Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Espagne

Le processus de paix avec l’ETA enterré

<p>Le ministre de l'Intérieur espagnol, Alfredo Perez Rubalcaba, a annoncé que le processus de paix était «<em>rompu, terminé, liquidé</em>». 

		(Photo : AFP)

Le ministre de l'Intérieur espagnol, Alfredo Perez Rubalcaba, a annoncé que le processus de paix était «rompu, terminé, liquidé».
(Photo : AFP)

Le gouvernement socialiste espagnol a enterré officiellement le processus de paix lancé il y a neuf mois avec l’organisation séparatiste basque, suite à l’attentat, revendiqué par l’ETA, qui s’est produit samedi matin à l’aéroport de Madrid. Les équipes de secours ont découvert mercredi soir les restes d’un des deux Equatoriens disparus. L’opposition conservatrice a exigé des explications solennelles du Premier ministre Zapatero qui a subi un revers politique important. L’aile politique de l’ETA s’est déclarée surprise par cet attentat.

Le processus est «rompu, liquidé, terminé», c’est ainsi que le ministre espagnol de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubacalba, s’est exprimé mardi soir dans une conférence de presse au sujet de la suspension des négociations avec les séparatistes basques qui avaient revendiqué l’attentat commis samedi matin à l’aéroport de Madrid-Barajas. Les contacts entre le gouvernement du Premier ministre Zapatero et les « Etarras » duraient depuis plusieurs mois et la déclaration d’un cessez-le-feu permanent, en mars 2006, avait suscité un immense espoir en Espagne et notamment au Pays basque. Certains responsables de l’aile politique de l’ETA ont garanti mercredi que le processus de paix n’était pas rompu, tout en reconnaissant que l’attentat «ne facilitait pas le processus». Les autorités espagnoles attendaient mercredi soir une réaction officielle de l’ETA militaire au sujet de cet attentat.

L’explosion s’est produite samedi vers 9 heures (08 H 00 TU) dans le parking de ce terminal, inauguré en février dernier, éloigné de deux kilomètres des autres terminaux de l’aéroport. La  police avait bouclé l’aérogare, suite à trois appels téléphoniques signalant l’imminence de l’attentat. L’un des correspondants anonymes a dit parler au nom de l’ETA. L’engin, composé de plusieurs centaines de kilos d’explosifs, se trouvait dans une fourgonnette qui avait été volée en France à un jeune Basque espagnol qui a été «séquestré pendant trois jours» par des membres de l’ETA, selon le ministère espagnol de l’Intérieur.

Mercredi soir, la radio nationale espagnole a annoncé que les « restes humains » d’un des deux Equatoriens disparus ont été découverts. Le gouvernement de Quito avait annoncé, dimanche,  la mort des deux  Equatoriens - Carlos Alonso Palate et Diego Estacio Sivisapa – qui dormaient dans leurs véhicules au moment de l’explosion. Le gouvernement de Quito a condamné «ce nouvel attentat terroriste qui plonge dans le deuil deux familles équatoriennes» et a assuré le gouvernement espagnol de «sa plus profonde solidarité». L’Espagne accueille plus de 500 000 Equatoriens, qui représentent la plus grande communauté d’immigrés dans ce pays. Avec le décès confirmé de Carlos Alonso Palate, il s’agît du premier attentat mortel commis par l’ETA, depuis mai 2003.

Revers politique pour Zapatero

Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, a annoncé dès samedi soir qu’il avait ordonné «la suspension de toutes initiatives liées au développement» du processus de paix avec l’ETA. Il a jugé l’attentat «totalement incompatible» avec le cessez-le-feu permanent décrété le 22 mars par l’organisation indépendantiste basque armée, soulignant que «la condition pour le dialogue était, et demeure, la volonté sans équivoque de l’ETA de renoncer à la violence». Des sources indépendantistes basques, cités par l’AFP, ont déclaré dimanche que l’ETA a voulu attirer l’attention du gouvernement sur le blocage du processus de paix et qu’elle «n’avait pas l’intention de tuer». Les deux disparus, s’ils sont retrouvés morts, seraient ainsi des «victimes accidentelles», selon l’organisation.  

L’attentat commis à l’aéroport de Madrid-Barajas est considéré dans la capitale espagnole comme étant un revers sérieux pour le Premier ministre socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, qui a pris ses fonctions en mars 2004. Pour le  chef du gouvernement espagnol, le règlement pacifique de la question basque était une grande priorité politique. Des contacts étaient en cours, depuis plusieurs mois, entre des émissaires du gouvernement du Premier ministre Zapatero et des délégués de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna, Patrie Basque et Liberté) qui avait décrété un «cessez-le-feu permanent» le 22 mars dernier. L’optimisme s’était ainsi installé à Madrid.

Mais, plus récemment, des difficultés ont été signalées, suite au vol de 350 armes de poing, le 23 octobre dernier, à Vauvert dans le sud de la France. Ce vol semblait indiquer que l’ETA était en train de se réarmer. Les séparatistes exigeaient également le transfert des détenus «etarras» dans des prisons plus proches de chez eux et voulaient la légalisation du mouvement Batasuna.

Suite à l’attentat de samedi, l’opposition de droite a déclenché une sévère campagne contre le Premier ministre. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dimanche dans le centre de Madrid, exigeant la démission de Zapatero. Cette manifestation avait été organisée par l’Association des victimes du terrorisme (AVT), avec l’appui de secteurs conservateurs et du maire de la capitale. Le chef de l’opposition, Mariano Rajoy, a exigé mercredi des  explications du Premier ministre : «nous demandons au chef du gouvernement qu’il nous explique de manière solennelle ce qui s’est passé et surtout ce qu’il compte faire. Nous sommes embarqués sur un bateau sans capitaine».

Le ministre de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubacalba, s’est senti dans l’obligation de s’entretenir avec les chefs des groupes parlementaires pour rechercher des «stratégies communes» en matière de lutte anti-terroriste. Zapatero a échoué dans son pari, comme avant lui le socialiste Felipe Gonzalez er le conservateur José Maria Aznar qui avaient également essayé de négocier la paix avec les extrémistes basques.

Divergences au sein de l’ETA

L’organisation revendique l’indépendance d’Euskal Herria - le territoire qui comprend la région autonome du Pays basque espagnol, ainsi que la Navarre et le Pays basque français. Selon le ministère espagnol de l’Intérieur, l’ETA a tué plus de 850 personnes depuis son premier attentat en juin 1968. Plus de 90% des victimes ont été tuées après la mort du dictateur Francisco Franco, en 1975, depuis le rétablissement da démocratie en Espagne. L’ETA figure depuis 2001 sur la liste européenne des organisations terroristes.

L’organisation a été fondée en 1959 par des étudiants nationalistes d’inspiration marxiste-léniniste. Le mouvement s’est éloigné des secteurs modérés, notamment du PNV qui est au pouvoir au Pays basque depuis 1980. Le parti Batasuna, qui est la vitrine légale de l’ETA, recueille entre 12% à 18% des voix aux élections. Ce parti a été déclaré illégal par le Tribunal suprême espagnol en 2003.

 L’ancien député de Batasuna, Josu Ternera, est aujourd’hui à la tête de l’organisation. C’est lui qui a négocié le cessez le feu permanent. Mais, selon le quotidien pro-gouvernemental El Pais, le comité exécutif de l’ETA a restreint, au mois d’août, le pouvoir de négociations de Ternera pour mener collégialement les négociations avec le gouvernement et aurait ainsi durci son discours et ses exigences. Le quotidien conservateur ABC affirme, de son côté, que Josu Ternera «se serait retrouvé en minorité au sein du comité exécutif» et qu’il «ne peut plus garantir au gouvernement le contrôle de l’organisation». Des tensions se seraient manifestées, selon ce journal, entre Ternera et le chef de l’appareil militaire de l’ETA, Garikoitz Aspiazu, partisan d’une ligne dure et qui aurait exigé des «résultats palpables dans les négociations».

La presse madrilène se demande si Ternera était au courant de la préparation de l’attentat de l’aéroport. Joseba Alvarez, membre du comité exécutif de Batasuna, s’est déclaré «surpris». Interviewé mercredi par Radio Euskadi, il a déclaré notamment que «personne ne s’attendait à un attentat comme celui-là».

   



par Antonio  Garcia

Article publié le 03/01/2007 Dernière mise à jour le 03/01/2007 à 19:44 TU