplémentaire qu’il souhaite», a déclaré Nancy Pelosi, la nouvelle présidente démocrate de la Chambre des représentants. «C’est quelque chose de nouveau pour lui, parce que jusqu’à présent, la majorité républicaine au Congrès lui a donné un chèque en blanc, sans contrôle, sans barrières, sans conditions, et nous sommes arrivés dans cette situation d’une guerre sans fin, rejetée par le peuple.
Bush a changé des têtes
Harry Reid, chef de la majorité démocrate au sénat, et Nancy Pelosi s’opposent clairement à un envoi de troupes supplémentaires «qui mettraient en danger encore plus d’Américains.» Ils se disent hostiles à une «stratégie qui a déjà échoué» et coûté la vie à plus de 3 000 GI’s. Le sénateur démocrate Joe Biden, président de la commission des Affaires étrangères, estime que «les renforts avaient un sens avant la guerre civile et que l’arrivée de 20 000 soldats supplémentaires à Bagdad n’aura aucun impact dans cette ville de 6 millions d’habitants plongée dans la violence.»
Avant même de rendre publiques ses décisions, Bush a déjà changé des têtes dans les services de renseignements, la diplomatie et l’armée, notamment avec la nomination du général David Petraeus. En 2004, ce militaire de 54 ans, sorti dans les dix premiers de sa promotion à West Point, la célèbre académie militaire américaine, avait supervisé l’entraînement des forces de la nouvelle armée irakienne. Contrairement à son prédécesseur, le général George Casey, Petraeus souhaite que les troupes ne se contentent plus de patrouiller de loin et autour de la capitale. Désormais, elles devraient être amenées à prendre position à l’intérieur même, dans tous les quartiers de la ville. Interrogée sur cette nomination, Nancy Pelosi ne se montre guère plus indulgente : «Il a été en charge de la nouvelle armée irakienne. Ce fut un échec.»
Les démocrates utiliseront-ils l’arme budgétaire ?
Prônant le rapatriement progressif des forces américaines, Harry Reid déclarait samedi, au cours d’une émission radiodiffusée hebdomadaire du parti démocrate : «plutôt que d’envoyer des troupes additionnelles en Irak, nous espérons que le président Bush fera comprendre aux dirigeants irakiens que le temps est venu pour eux d’assumer la responsabilité de leur avenir.» Le sénateur a souligné qu’une des tâches les plus importantes de la nouvelle majorité démocrate au Congrès était de «travailler avec le président Bush à trouver une fin à la très difficile guerre en Irak.» Il n’a toutefois pas indiqué si les démocrates allaient utiliser leurs nouveaux pouvoirs au Congrès pour bloquer le financement nécessaire à l’envoi de troupes supplémentaires en Irak. Selon Le Figaro publié ce lundi, les démocrates n’oseront pas voter contre les nouveaux crédits pour ne pas être accusés de laisser tomber l’armée. Le président du groupe républicain au sénat, Mitch McConnell a, pour sa part, tempéré les menaces des élus démocrates en expliquant que le Congrès n’avait pas le pouvoir «de définir dans les détails la manière dont l’exécutif utilise les ressources allouées à l’armée.»
Le Times révèle que le plan du président américain inclurait «une nouvelle politique diplomatique pour renforcer la confiance parmi les alliés islamiques de Washington dans la région», sans autre précision que la tournée de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice au Proche-Orient, dès la fin de la semaine. Citant de hauts responsables de l’administration, le quotidien américain affirme que les objectifs de Bush à l’endroit du gouvernement de Bagdad «impliqueront une plus grande participation des sunnites dans le processus politique, la distribution des revenus provenant du pétrole, qui a été longtemps retardée, et un assouplissement de la politique gouvernementale à l’égard des anciens membres du parti Baas.»
Dans son édition de dimanche, le Washington Post estimait que George W. Bush «allait probablement parler de nouveaux efforts pour essayer de relancer le processus de paix israélo-palestinien», mais que «toute tentative d’associer la Syrie et l’Iran à l’effort de stabilisation» en Irak «est apparemment absente.» L’annonce de renforts militaires peut être également interprétée comme une mise en garde de Washington aux deux pays voisins de l’Irak contre toute action extérieure.par Françoise Dentinger
Article publié le 08/01/2007 Dernière mise à jour le 08/01/2007 à 18:26 TU