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Kosovo

Martti Ahtisaari fait le grand écart

A Pristina, des policiers montent la garde devant le bâtiment des Nations unies. Sur les graffitis, on peut lire : Autodétermination. 

		(Photo : AFP)
A Pristina, des policiers montent la garde devant le bâtiment des Nations unies. Sur les graffitis, on peut lire : Autodétermination.
(Photo : AFP)
Réaction sèche à Belgrade, manque d’enthousiasme à Pristina : l’émissaire des Nations Unies a présenté ses propositions. Le mot «indépendance» n’est pas mentionné, mais le document onusien en dessine les contours.

De notre correspondant à Pristina

Pristina – Immédiatement après avoir reçu Martti Ahtisaari, le président du Kosovo Fatmir Sejdiu a assuré que les propositions de l’émissaire des Nations unies «engageaient le Kosovo dans la voie de l’indépendance». Cependant, lors de la conférence de presse organisée au siège du Parlement du Kosovo, aucun des membres de l’équipe de négociation albanaise n’affichait une mine radieuse. Le Premier ministre du Kosovo Agim Ceku a même reconnu que «le Kosovo n’avait pas obtenu tout ce qu’il souhaitait», sous-entendu, la reconnaissance d’une indépendance complète et immédiate.

Les réactions ont été encore plus sèches à Belgrade. Le Premier ministre Vojislav Kostunica a refusé de recevoir l’émissaire des Nations unies, puisque son gouvernement, sur le départ, se contente de gérer les affaires courantes. Martti Ahtisaari ne s’est donc entretenu qu’avec le président de la République, Boris Tadic, qui a rappelé que «la Serbie n’accepterait jamais l’indépendance du Kosovo». Dans un communiqué diffusé à la presse, Vojislav Kostunica affirme même que le texte présenté par Martti Ahtisaari est «illégitime» et qu’il «viole la Charte des Nations unies».

Tel qu’il est connu, le document présenté par Martti Ahtisaari semble en effet engager le Kosovo dans quelque chose qui ressemble fort à l’indépendance. Le Kosovo aura sa Constitution, son hymne, son drapeau, et pourra même disposer de ses propres forces de sécurité. Le Kosovo n’aura pas d’armée, mais ces forces de sécurité seront équipées d’un armement léger. Le pays aura également le droit d’adhérer à toutes les organisations internationales. En clair, il disposera de tous les attributs et de toutes les compétences d’un Etat souverain.

Vigilance des deux côtés

Le document présenté reconnaît des «droits spécifiques» à toutes les communautés nationales non-albanaises du Kosovo (les Serbes, mais aussi les Roms, les Bosniaques, etc), et il accorde même la possibilité aux communes du Kosovo d’établir des relations privilégiées transfrontalières. Cette mesure concerne directement les communes serbes, qui pourraient donc avoir droit à des «relations spéciales» avec la Serbie. La configuration géographique de ces nouvelles communes autonomes serbes figure dans l’une des annexes du document remis par Martti Ahtisaari, et cette question pourrait susciter de fortes réactions chez les Albanais, dont certains craignent une «partition larvée» du Kosovo.

Si le texte de Martti Ahtisaari propose de détacher le Kosovo de la Serbie, il prévoit néanmoins le maintien d’une lourde tutelle internationale, pour une période a priori indéterminée. Un Haut représentant européen sera chargé de veiller à la mise en œuvre du nouveau statut, et les troupes de l’Otan recevront le renfort d’une force de police européenne.

Martti Ahtisaari a catégoriquement refusé d’évoquer la question de l’indépendance formelle du Kosovo avant que le Conseil de sécurité ne se prononce sur ce sujet. Il a également souligné que ses propositions devaient encore faire l’objet d’une discussion avec Belgrade et Pristina.

Malgré les positions toujours antagonistes des Serbes et des Albanais, Martti Ahtisaari veut en effet leur laisser «une dernière chance», en organisant une nouvelle rencontre, à Vienne, à la mi-février. Si les Albanais devraient, sans aucun doute, accepter l’invitation, la chose est moins certaine du côté serbe, car le gouvernement serbe risque de n’être toujours pas formé d’ici cette date. Interrogé à ce sujet lors de sa conférence de presse à Belgrade, Martti Ahtisaari s’est contenté de déclarer qu’il ne pouvait forcer personne à participer aux discussions. Par contre, il a fixé un terme à ce dernier round de négociation : la fin du mois de février, un délai qui sera peut-être difficile à respecter.

Vendredi, un important dispositif de sécurité avait été déployé à Pristina, et les forces de l’Otan avaient été placées en état d’alerte. Cependant, le Kosovo est resté calme. Tous les regards se tournent désormais vers la région serbe du nord du Kosovo, dont les dirigeants envisagent ouvertement de faire sécession si le Kosovo coupait ses liens avec la Serbie. Côté albanais, le mouvement Vetëvendosje (Autodétermination) et les associations d’anciens combattants de l’UCK, appellent déjà à des manifestations pour les prochaines semaines, afin de maintenir la pression sur la communauté internationale.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 02/02/2007 Dernière mise à jour le 02/02/2007 à 19:12 TU