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Liban

Le pays sombre dans la violence

De violents affrontements ont accompagné la grève décrétée par l’opposition libanaise, mardi. Six personnes ont été tuées et une centaine blessées. Le pays s’enfonce dans le chaos alors que la conférence de Paris approche. Fouad Siniora annonce qu'il ne démissionnera pas.
Des heurts violents ont eu lieu dans les principales villes du Liban entre les partisans de l'opposition et ceux du gouvernement. L'armée est débordée. 

		(Photo : AFP)
Des heurts violents ont eu lieu dans les principales villes du Liban entre les partisans de l'opposition et ceux du gouvernement. L'armée est débordée.
(Photo : AFP)

De notre correspondant à Beyrouth 

Mardi, 6 h. Les Libanais sortent de leur sommeil pour découvrir un spectacle inquiétant. Le ciel de Beyrouth et des principales villes du pays est couvert d’une épaisse fumée noire qui dégage une odeur nauséabonde. Ceux qui osent s’aventurer au dehors sont surpris. Les artères principales et les rues secondaires de la capitale et des autres villes sont impraticables. Dès les premières lueurs de l’aube, l’opposition a mis à sa menace à exécution: paralyser le pays. Des milliers de ses partisans se sont mobilisés pour bloquer la plupart des routes du nord au sud, en parallèle à une grève générale appuyée par les syndicats.

Ceux-ci veulent protester contre le plan de réforme économique que le gouvernement souhaite présenter à la conférence des pays donateurs qui doit commencer ses travaux à Paris, jeudi. La centrale syndicale et l’opposition estiment que ce plan, qui prévoit des augmentations de taxes et la privatisation du secteur public, va appauvrir les plus démunis et enrichir les plus aisés. Les manifestants mettent le feu à des pneus en caoutchouc et des bennes à ordures, des blocs de pierres sont placés au milieu de la chaussée. L’aéroport international, les ports, les écoles et les universités sont fermés de facto. Même ceux qui souhaitaient se rendre à leur travail ne peuvent plus se déplacer.

Plusieurs compagnies aériennes ont annulé des vols et environ 300 passagers se sont retrouvés bloqués à l'aéroport. 146 casques bleus chinois étaient également bloqués à l'aéroport après leur arrivée au Liban pour participer à la Finul.

Mais cette action de protestation destinée à faire pression sur le Premier ministre de Fouad Siniora pour le pousser à former un cabinet d’union nationale, a été ponctuée de heurts violents entre des partisans de l’opposition et ceux du gouvernement. Les affrontements ont fait au mois six morts et une centaine de blessés dans les deux camps. Beaucoup ont été atteints par des balles, d’autres par des jets de pierres ou des coups de barres de fer.

L’armée débordée

Les affrontements les plus violents se sont produits dans les régions à majorité chrétienne. Cette communauté est divisée entre partisans du général Michel Aoun, un des principaux chefs de l’opposition et qui est allié au Hezbollah, et ceux de l’ancien chef de guerre chrétien Samir Geagea, membre de la coalition du 14 mars, qui appuie le gouvernement. Un gouvernement soutenu par la France et les Etats-Unis.

Pour Samir Geagea, la grève décrétée par l’opposition et la fermeture des routes est «une tentative de coup d’Etat commanditée par la Syrie et l’Iran». Il a accusé l’armée libanaise de laxisme, voire de complicité avec les manifestants. Ses partisans ont commencé à se rassembler en milieu de matinée face aux groupes d’opposants pour tenter d’ouvrir de force les routes bloquées. Petit à petit, la tension est montée. L’armée libanaise a essayé tant bien que mal de séparer les adversaires en établissant des cordons de sécurité. Mais très vite, la troupe a été débordée et des mêlées extrêmement violentes ont eu lieu dans divers points du pays.

Des accrochages ont également eu lieu dans les villes à majorité sunnite de Tripoli et de Saida, entre partisans des deux camps. Dans le Chouf, fief du leader druze anti-syrien Walid Joumblatt, des affrontements ont éclaté entre ses partisans et ceux de notables druzes, membres de l’opposition.   

Les heurts se sont déplacés et ont durée toute la journée. A la tombée de la nuit, leur intensité a baissé mais la tension restait très forte. Des remblais de terre ont été érigés par l’opposition sur la route menant à l’aéroport et sur d’autres artères principales. Des groupes de jeunes continuaient de se former.  

En raison des événements, Fouad Siniora a retardé son départ pour Paris, où il doit assister jeudi à la conférence des bailleurs de fonds. S’adressant aux Libanais en début de soirée, le Premier ministre a déclaré qu’il ne comptait pas démissionner. Affirmant être ouvert au dialogue, il a dénoncé «les actions violentes de l’opposition qui constituent une violation des lois et du droit à la liberté des autres».

Après le discours de Fouad Siniora, l’opposition a annoncé que son mouvement se poursuivra dans les jours qui viennent et prendra des formes nouvelles. Un des chefs chrétiens de l’opposition, l’ancien ministre Sleimane Frangié, a déclaré: «Tant qu'ils ne nous écouteront pas, nous ne les laisserons pas en paix. Jour après jour, notre campagne ira crescendo».

Le Liban s’enfonce rapidement dans une situation de chaos généralisé.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 23/01/2007 Dernière mise à jour le 23/01/2007 à 18:53 TU