Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Japon-Otan

Offensive de charme de Shinzo Abe

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe en compagnie du secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, à l'ouverture du conseil de l'organisation à Bruxelles. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe en compagnie du secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, à l'ouverture du conseil de l'organisation à Bruxelles.
(Photo : AFP)
Trois mois après son arrivée au pouvoir et le jour même où était inauguré le premier ministère japonais de la Défense, Shinzo Abe a entamé une tournée de cinq jours en Europe, marquée par une visite historique au siège de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, la première d’un chef de gouvernement japonais. Le Premier ministre japonais a proposé une coopération plus étroite pour les opérations extérieures de l’Alliance Atlantique. Ce rapprochement, voulu par Washington marque la volonté du Japon de devenir une puissance militaire.

«C'est une visite historique, une grande première» a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, lors de la visite du Premier ministre japonais au siège de l’Otan à Bruxelles. Tout en indiquant qu’il allait se rendre «prochainement» au Japon, le responsable de l’Otan a placé la visite de Shinzo Abe sous le signe d’ «un renforcement, de manière souple et pragmatique, des relations entre le Japon et l'Otan».

Pour sa part, le chef du gouvernement japonais a proposé que le Japon et l’Otan tiennent des «réunions régulières» et annoncé que «l’Otan et le Japon allaient entamer des consultations, dans les jours à venir, au sujet de leur coopération concrète». Le Japon va également «collaborer avec les équipes de reconstruction provinciales (PTR) de l’Otan à des tâches humanitaires et de développement». Le Premier ministre a aussi souligné que le Japon, «tout en se conformant strictement à sa Constitution, n'hésiterait pas à envoyer la Force d'Autodéfense (l'armée japonaise) à l'étranger, pour la paix et la stabilité internationales».

Tokyo apporte déjà un soutien logistique à l’Isaf, la force internationale sous commandement de l’Otan en Afghanistan, qu’elle approvisionne en carburant. Le Japon participe aussi à un programme de démobilisation, de désarmement et de récupération des armes des anciens combattants talibans. Pour sa participation en Afghanistan et en Irak, (où 600 militaires japonais ont été déployés jusqu’en juillet dernier), Tokyo a dû aménager sa Constitution de 1947, qui lui interdit de faire la guerre, permettant uniquement la riposte en cas d’attaque.

Avec un budget militaire de quelque 30 milliards de dollars, le Japon est au cinquième rang mondial pour son budget de défense.

Tokyo cherche à s’imposer sur la scène internationale

Au mois de mai dernier, le chef de la diplomatie, Taro Aso, s’était rendu au siège de l’Otan, ce qui était déjà une première. Ce rapprochement entre Tokyo et l’Alliance Atlantique est fortement encouragé par Washington qui souhaite transformer le rôle de l’Otan. En effet, les Etats-Unis veulent élargir le champ d’action de l’Otan pour  en faire une Organisation militaire qui pourrait intervenir dans les crises partout dans le monde, mais aussi y intégrer des pays qui ne soient ni Européens ni Nord-Américains, parmi lesquels le Japon. Ce projet d’institutionnalisation d’un «partenariat global» n’a pas abouti au récent sommet de Riga, en raison de l’opposition de certains pays, parmi lesquels la France. Le président Jacques Chirac avait mis en garde contre une transformation de l’Otan qui ferait perdre sa «nature militaire» et en ferait une concurrente des Nations unies.

Le Premier ministre japonais doit plaider sa cause auprès du président Chirac, lors du dîner vendredi soir, à Elysée, où l’attendait, conformément au souhait de Shinzo Abe, la baguette de pain bien fraîche ainsi que la traditionnelle galette des rois. C'est la première rencontre entre les deux hommes d'Etat depuis l'arrivée au pouvoir de Shinzo Abe.

Allié privilégié des Etats-Unis, Tokyo cherche à s’imposer sur la scène internationale. Shinzo Abe est venu également défendre auprès de ses interlocuteurs européens l'ambition de son pays d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies et il a annoncé son intention de relancer les efforts dans ce sens. Il a reçu le soutien de son homologue britannique, Tony Blair, pour qui le «moment est venu pour que cela se produise», tout en affirmant que le Japon est «un partenaire stratégique crucial» du Royaume-Uni.

Shinzo Abe, qui avait rencontré le président américain George Bush lors du sommet de l’Apec au Vietnam, en novembre dernier, a choisi de se rendre en Europe avant d'aller aux Etats-Unis. Cet intérêt de Tokyo pour l’Europe s’expliquerait par la prise de conscience du pouvoir d’une Union européenne forte de 27 membres face à une administration Bush qui donne «des signes de déclin depuis la victoire des démocrates» à mi-mandat de George Bush.



par Elisa  Drago

Article publié le 12/01/2007 Dernière mise à jour le 12/01/2007 à 21:25 TU

Audio

Guibourg Delamotte

Spécialiste du Japon à Asia Centre

«Le Japon souhaite, avec l'Otan, être un peu plus présent sur la scène internationale, de même avec l'Onu où il souhaite siéger en tant que membre permanent.»

[12/01/2007]

Articles