Santé
La France s’attaque aux maladies nosocomiales
(Photo : AFP)
En principe, on rentre à l’hôpital pour se faire soigner, non pas pour y tomber malade. Pourtant, chaque année, 750 000 patients sont victimes d’une infection, de gravité variable, contractée lors des soins médicaux. «Soixante-dix pour cent des infections nosocomiales lourdes sont osseuses», remarque Alain-Michel Ceretti, président de l'association le Lien. Dans les cas les plus graves, ces infections peuvent entraîner la mort ou des amputations : tel fut le cas, largement médiatisé, de l’acteur Guillaume Depardieu, amputé de la jambe après avoir été infecté par un staphylocoque doré rebelle aux antibiotiques. Les autres types d’infection touchent plus particulièrement l’appareil urinaire, les voies respiratoires et la zone du corps opérée.
En juin 2006, une vaste enquête conduite par l'Institut national de veille sanitaire (INVS) menée le même jour dans 2 337 établissements de santé publics ou privés, révélait qu’en dépit d’une tendance à la baisse, ces infections touchaient encore, en France, un patient hospitalisé sur vingt.
Provoquées par des bactéries résistantes aux traitements, les infections nosocomiales peuvent se transmettre d’un patient à l’autre. Or, «nous sommes arrivés aux limites du système actuel, basé essentiellement sur un dispositif de surveillance. Il faut maintenant entrer dans la lutte au sein de l’hôpital», déclare Alain-Michel Ceretti, pour lequel «le premier obstacle est la construction du système de santé», comme il l’a confié au quotidien Libération, déplorant que «l’hygiène [ne soit] pas enseignée dans les facultés de médecine».
«Il faut faire mieux encore»
C’est un scandale, éclaboussant la clinique parisienne du sport, en 1997, qui a sorti de l’ombre ces maladies nosocomiales : cinquante-huit patients alors opérés du dos ou du genou ont été contaminés par une même bactérie, appelée xénopi, faute de précautions d’hygiène : réutilisation d’un matériel à usage unique, procédures de stérilisation défaillantes et rinçage des instruments avec de l’eau contaminée.
«Depuis 2002 et la loi Kouchner, beaucoup d’énergie a été dépensée autour de la lutte contre les infections nosocomiales, se félicite le président du Lien qui poursuit : «Energie des professionnels de santé, des institutions, des pouvoirs publics, des associations et des laboratoires pharmaceutiques désireux de s’inscrire dans une démarche de santé publique». De fait, la lutte contre ces maladies nosocomiales a progressé en France mais, de l’aveu même du ministre de la Santé, Xavier Bertrand, «il faut faire mieux encore». Alain-Michel Ceretti confirme : «Il y a des indicateurs très positifs, comme la baisse de 30% dans la résistance aux staphylocoques. Mais en regardant les chiffres plus globaux, la baisse de ces infections, entre 2001 et 2006, n’est que de 4%, soit 1% par an». Il est désormais admis qu’un véritable risque est lié aux soins et des efforts ont été faits à l’hôpital. Cependant, tout reste à faire dans les maisons de retraite médicalisées, encore exclues des enquêtes nationales sur ces infections.
Prime budgétaire et bonne notation plutôt que sanction
Soucieux de plus de transparence, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a mis en place deux nouvelles plates-formes d’information sur les établissements de santé, venant s’ajouter à l’indicateur composite des activités de lutte contre les maladies nosocomiales (Icalin). Appelée «Platines» et accessible à l’adresse www.platines.sante.gouv.fr, la première de ces nouvelles plates-formes a pour objectif de donner aux usagers des informations sur les caractéristiques et l’activité des différents établissements. Un autre indicateur, appelé «Surviso», est un dispositif mis en place pour la surveillance des sites opératoires : l’hôpital doit signaler s’il surveille les infections de ses sites opératoires, spécifiquement ou non. Pour l’heure, 668 établissements sur 1 124 concernés ont répondu par l’affirmative, principalement les grandes structures informatisées. Le ministre promet des enquêtes médico-administratives, et si besoin est, des mesures coercitives pour ceux qui n’ont pas répondu et qui n’améliorerait pas la situation.
Plutôt que la sanction, Alain-Michel Ceretti préfère, quant à lui, l’idée d’une valorisation des hôpitaux en progrès dans la lutte, assortie d’une «prime budgétaire» attractive. Il a proposé qu’un responsable de la sécurité des patients, pouvant être saisi aussi bien par le patient que par l’équipe médicale, soit intégré à la direction des établissements alors qu’aujourd’hui les présidents des comités de lutte contre les maladies nosocomiales (Clin) sont des bénévoles qui ne se réunissent que trois fois par an. Il suggère également qu’un directeur d’hôpital puisse être jugé et noté aussi bien sur ses capacités budgétaires que sur la tenue de son établissement, toute procédure contentieuse concernant la sécurité devant être publiquement affichée.
L'injustice du mode d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux via un fonds spécifique, l'Oniam, créé en 2002, fait partie des questions soulevées. Sans emploi salarié, les jeunes, les chômeurs, les femmes au foyer et les retraités en sont, de fait, pratiquement exclus, sauf à démontrer une invalidité supérieure à 24% (soit une invalidité plus grave qu'une jambe coupée au-dessus du genou). Alain-Michel Ceretti propose, en outre, la création de «dix centres de référence pour traiter correctement les complications osseuses des victimes».
par Dominique Raizon
Article publié le 09/02/2007 Dernière mise à jour le 09/02/2007 à 11:29 TU
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