Etats-Unis – Irak
Bush menace de lâcher le gouvernement irakien
(Photos : AFP)
Depuis le discours du président Bush, mercredi 8 janvier, sur l’intensification de la guerre en Irak, l’administration américaine a encore durci le ton à l’encontre du gouvernement irakien. Elle reproche aux autorités irakiennes d’avoir «gâché» les exécutions de Saddam Hussein et de deux de ses adjoints, ainsi que le «manque de maturité» du gouvernement de Nouri al-Maliki qu’elle menace de destitution s’il ne collabore pas au nouveau plan du président Bush. Les Etats-Unis veulent s’assurer de la fiabilité du Premier ministre irakien soupçonné de collusion avec le chef radical du mouvement chiite Moqtada al-Sadr.
Les forces américaines et irakiennes préparent une vaste opération destinée à mettre fin aux violences dans la capitale. Dès la mi-février, environ 40 000 soldats américains et irakiens, appuyés par une force de frappe aérienne, seront en position pour entreprendre une guerre urbaine dans les rues de Bagdad. Selon le New York Times, «l’espoir du président des Etats-Unis de réconcilier les communautés religieuses rivales et de décapiter la guerre civile ne peut réussir sans l’entière coopération du gouvernement irakien.» Mais le journal doute de la détermination de Nouri al-Maliki, citant l’exemple de la nomination, par ce dernier, du général Aboud Qanbar, «un officier chiite connu pour ne pas vouloir d’un commandement américain» pour diriger la sécurité à Bagdad.
Inquiet de perdre potentiellement un appui, al-Maliki a résisté durant plusieurs mois aux plans américains. En novembre dernier, il avait déclaré à Bush qu’il voulait que tous les soldats américains se retirent de Bagdad. Robert Gates a admis à la commission sénatoriale des Forces armées que Maliki « souhaitait mener cette opération seul, autrement dit laisser la capitale aux mains de l’armée irakienne à majorité chiite qui se concentrerait à combattre les guérillas arabes sunnites et qui ne lancerait pas d’attaque contre les sadristes». Toutefois, al-Maliki a fait savoir qu’il se plierait aux exigences de Washington. L’élite chiite qu’il représente ne semble pas prête à risquer le pouvoir et les privilèges qu’elle a obtenus sous l’occupation américaine.
Une pétition signée par un millier de militaires américains
Sur la chaîne de télévision PBS, George W. Bush a souligné que le nouveau rapport de l’Onu, publié hier mardi 16 janvier, estimant le nombre de civils irakiens tués l’année dernière à plus de 34 000, démontre qu’il faut «aider ce gouvernement à faire cesser les violences interconfessionnelles». Le président aura pourtant fort à faire pour convaincre les Américains dont 61% sont hostiles à son plan, selon un nouveau sondage réalisé par l’institut de recherche Pew.
La fronde pourrait également venir de l’armée américaine. Des soldats d’active ont remis au Congrès une pétition signée par un millier de militaires appelant à un retrait rapide des troupes américaines d’Irak.
Au terme de sa tournée au Moyen-Orient, la secrétaire d’Etat Condoleeza Rice n’a reçu qu’un «soutien prudent» des pays arabes à la nouvelle stratégie américaine, dont l’objectif est de déboucher sur «la stabilité, l’unité et la cohésion en Irak». Dans le monde arabe, la méfiance est toutefois généralisée envers le gouvernement de Nouri al-Maliki dont on estime qu’il sert les intérêts iraniens et vise uniquement à établir la domination chiite sur l’Irak, sans égard pour la minorité sunnite aux commandes du temps de Saddam Hussein.
Si al-Maliki revenait sur sa décision de coopérer franchement aux côtés des Américains, des candidats alternatifs attendent dans les corridors pour le remplacer. Abdul Aziz al-Hakim, qui s’est entretenu en privé avec Bush, en décembre dernier, dirige le Conseil suprême de la révolution islamique chiite en Irak (CSRICI). Il a exprimé son appui total au «plan de sécurité de Bagdad.» L’ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, serait en train de mettre sur pied une coalition composée du CSRICI, de partis kurdes et d’organisations sunnites pour remplacer l’actuel gouvernement, si nécessaire. Selon le Guardian britannique, le dirigeant chiite, Ali Sistani, a donné son accord la semaine dernière et ne s’opposera pas aux opérations militaires visant à désarmer l’Armée du Mahdi, la milice de Moqtada al-Sadr.
par Françoise Dentinger
Article publié le 17/01/2007 Dernière mise à jour le 17/01/2007 à 19:19 TU