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Espagne

Un pays en proie à ses vieux démons

Le Premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero s'est adressé aux membres de l'association des Equatoriens d'Espagne, le 9 janvier 2007. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero s'est adressé aux membres de l'association des Equatoriens d'Espagne, le 9 janvier 2007.
(Photo : AFP)

L’ETA a revendiqué mardi l’attentat meurtrier du 30 décembre dernier à l’aéroport de Madrid mais affirme que le cessez-le-feu est toujours en vigueur. Les partis politiques ont exprimé leur indignation. A droite, le Parti populaire, opposé aux négociations avec l’organisation séparatiste basque, va demander la révocation de la résolution du Congrès qui autorise le gouvernement socialiste à dialoguer avec l’ETA. La presse condamne «le communiqué délirant» de l’organisation séparatiste. Alors que le gouvernement a déjà rompu le processus de paix en cours, le Premier ministre Zapatero a reporté une visite officielle prévue la semaine prochaine au Japon.


L’organisation séparatiste basque espagnole ETA a tenté de justifier l’attentat à l’aéroport de Madrid-Barajas comme étant une réponse aux «obstacles» dressés, selon elle, par le gouvernement, alors que neuf mois après le cessez-le-feu, le processus de paix n’a pas connu de véritable avancée. «L’objectif de cette action armée n’était pas de faire des victimes» affirme l’ETA, soulignant que son «cessez-le-feu permanent, mis en place le 24 mars 2006, tient toujours». L'organisation se déclare disposée à poursuivre le processus de paix. Néanmoins, elle n’écarte pas la possibilité de commettre d’autres attentats, si le gouvernement poursuit ses «agressions».

Presse et partis politiques indignés

Les arguments de l’ETA ne semblent pas avoir convaincu la presse espagnole qui a unanimement dénoncé un communiqué «délirant», un «monument d’incohérence». L’ETA a choisi «une voie sans retour» et «se trompe radicalement si elle croit qu'ici, il est possible de répéter l'exemple irlandais, où les discussions entre l'IRA et le gouvernement britannique se poursuivirent après de graves attentats» commentait, ce mercredi, le quotidien catalan El Periodico.

Pour leur part, les partis politiques espagnols ont exprimé leur indignation. Dans l’opposition, à droite, le porte-parole du Groupe populaire au Parlement, Eduardo Zaplana, a dénoncé «une blague macabre et intolérable». Un communiqué sans «aucune crédibilité» selon le porte-parole du groupe parlementaire des nationalistes catalans de centre-droit Convergencia i Unio, Josep Antoni Duran Lleida. «L’ETA a enterré, sous les décombres de Barajas, le cessez-le-feu permanent et le processus de paix» considère le porte-parole du Parti socialiste basque, Rodolfo Ares. Alors que pour Mikel Arana, le porte-parole du parti de gauche basque Ezker Batua, il ne reste pas «d’autre alternative» que «d’annoncer l’arrêt définitif de la violence, de déposer les armes et de disparaître de la scène publique, si elle veut (l'ETA)que ses paroles aient une quelconque crédibilité». Pour la vice-présidente du gouvernement, Maria Teresa Fernandez de la Vega, «l’ETA s’est trompée, elle a rompu la trêve, le processus de paix, et elle a fermé les portes».

Face au choc provoqué dans l’opinion publique par l’attentat de l’ETA, la pression s’accentue sur le gouvernement socialiste. Sa marge de manoeuvre semble limitée. Le Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero a dû annuler un voyage prévu la semaine prochaine au Japon. Lundi prochain, il doit expliquer au Parlement la stratégie qu’il compte adopter face à l’organisation séparatiste basque. Immédiatement après l’attentat, le chef du gouvernement espagnol avait «rompu» le processus de paix. Aujourd’hui la reprise de dialogue ne semble pas à l’ordre du jour et le Parti populaire (PP) s’en réjouit.

Le gouvernement Zapatero joue gros à l’approche des municipales

En effet, les conservateurs du PP se sont toujours opposés à des négociations avec l’ETA. Ainsi, lorsqu’en mai 2005 le gouvernement Zapatero a obtenu l’autorisation du Parlement d'entamer le dialogue avec l’organisation séparatiste basque armée, les 147 députés du Parti populaire s’y sont opposés, considérant toute négociation inutile et dangereuse. Et, au mois d’octobre dernier, les conservateurs du PP ont mené une campagne contre le vote au Parlement européen d’une motion de soutien à cette initiative de paix qui aurait pu légitimer les négociations.

Ce mercredi, le leader du PP, Mariano Rajoy a annoncé que son parti va demander lundi prochain au Congrès la révocation de la résolution approuvée au Parlement en 2005 qui autorisait l’exécutif à dialoguer avec l’ETA, en l’absence de violence. Le ministre de l’Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, qui a entamé une consultation des partis politiques à la recherche de consensus politique sur l’attitude à tenir face à l’ETA, a appelé le PP à présenter des propositions qui «rassemblent» plutôt que celles qui «divisent». «Ce serait la première fois, dans l’histoire de la démocratie, que le Parlement révoquerait une résolution approuvée à la majorité à cause d’une bombe de l’ETA», a notamment déclaré le ministre.

En fait, le gouvernement socialiste joue gros dans cette affaire. En effet, les élections municipales et régionales sont prévues le 27 mai prochain et le premier sondage réalisé après l’attentat à l’aéroport de Madrid donne un avantage à l’opposition. Pour la première fois, le parti conservateur devance les socialistes d’un demi demi-point. Ainsi, le Parti populaire y est crédité de 40,7% des intentions de vote, devant le Parti socialiste (40,2%), alors que deux jours avant l’attentat, un autre sondage plaçait le PP, avec 40,5%, juste derrière le Parti socialiste qui obtenait alors 40,7% des intentions de vote.

En France, deux membres présumés de l’ETA ont été interpellés mardi, près de Saint-Jean-de-Luz, au pays basque français, lors d’un contrôle de police. L’un des deux hommes, Asier Larrinaga Rodriguez, était recherché à la suite de la découverte d’une cache d’explosifs, le 23 décembre dernier, au pays basque espagnol, puis de 180 kilos d’explosifs la semaine dernière dans la même région. Même si aucune charge précise ne pèse sur eux concernant l’attentat du 30 décembre, les autorités françaises mènent les vérifications.

par Elisa  Drago

Article publié le 10/01/2007 Dernière mise à jour le 10/01/2007 à 19:11 TU