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Liban

Attentat meurtrier avant l'hommage à Rafic Hariri

Une manifestation anti-syrienne est prévue ce mercredi devant la tombe de Hariri, en face du sit-in de l'opposition chiite. 

		(Photo : AFP)
Une manifestation anti-syrienne est prévue ce mercredi devant la tombe de Hariri, en face du sit-in de l'opposition chiite.
(Photo : AFP)

Ce 13 février au matin, l’explosion de deux bombes dans des minibus a fait trois morts et 18 blessés dans la montagne chrétienne du Metn. Ce double attentat intervient à la veille du second anniversaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et alors qu’un vent d’optimisme souffle au sujet du règlement de la crise qui secoue le Liban depuis plus de deux mois.


De notre correspondant à Beyrouth

Le 13 février au matin, un double attentat à la bombe a visé deux minibus de transport sur une route de montagne dans la région à majorité chrétienne du Metn, au nord-est de Beyrouth. Les explosions ont fait trois morts et 18 blessés, dont plusieurs sont grièvement atteints. La première bombe a explosé à bord du premier véhicule bondé de passagers non loin de Bickfaya, le fief de l’ancien président de la République Amine Gemayel, dont le fils, Pierre, ministre de l’Industrie au gouvernement de Fouad Siniora, avait été assassiné le 21 novembre dernier au volant de sa voiture. Quelques minutes plus tard, une deuxième charge détruisait un second minibus qui le suivait. Le chauffeur a eu le temps de s’extraire avant l’explosion, mais plusieurs passagers n’ont pas eu cette chance. Les premiers secours ont été apportés par des automobilistes de passage. Une grande confusion a régné sur les lieux de l’attentat, où les secouristes ont eu du mal à retirer les victimes des carcasses noircies. Le toit du premier minibus a été complètement arraché, et certains corps étaient affreusement mutilés.

Les premières informations faisaient état de bombes actionnées par des kamikazes. L’enquête préliminaire a toutefois exclu cette éventualité et a privilégié la thèse de charges piégées placées à l’intérieur des véhicules. Les explosions auraient été provoquées par deux charges d’un kilogramme chacune. C’est la première fois depuis le début de la vague d’attentats qui frappe le Liban que des bombes ont été placées pour faire un maximum de victimes. Entre mars et août 2005, plusieurs explosions avaient visé des centres commerciaux et des quartiers industriels. Mais les explosifs, de fortes puissances, avaient été programmés pour exploser la nuit, à une heure de faible affluence.

«Saboter la commémoration de l’assassinat de Hariri»

Ce double attentat intervient à la veille d’un grand rassemblement que la coalition pro-occidentale du 14 mars compte organiser, ce mercredi, pour commémorer le deuxième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Cette manifestation doit avoir lieu devant la tombe de l’ancien Premier ministre, dans le centre-ville de Beyrouth, où l’opposition observe un sit-in, depuis le 1er décembre 2006, afin de réclamer la formation d’un cabinet d’union nationale.

Opposition et gouvernement avaient adopté un discours politique plus apaisant, ces derniers jours, pour calmer les esprits et éviter que cette commémoration ne donne lieu à des affrontements entre les partisans des deux bords. Le 25 janvier, des émeutes entre étudiants pro-gouvernementaux et partisans de l’opposition avaient fait cinq morts et 200 blessés. L’armée avait dû imposer le couvre-feu pour rétablir le calme.

Selon des hommes politiques proches du «14 mars», l’attentat de ce mardi vise à «saboter l’anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri». «Ils veulent effrayer les gens afin qu’ils ne se rendent pas à la manifestation. Les minibus pris pour cible avaient été loués pour transporter, mercredi, des partisans du gouvernement vers le centre-ville», a estimé le député anti-syrien Samir Frangié. Pour l’opposition, cet attentat a pour objectif de torpiller les efforts en cours pour trouver une solution à la crise politique et constitutionnelle qui secoue le Liban depuis deux mois. En effet, les explosions de Bickfaya interviennent alors qu’un vent d’optimisme souffle au sujet d’un possible règlement de la crise. Lundi, le secrétaire général de la Ligue arabe, le Premier ministre Fouad Siniora et un député du Hezbollah, ont exprimé tour à tour un optimisme inhabituel quant aux chances de succès d’une médiation arabe entamé par M. Moussa avec l’appui de l’Arabie saoudite et de l’Iran. Le secrétaire général de la Ligue arabe a déclaré après avoir été reçu à Damas par le président syrien Bachar el-Assad avoir bon espoir de trouver un terrain d'entente à brève échéance.

Une ombre sur l'optimisme renaissant

«Tout le monde, que ce soit en Syrie ou en Arabie saoudite, travaille pour résoudre cette question, ce qui donne bon espoir qu'elle le sera», a-t-il dit. La solution en gestation porte sur la constitution du tribunal international pour juger les assassins de Rafic Hariri et la formation d’un cabinet d’union nationale. L’opposition, menée par le Hezbollah, le mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry et le général chrétien Michel Aoun, estime que le tribunal doit faire l’objet d’une entente politique interne et soupçonne les Etats-Unis de vouloir intrumentraliser cette instance, à l’instar de ce qui s’est passé avec les armes de destruction massive irakiennes, utilisées comme prétexte pour envahir l’Irak. Le mouvement du «14 mars» affirme, quant à lui, que l’opposition veut empêcher la formation de ce tribunal pour protéger les assassins de Hariri. La coalition pro-occidentale accuse la Syrie d’avoir éliminé l’ancien Premier ministre. 

«La composition de la cour et les modalités de fonctionnement font l'objet de désaccords qui devraient être réglés bientôt. Ces désaccords tournent autour de certaines formulations et paragraphes. Mais je n'anticipe pas de gros problèmes», avait précisé M. Moussa à Damas.

Fouad Siniora s’est également montré rassurant. «Je crois que nous nous acheminons vers une solution, et je suis confiant que nous sommes sur la bonne voie», a-t-il dit après avoir reçu l'ambassadeur d'Arabie saoudite à Beyrouth.

Hassan Fadlallah, un des députés du Hezbollah, a lui aussi fait preuve d'un optimisme inhabituel. «Cette nouvelle tentative d'aide ouvre les portes pour aboutir à une solution, en dépit de toutes les provocations, attaques et tentatives pour semer la zizanie dans le pays. Cette étape vise à ouvrir des portes politiques afin de trouver des solutions et nous pressons le pouvoir de ne pas rater cette occasion», a-t-il déclaré.

La presse libanaise a reflété, ce mardi, ce climat d’optimisme. Selon les journaux, une des formules qui seraient discutées entre l'Arabie saoudite, qui soutient le gouvernement Siniora, et l'Iran, qui appuie l’opposition, prévoit la formation d’un gouvernement d'union nationale et ensuite seulement le tribunal international serait établi au terme de l’enquête de l'Onu menée par le juge belge Serge Brammertz. Plus tard, une élection présidentielle serait organisée pour élire un successeur à Emile Lahoud, un proche de l’opposition. Des législatives anticipées suivraient pour réactualiser le rapport de force national, dont l’opposition affirme qu'il s'est modifié à son avantage.

Mais ce vent d’optimisme n’aura duré que quelques heures. Après le double attentat de Bickfaya, vigoureusement condamné par Jacques Chirac et l’ensemble de la communauté internationale, la tension est montée en flèche et les accusations ont recommencé à pleuvoir. Les Libanais, qui commençaient à reprendre espoir, attendent avec inquiétude la commémoration de la disparition de Rafic Hariri. Car ce mercredi, seuls des fils barbelés sépareront les partisans du gouvernement venus se recueillir devant la tombe de Hariri et les opposants retranchés dans leurs tentes, trente mètres plus loin.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 13/02/2007 Dernière mise à jour le 13/02/2007 à 14:45 TU