Espagne
L’ETA se réarme

(Photo : AFP)
La police autonome basque a annoncé vendredi la découverte de près de 80 kilos d’explosifs dans le village d’Atxondo, au Pays basque espagnol, où avait déjà été découverte jeudi une bombe de 90 kilos pratiquement prête à l’emploi, dans une véhicule abandonné. Le 23 décembre dernier, des explosifs avaient été appréhendés dans cette localité, ce qui semble indiquer, selon les autorités, que le mouvement indépendantiste basque se préparait à déclencher une série d’attentats avant la fin de l’année 2006, ce qui signifie que le cessez-le-feu décrété par l’ETA en mars dernier était bel et bien terminé.
Le corps de Diego Armado Estacio a été localisé jeudi soir dans les décombres du parking du terminal 4 de l’aéroport de Madrid-Barajas qui a été détruit par la forte explosion de l’attentat à la voiture piégée du samedi 30 décembre. Le corps de son compatriote, Carlos Alonso Palate, qui avait été retrouvé mercredi soir, a été rapatrié ver l’Equateur. Les pompiers ont mis plus de cinq jours à sortir les corps des deux immigrés, ensevelis sous plus de 40 000 tonnes d’acier et de béton.
Selon les autorités espagnoles, l’engin, composé de plusieurs centaines de kilos d’explosifs, se trouvait dans une fourgonnette qui avait été volée en France à un jeune Basque espagnol qui a été «séquestré pendant trois jours» par des membres de l’ETA, selon le ministère espagnol de l’Intérieur. Des correspondants anonymes avaient annoncé l’imminence de l’attentat. Les deux victimes ont été tuées alors qu’elles dormaient dans leurs voitures dans ce parking.
Les modérés de l’ETA en minorité
Les médias espagnols ont affirmé à plusieurs reprises que l’aile extrémiste de l’organisation a mis en minorité les modérés, partisans du dialogue avec le gouvernement. Le vol de 350 armes de poing, le 23 octobre dernier, à Vauvert dans le sud de la France semble indiquer que l’ETA était en train de se réarmer et que les «etarras» radicaux ne voulaient plus faire de concessions au Premier ministre socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero. L’attentat de l’aéroport de Madrid, le 30 décembre dernier, montre que l’appareil militaire de l’ETA a pu reprendre le contrôle de l’organisation, qui semblait affaiblie depuis cinq ans par les actions des polices espagnole et française.
Il s’agit du premier attentat mortel commis par l’ETA depuis mai 2003. L’organisation, qui n’a pas encore émis de communiqué officiel au sujet de l’explosion de Madrid-Barajas, a ainsi mis un terme au cessez-le-feu qu’elle avait déclaré le 22 mars 2006 et elle a ainsi placé le chef du gouvernement dans une position délicate, vis-à-vis de l’opposition conservatrice, notamment le Partido popular de Mariano Rajoy.
José Luis Zapatero s’est déplacé, jeudi, sur les lieux de l’attentat et il a affirmé que «les Espagnols savent que la bataille est dure mais nous avons la ferme détermination de mettre fin à la violence à travers les institutions de l’Etat de droit». Pour le Premier ministre espagnol, qui a pris ses fonctions en mars 2004, le règlement pacifique de la question basque était une grande priorité politique. Le pari était risqué, sachant que l’organisation a provoqué plus de 800 morts dans des attentats depuis près de 40 ans. Le dialogue qui devait se développer ces derniers mois n’a pu aboutir.
Le numéro deux du Parti socialiste espagnol (PSOE), José Blanco, a considéré jeudi, lors d’un entretien à la radio Ser, que «l’information dont disposait le gouvernement, ne correspondait pas à la volonté (réelle) de la bande terroriste ETA. Il faut donc reconnaitre qu’il y a pu avoir un problème d’interlocuteur». Le journal El Pais a affirmé mercredi que la direction de l’ETA avait restreint le pouvoir de négociation de son principal dirigeant, Josu Ternera, qui avait été l’interlocuteur du gouvernement lors des contacts qui avaient conduit au «cessez-le-feu permanent».
Zapatero va s’expliquer au Parlement
Les spécialistes de la question basque affirment qu’une nouvelle génération de militants partisans de la lutté armée a pu surgir dernièrement, autour de «Txeroki», le chef de l’appareil militaire de l’ETA. Mais les dirigeants du mouvement Batasuna, vitrine politique de l’organisation, considèrent que le processus de paix n’est pas rompu et que le dernier attentat est «une réponse à la pression policière et judiciaire et au manque d’engagement» du gouvernement espagnol. Le parti Batasuna, qui est toujours illégal, a présenté ses condoléances aux familles des deux Equatoriens victimes de l’attentat du 30 décembre.
Plusieurs spécialistes considèrent que les modérés ont effectivement perdu la bataille par rapport aux radicaux, mais ils devraient reprendre le dessus, un peu comme cela s’est passé en Irlande du Nord avec l’armée républicaine IRA. Le quotidien El Pais souligne dans son éditorial, ce vendredi, que les indépendantistes basques ne peuvent pas être comparés aux indépendantistes catalans. Ces derniers, «sans aucune violence, ont réussi à atteindre certain de leurs objectifs». Ce journal, qui est habituellement proche de Zapatero, s’étonne de l’irrationalité des «fanatiques» basques, comme si ces derniers «s’attendaient à ce qu’un gouvernement, fatigué par la violence, finisse par se plier aux exigences de l’ETA».
On attend avec beaucoup d’intérêt à Madrid la déclaration que le chef du gouvernement va faire au Parlement, dans une dizaine de jours. Zapatero va ainsi fournir de plus amples explications au sujet de la rupture du cessez le feu par l’organisation indépendantiste basque.
par Antonio Garcia
Article publié le 05/01/2007 Dernière mise à jour le 05/01/2007 à 18:40 TU