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France

Au Panthéon, les Justes

Groupe de jeunes juifs, réfugiés au foyer de La Guespy, au Chambon-sur-Lignon. 

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Groupe de jeunes juifs, réfugiés au foyer de La Guespy, au Chambon-sur-Lignon.
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Le président Jacques Chirac a rendu hommage aux 2 725 Justes de France. Des hommes et des femmes ordinaires qui, au péril de leur vie, ont caché des juifs sous l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. Quelque 250 survivants de cette époque, Justes et juifs étaient présents dans la nef du Panthéon, là où reposent tous ceux qui ont marqué l’Histoire de France. La cérémonie, diffusée en direct à la télévision française, s’est ouverte sur un discours de Simone Veil, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. C'est l'ancienne ministre, qui en avait proposé le principe au président de la République.

Des lumières par milliers

«Vous, les Justes, incarnez la France dans ce qu’elle a de plus universel, dans la fidélité aux principes qui la constituent. Grâce à vous, grâce à d’autres héros à travers les siècles, nous pouvons regarder la France au fond des yeux et notre histoire en face», a dit le chef d’Etat. «Oui, nous pouvons être fiers de notre histoire, nous pouvons être fiers d’être Français», a-t-il poursuivi. C’est donc le «côté lumineux» de la France que Jacques Chirac a voulu mettre en avant lors de cet hommage solennel de la nation en opposition «aux ténèbres qui avaient jeté un linceul sur la France». Il a évoqué ces Français qui, à l'époque, «accueillent, cachent, sauvent au péril de leur vie des enfants, des femmes, des hommes, persécutés parce qu'ils sont juifs». Le président a cité tour à tour une secrétaire de mairie, un couple d'hôteliers, un boulanger, un professeur, une concierge, les habitants du bourg du Chambon-sur-Lignon, des curés savoyards, un général, les paysans, «des milliers de Françaises et de Français qui, sans s'interroger, font le choix du bien».

A quelques mois du terme de son mandat, Jacques Chirac boucle ainsi, selon son entourage, un cycle au cours duquel il s’est attaché à reconnaître les responsabilités de l’Etat dans la déportation de près de 75 000 juifs français. Il aura pourtant fallu attendre 1995 pour qu’un président français, à l’occasion de la commémoration de la rafle de juillet 1942 au Vel’d’Hiv, reconnaisse «les fautes commises par l’Etat» dans «l’horreur de ces heures noires qui souillent à jamais notre histoire». C’était au tout début du premier mandat de Jacques Chirac.

La plaque, qui a été dévoilée jeudi par Jacques Chirac et Simone Veil, est apposée dans la crypte du Panthéon. On peut y lire l’inscription suivante : «Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d’Occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Bravant les risques encourus, les Justes ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité».

Une France fraternelle

Après ces années où la repentance devait se dire, Jacques Chirac exalte aujourd’hui la fierté «d’une histoire commune dont les Justes, notamment, ont montré le chemin». A ce jour, 2 725 «Justes parmi les nations» ont été identifiés en France, sur la foi des témoignages de ceux qui leur doivent la vie et reconnus par le mémorial de Yad Vashem de Jérusalem, créé en 1953. Grâce à ces résistants, issus de toutes les régions françaises, de tous les milieux et de toutes conditions, comme le rappelle Simone Veil, elle-même cachée par des Justes puis déportée, on peut dire que «pendant la guerre, c’est en France que l’on a été le plus fraternel». L’ancienne ministre le souligne volontiers, «les Juifs de France ont été relativement protégés. Je sais l’amertume de ce «relativement» mais il ne faut pas oublier, quand 90% des juifs de Pologne ont disparu, 80% de ceux des Pays-Bas, 80% de ceux de Grèce, en France la proportion, pour cruelle qu’elle soit, est de 30%».

Selon Serge Klarsfeld, historien, avocat et «chasseurs de nazis», 75 721 juifs ont été déportés de France parmi lesquels seuls 2 271, soit 3%, sont revenus. Mais, 85% des enfants juifs de France ont été sauvés, grâce à la solidarité de la population française et plus particulièrement, des Justes. L’ensemble des habitants d’un village de France, le Chambon-sur-Lignon et des communes voisines, situés dans les Cévennes, ont même reçu le titre de «Justes parmi les nations», pour la bravoure de leurs habitants entre 1940 et 1945. C’est la seule collectivité, avec un village des Pays-Bas, à avoir jamais reçu cette distinction. A l’époque, le bourg protestant et les communes voisines, comptent 9 000 habitants ; selon Gérard Bollon, historien et premier adjoint au maire du Chambon, 3 800 noms de réfugiés juifs ont été identifiés à ce jour, mais ils ont été probablement plus nombreux. Aucune dénonciation n’a jamais mis en danger les juifs qui y avaient trouvé asile.

par Claire  Arsenault

Article publié le 18/01/2007 Dernière mise à jour le 18/01/2007 à 19:10 TU