Japon
Shinzo Abe Premier ministre
(Photo : AFP)
Shinzo Abe, 52 ans, ancien secrétaire du cabinet de Koizumi a remporté une victoire écrasante lors de l’élection présidentielle du PLD le 20 septembre et a été élu Premier ministre lors d’une session extraordinaire de la Diète mardi après-midi. Le prédécesseur et mentor de Shinzo Abe, le populiste Junichiro Koizumi, 64 ans, avait décidé l’an dernier, au summum de sa popularité, de quitter le pouvoir à l’issue de deux mandats à la tête du PLD. Clairement désigné par Koizumi comme son candidat à sa succession et donné favori dans les sondages, l’élection de Shinzo Abe par le parlement -désigné par 339 voix sur 476- n’a pas été une réelle surprise.
Shinzo Abe est l'héritier d’une illustre famille de politiciens conservateurs qui compte d’ailleurs un ancêtre quelque peu encombrant : il est le petit-fils de l’ex-Premier ministre Nobusuke Kishi (1957-1960) -emprisonné par les Américains comme criminel de guerre mais jamais jugé. En treize ans de carrière politique Shinzo Abe n’a occupé qu’un seul haut poste gouvernemental, celui de secrétaire général et porte-parole du gouvernement où l’avait nommé Junichiro Koizumi il y a un an. Il hérite certes sur le plan intérieur d’une économie en pleine reprise où les profits des entreprises explosent, mais il devra également faire face à une dette publique astronomique (plus de 170% du PIB produit intérieur brut) et à un vieillissement rapide de la population. Pour l’accompagner dans ses nouvelles responsabilités, Shinzo Abe, partisan d’un exécutif fort, défend néanmoins les usages traditionnels de la politique de consensus.
Peu après son élection, Shinzo Abe s’est entouré d’un gouvernement d’équilibre entre les amis loyaux de sa génération qui l’ont soutenu pour son accession au pouvoir et la vieille garde conservatrice. Parmi les jeunes, Yasuhisa Shiozaki, ancien gouverneur de la banque centrale, âgé de 55 ans, est nommé au poste de secrétaire général du gouvernement –la fonction qu’il occupait lui-même depuis octobre dernier. Parmi les anciens, le ministre des Finances, Koji Omi, 73 ans, ancien chef de l’agence de planification économique et un poids lourd du PLD, l’aristocratique Taro Aso, 66 ans, reconduit à la tête du Gaïmushô, le puissant ministère des Affaires étrangères.
Pour la première fois un homme politique né après la Seconde Guerre mondiale accède à ce poste de Premier ministre : «Je vais me consacrer de toutes mes forces et de toute mon âme à la construction d’une belle nation et d’un nouveau Japon», a annoncé avec détermination Shinzo Abe. Présenté comme un faucon, ce conservateur déclaré est ami de Washington. Il défend la guerre en Irak et la lutte anti-terroriste menée par son allié américain. «Il appartient à une génération ‘sans complexes’ vis-à-vis du passé et soucieuse de dégager le pays de sa ‘torpeur pacifiste’», résume le quotidien le Monde. Dans les grandes lignes, le nouveau Premier ministre a promis de réécrire la Constitution pacifiste l’archipel (imposée par l’occupant américain en 1947) et de remettre le Japon sur le chemin du militarisme, de renforcer le rôle de Tokyo dans les affaires internationales et de réaffirmer les valeurs traditionnelles et la fierté nationale du Japon.
Seules les sénatoriales de 2007 pourront asseoir sa légitimité
Shinzo Abe s’est donné cinq ans pour réaliser son projet, soucieux à la fois de poursuivre des liens étroits avec les Etats-Unis au nom de «la sécurité de l’archipel» et de restaurer les liens distendus avec la Chine. Les relations diplomatiques sont de facto au plus mal depuis les visites répétées de Koizumi au sanctuaire de Yasukuni dont Pékin a fini par prendre ombrage. Le lieu est marqué par une symbolique forte puisqu’y reposent, ensemble, les âmes de quelque 2,5 millions de soldats japonais morts pour la patrie depuis 1879 ainsi que celles de quatorze criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale parmi lesquels le général Hideki Tojo, responsable de massacres en Chine.
La Chine et la Corée interprétant ces pèlerinages à Yasukuni comme une glorification du passé militaire nippon, le président chinois Hu Jintao a refusé depuis toute rencontre avec Junichiro Koizumi. De son côté, Shinzo Abe refuse d’adopter la moindre attitude de repentance sur le comportement du Japon pendant la guerre mais il n’a cependant pas encore annoncé s’il comptait ou non se rendre au sanctuaire. La diplomatie chinoise interprète ce silence comme «un point positif» tout en déclarant attendre «un geste concret de conciliation». La Chine étant le premier partenaire commercial du Japon, la pression des milieux d’affaires sur Shinzo Abe est d’ores et déjà forte. Taro Aso aura à charge de convaincre la Chine d’une reprise des sommets bilatéraux, suspendus depuis avril 2005.
Pour les politologues, Shinzo Abe pourra toutefois difficilement imposer ses orientations politiques avant d’avoir remporté son premier test électoral, les sénatoriales de 2007, seule victoire à même d’asseoir sa légitimité.Article publié le 26/09/2006 Dernière mise à jour le 26/09/2006 à 18:42 TU