Inde-Russie
Des alliés moins «naturels»
(Photo : AFP)
Dès son arrivée, jeudi, à New Delhi, Vladimir Poutine a eu un entretien avec le Premier ministre indien Manmohan Singh. Si les deux leaders doivent finaliser plusieurs accords économiques et militaires, ils ont commencé par appeler à un «espace sans armes». La semaine dernière, la Chine a réalisé une première en détruisant un vieux satellite, pulvérisé à l’aide d’un missile. Les protestations de la communauté internationale avaient été nombreuses et immédiates.
Au cours de leur entretien, le président russe et le Premier ministre indien ont condamné cet essai. «La position fondamentale de la Fédération de Russie est que l’espace doit être absolument sans armes», a déclaré Vladimir Poutine. «De plus, dans les cercles militaires aux Etats-Unis, nous entendons parler de tentatives pour militariser l’espace. Nous ne devons pas laisser sortir le génie de la bouteille», a encore indiqué le numéro un russe. «Notre position est similaire, en ce sens que nous ne sommes pas favorables à l’armement de l’espace», a, pour sa part, déclaré le chef du gouvernement indien.
Agrandir Kudankulam, mais pas seulement
Que ce soit au sujet de cette nouvelle arme ou des contrats que Poutine et Singh vont signer, la Chine et les Etats-Unis sont en arrière-plan de leurs discussions. En mars dernier, le président Bush avait fait un voyage officiel en Inde et avait signé, malgré le boycott américain, un accord pour fournir, de manière «permanente», du combustible nucléaire à l’Inde. Et justement, Vladimir Poutine semble avoir l’intention de faire la même proposition au gouvernement indien. Dans une interview donnée, avant son départ de Moscou, à des médias indiens (une agence de presse et une chaîne de télévision), le président Poutine s’est déclaré partisan de la création de centres internationaux d’enrichissement de combustible nucléaire.
«Ces centres doivent offrir un accès équitable, non discriminatoire et démocratique aux technologies et aux matières fissiles, tout en respectant les principes de non prolifération», avait déclaré le chef d’Etat russe avant son départ. Vladimir Poutine, on le sait, a déjà fait cette proposition à la communauté internationale pour tenter de dénouer la crise avec l’Iran. Concernant cette question du nucléaire iranien, les deux leaders ont plaidé pour la «diplomatie et le dialogue» tout en appelant Téhéran à une «coopération plus active et transparente» avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Concrètement, le président Poutine a signé ce jeudi un mémorandum qui va aider l’Inde à développer son secteur nucléaire civil. Dans les années 80, les Russes avaient participé à la construction de la centrale nucléaire de Kudankulam, dans l’Etat du Tamil Nadu, au sud-est de l’Inde. Aux deux réacteurs existants, quatre autres s’ajouteront. Et puisque l’Inde est en plein boum économique et manque d’énergie, la Russie promet également de coopérer à la construction «d’installations d’énergie nucléaire, conformément à des projets russes, sur de nouveaux sites de la République indienne». Comme les Etats-Unis, la Russie contourne l’embargo décrété contre New Delhi pour ses séries d’essais nucléaires hors du cadre du Traité de non prolifération.
L’Inde bienvenue dans Sakhaline-1
Pour répondre aux besoins énergétiques de l’Inde, la Russie a également l’intention de lui vendre plus d’hydrocarbures. Lorsque le Premier ministre indien s’était rendu à Moscou en décembre 2005, Vladimir Poutine avait déclaré : «La Russie étudie la possibilité de construire de nouveaux pipelines» pour approvisionner cet immense pays. Un gazoduc Iran-Pakistan-Inde est déjà en construction.
Peu avant cette rencontre de 2005, l’Inde et la Russie avaient déjà décidé de démarrer conjointement l’exploitation du gisement de pétrole et de gaz de Sakhaline-1. «Il s’agit, avant tout, d’investissements importants dont le montant dépasse 10 milliards de dollars. Aujourd’hui, nos amis Indiens ont souhaité poursuivre la mise en œuvre de ce projet et d’autres projets du même genre», avait, à l’époque, déclaré le président Poutine. Dans l’année qui a suivi, la Russie est parvenue à décourager les compagnies occidentales qui voulaient investir dans l’exploitation de ces gisements très prometteurs situés dans l’extrême-orient russe.
L’autre grand sujet de discussions entre Vladimir Poutine et Manmohan Singh concerne des contrats de défense. Avant même l’arrivée du numéro un russe à New Delhi, la signature d’un contrat de 250 millions de dollars a été annoncée. Ce contrat concerne la production conjointe de 120 moteurs pour remotoriser des chasseurs russes Mig-29 achetés par l’Inde dans le passé. Une lettre d’intention a également été signée entre les deux pays pour la production conjointe d’avions de transport militaire. L’Inde est au 4ème rang mondial pour son armée de l’air et 70% des armes que possède ce pays sont russes ou soviétiques.
Des retards de livraison, notamment de chars, ont poussé New Delhi à se tourner vers la Grande-Bretagne, la France et Israël, ou encore les Etats-Unis pour s’équiper. New Delhi s’apprête, d’ailleurs, à lancer un appel d’offre mondial pour la construction de 126 avions de chasse. Même si l’Inde et la Russie sont des «alliés naturels», cette dernière n’est pas certaine de remporter ce contrat. De fait, selon un diplomate indien, Moscou n’est plus «l’allié le plus sûr de New Delhi dans les temps difficiles», comme au temps de la Guerre froide. L’invitation faite au chef du Kremlin de participer aux fêtes commémorant, vendredi, l’anniversaire de la création de l’Etat indien montre cependant que les deux pays ont encore beaucoup d’affinités.
par Colette Thomas
Article publié le 25/01/2007 Dernière mise à jour le 25/01/2007 à 15:56 TU