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France-Allemagne

Un chancelier allemand sur les plages de Normandie

Jacques Chirac a invité Gerhard Schröder à participer, le 6 juin 2004, à la commémoration du soixantième anniversaire du débarquement des forces alliées sur les plages de Normandie, qui a marqué une étape décisive de la victoire sur l’Allemagne nazie. Le chancelier a accepté et sera donc le premier dirigeant allemand présent lors de cette manifestation aux côtés des représentants des autres pays qui ont engagé des troupes dans l’offensive comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou le Canada. Cette invitation, particulièrement symbolique, montre que la page des inimitiés est officiellement tournée et que l’heure est, plus que jamais, à la dynamisation du couple franco-allemand.
Il y a dix ans, c’était peut-être trop tôt. François Mitterrand, alors chef de l’Etat français, n’avait pas convié le chancelier Kohl aux célébrations du cinquantenaire du débarquement. Ce dernier en avait été fort contrarié même si le président français avait rattrapé les choses en demandant aux soldats allemands de l’Eurocorps de défiler le jour de la fête nationale française, le 14 juillet 1994, sur les Champs Elysées. En 2004, Jacques Chirac a décidé de passer le cap en invitant Gerhard Schröder pour la commémoration du soixantième anniversaire qui doit avoir lieu dans la ville normande d’Arromanches. Pour la plus grande joie de ce dernier, dont le porte-parole, Thomas Steg, a annoncé qu’il avait aussitôt accepté et qu’il était «très heureux d’avoir été invité».

Cet événement représente une étape importante et montre que les deux pays ont mis de côté leur contentieux historique. Pour Thomas Steg: «Cela a une dimension symbolique de ne pas convier seulement les puissances victorieuses, comme cela avait été le cas lors des décennies précédentes, mais aussi l’Allemagne, l’ennemi de l’époque», ajoutant que cette invitation est «un signe que les temps ont changé». Gerhard Schröder, qui est le premier chancelier à n’avoir aucun souvenir de la guerre, puisqu’il est né le 7 avril 1944, est déjà en lui-même l’incarnation de ce changement.

Le «moteur» franco-allemand

Dans un tel contexte, le porte-parole allemand s’est aussi félicité du fait que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne se soient pas opposés à la proposition du président Chirac. Il est vrai que ces deux nations qui ont fourni avec le Canada les plus gros contingents de militaires engagés dans l’offensive du 6 juin 1944, ont subi de très lourdes de pertes lors de ces opérations. Environ dix mille soldats ont péri ou disparu sur les plages de Normandie en essayant de forcer les lignes de défense allemandes pour libérer la France de l’occupation nazie.

Du point de vue de la relation entre la France et l’Allemagne, l’invitation de Gerhard Schröder est un signe du désir réciproque de rendre encore plus étroits les liens tissés entre les deux pays ces dernières années, malgré quelques turbulences, notamment au moment de la réélection du chancelier en 2002 au cours de laquelle le président français n’avait pas fait mystère de son soutien à son adversaire Edmund Stoiber. Après le remplacement surprise de Gerhard Schröder par Jacques Chirac lors d’un sommet européen en octobre dernier, la présence du chancelier au soixantième anniversaire du débarquement représente donc une nouvelle étape significative d’un rapprochement franco-allemand résolument tourné vers l’avenir. Un avenir qui se joue en Europe où les deux pays désirent continuer à assumer le rôle de «moteur» qu’ils se sont dévolus. Mais aussi sur la scène internationale où la France et l’Allemagne entendent être présentes et actives. A ce niveau, la crise irakienne leur a permis de faire valoir la concordance de leurs points de vue. Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont en effet été les principaux opposants à la guerre. Ce qui leur a d’ailleurs valu d’être rangés ensemble par les Etats-Unis dans le camp de la «vieille Europe».

Après l’image d’un François Mitterrand et d’un Helmut Kohl main dans la main face à l’ossuaire de Douaumont, en 1984, à l’occasion d’une cérémonie d’hommage aux 400 000 soldats français et allemands morts lors de la bataille de Verdun en 1916, celle de Jacques Chirac et Gerhard Schröder en Normandie, aux côtés peut-être de Tony Blair et de George W. Bush, devrait elle aussi rester dans les annales.



par Valérie  Gas

Article publié le 02/01/2004