Guinée
L'état de siège proclamé
(Photo : AFP)
Alors que la Guinée est à nouveau paralysée par une grève illimitée, l’Union africaine (UA) a appelé le président Lansana Conté à nommer un «Premier ministre de consensus», pour mettre fin aux violences qui secouent ce pays. Pour le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, «un Premier ministre de consensus n’est pas en principe hostile au président, mais c’est un Premier ministre qui doit être accepté par les forces politiques et sociales en présence». Konaré, qui a fait ces déclarations à des journalistes à Addis-Abeba, a ainsi condamné implicitement la récente nomination du nouveau chef du gouvernement, rejetée par les syndicats et partis guinéens.
A Conakry, les banques et la plupart des commerçants ont suivi lundi cette relance du mouvement de protestation. Des affrontements ont éclaté en fin de matinée entre jeunes manifestants et forces de l’ordre dans la banlieue de la capitale. Ainsi à Hamdallaye, deux manifestants ont été tués lorsqu’un groupe de jeunes ont attaqué le domicile d’un colonel. Selon des témoins, cités par l’AFP, le militaire a tiré sur les manifestants qui ont lynché un des gardes du domicile. Trois manifestants ont aussi été tués dans le quartier de Wanidara, par la garde présidentielle. Des protestataires ont également été abattus par les forces de l’ordre dans les quartiers d’Enco-5 et Hafia.
Depuis samedi dernier, au moins 38 personnes, dont trois militaires, ont été tuées dans cette nouvelle vague d’incidents, suite à la nomination, vendredi par le président Lansana Conté, du Premier ministre Eugène Camara. Les syndicalistes, tout comme les principaux partis de l’opposition, contestent cette nomination et affirment que Camara est un proche du chef de l’Etat. Selon Ibrahima Fofana, un des leaders de l’intersyndicale, la nomination d’Eugène Camara «est une insulte au peuple guinéen».
Lors des accords du 26 janvier qui ont mis fin à la précédente grève générale qui a duré dix-huit jours, le président s’était engagé à désigner une personnalité de consensus pour diriger le cabinet, avec des pouvoirs élargis. Les syndicalistes avaient donné jusqu'à ce lundi au président pour qu'il nomme un Premier ministre de consensus, sous peine de reprendre le mouvement social. L’intersyndicale exige maintenant le départ du président Lansana Conté, âgé de 72 ans et malade. Depuis le début de l’année, au moins 97 personnes ont été tuées lors de la répression des manifestations.
Des tirs à l’intérieur d’une caserne
Des tirs ont été entendus lundi au camp militaire Alpha Yaya, près de l’aéroport de Conakry, où se trouvent des unités d’élite de l’armée guinéenne. Ces tirs constitueraient le premier indice de divisions chez les militaires guinéens, depuis le début de la crise en janvier. L’armée est le principal appui de Lansana Conté qui a grade de général et qui est au pouvoir depuis 23 ans. Vu la gravité de la situation, le président guinéen a rencontré, dimanche soir, plusieurs hauts responsables civils et militaires à Conakry. Le président Conté réside dans le camp militaire de Samory, situé dans le centre de la capitale, où est également installé l’état-major.
La dégradation rapide de la situation sécuritaire de la Guinée, s'accompagne de l'isolement progressif du pays. Air France a annulé dimanche, le vol Paris-Conakry, après l'annulation de celui de samedi. De son côté, Air Sénégal International a annulé hier soir, son vol Dakar-Conakry. Par ailleurs, la réception de Radio France Internationale -la seule radio internationale reçue à Conakry en FM- est interrompue depuis samedi. Nos auditeurs guinéens peuvent néanmoins nous retrouver en ondes courtes dans la bande des 31 mètres, sur 9790 kHz et sur le site internet.
Fin de journée : l'état de siège proclamé
Alors que la nuit était tombée sur Conakry, Lansana Conté s'est adressé lundi soir à la Nation, dans une déclaration à la Radio-télévision nationale. «Les destructions et les pertes en vies humaines sont telles que je suis amené à décréter l'état de siège sur toute l'étendue du territoire national», a déclaré le président guinéen. Le chef de l'Etat a également demandé à l'armée de «prendre toutes les dispositions» pour éviter «une guerre civile». L'état de siège prévoit notamment un couvre-feu de 20 heures sur 24, l'interdiction de «cortèges, défilés et manifestations» ainsi que des «réunions publiques ou privées propres à provoquer ou entretenir le désordre». «Des perquisitions de jour et de nuit» sont désormais autorisées et de très sévères restrictions sur la presse sont instaurées.
par Rédaction Internet (avec AFP)
Article publié le 12/02/2007 Dernière mise à jour le 12/02/2007 à 17:53 TU