Histoire
La Libération de la France en photos
(National Archives/Fonds Paris-Match)
Les documents proposés sont extraits des quelque 3 millions de photos et 19 000 films consultables par le grand public à la médiathèque de la Défense. Une sélection de clichés a été faite parmi les fonds d’archives de presse locale et ceux de la revue Paris-Match, mais aussi ceux de la Défense, de l’Institut Charles de Gaulle, des musées de province, et du Mémorial de Caen.
Accueillie par le Sénat, La France libérée est une exposition inscrite dans un programme de politique culturelle et évènementielle nouveau: Christian Poncelet, président du Sénat, qualifie ce style de communication d’«art passant». Promeneurs, touristes, et scolaires lèvent le nez, et partagent des commentaires, ne sachant pas toujours que de nombreux combats ont eu lieu à cet endroit même lors de la Libération de Paris, dans et autour du Jardin du Luxembourg. Le choix d’une exposition en plein air est là pour rappeler que l’histoire n’est pas enfermée dans un musée.
«Le Sénat, assemblée parlementaire de plein exercice et aussi représentant des collectivités locales, a souhaité que cette exposition ne uniquement une exposition de commémoration du débarquement, mais retrace les différents aspects de la libération de l’ensemble du territoire» a déclaré Christian Poncelet. Aussi trouve-t-on des clichés des bocages normands, de villages alsaciens, de rues d’Aix-en-Provence, de Marseille, Montpellier, et du port de Toulon.
Les quatre phases principales de la Libération retenues sont :
- le 3 juin 1944, qui marque la transformation du Comité national de libération de la France en gouvernement provisoire
- le 25 août 1945, date à laquelle la Deuxième division blindée du général Leclerc libère le Jardin et le Palais du Luxembourg
- le 9 novembre 1944, jour où l’Assemblée consultative provisoire s’installe au Palais du Luxembourg, et où le général de Gaulle y prononce son premier discours
- le printemps 1945, lors duquel des élections municipales et cantonales sont organisées, la légalité républicaine et la démocratie sont rétablies. Un cliché montre Madame de Gaulle mettre son bulletin dans l’urne : pour la première fois les femmes peuvent exercer leur droit de vote.
Apreté des combats, joie de la liberté retrouvée
Les photos rendent compte de la guerre dans tous ses états, à travers des clichés qui mettent en scène des anonymes et des personnalités connues. Ils mettent l’accent sur trois thèmes forts : l’âpreté des combats, le courage et l’union des résistants, et la joie de la liberté retrouvée après plusieurs années sombres d’occupation et d’oppression. Parmi ces témoignages d’une époque dramatique, qui n’ont pas tous été pris par des professionnels, on distingue les faits de guerre à proprement parler et des scènes plus familières de la vie quotidienne, qui ont la saveur de la spontanéité chargée d’humour.
Les témoignages de l’actualité ont valeur de reportage: une pluie de parachutes dans le ciel du 6 juin 44, un défilé de spahis sur les Champs Elysées, la sortie d’un char du ventre d’un paquebot, l’arrivée des éléments du 1er régiment de marche de spahis marocains en Alsace avec, sur une façade de maison, cette inscription figurant sous les deux drapeaux anglais et américain: «Il y a deux choses éternelles, la France et notre fidélité», ou bien encore un char allemand détruit sur la place de la Concorde, et une colonne de chars Sherman qui s’avancent à découvert à travers champs en Normandie.
Sélectionnées pour leur portée historique, ces photos ont également été choisies pour leur charge émotionnelle, témoignages de souffrances et d’espoirs; certaines d’entre-elles créent un effet de surprise, car si on s’attend bien à voir sur l’une d’elles le général de Gaulle s’adressant à la foule le 18 juin, on est en revanche davantage étonné de découvrir l’actrice Sylvia Montfort dans sa tenue de membre des Forces françaises libres, portant brassard et un revolver à la main, ou l’acteur de cinéma Jean Gabin dans un tout autre rôle, celui de chef de char, lui aussi engagé volontaire dans les Forces françaises libres.
Et puis, des instants de vie croqués sur le vif restituent le quotidien des militaires parmi les civils: ici, une femme en train de servir un verre de cidre à un soldat anglais en position de tir au sol, là un paysan en gros sabots en bois assis aux côtés d’un américain qu’il renseigne, l’un casqué, l’autre en casquette, puis encore un couple qui s’embrasse fougueusement sur le capot d’une traction avant, ou un élève qui s’applique à écrire, en pleins et en déliés, avec de la craie sur le tableau noir de l’école «Vive le général de Gaulle». La France respire un nouvel air de liberté, la liesse éclate, et des femmes en chaussures à semelles de bois dansent sur le bitume parisien, le visage radieux.
Devant les grilles du Jardin du Luxembourg, les passants se pressent, ils ont tous les âges, les jeunes sont parfois accompagnés de leurs grands-parents, des étrangers échangent quelques mots amicaux et des souvenirs. Les mauvais souvenirs de la guerre fédèrent, la liberté recouvrée aussi. Mémoire et témoignages, c’est justement le but recherché par cette exposition qui peut encore permettre un lien avec les vétérans, aujourd’hui âgés pour la plupart d’environ 80 ans. Les visiteurs du Quartier latin à Paris auront jusqu’au 31 août pour admirer cette sélection de clichés d’un été meurtrier et victorieux, il était une fois il y a 60 ans.
par Dominique Raizon
Article publié le 10/06/2004 Dernière mise à jour le 10/06/2004 à 14:11 TU