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Côte d'Ivoire

Déchets toxiques : «un accident» à 152 millions d'euros

Un accord a été signé, mardi 13 février, en présence du président Laurent Gbagbo (gauche) et du porte-parole de la société Trafigura, Roald Goethe, pour mettre fin à l’affaire des déchets toxiques. 

		(Photo : AFP)
Un accord a été signé, mardi 13 février, en présence du président Laurent Gbagbo (gauche) et du porte-parole de la société Trafigura, Roald Goethe, pour mettre fin à l’affaire des déchets toxiques.
(Photo : AFP)

La société Trafigura, affréteur du Probo Koala à l’origine de la catastrophe écologique d’août dernier à Abidjan, versera 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros) au gouvernement ivoirien. Cette somme est destinée au remboursement des frais de dépollution, aux soins des victimes de cette pollution et à l’aide à la construction d’une usine de traitement d'ordures ménagères. Néanmoins, ni la multinationale Trafigura ni le gouvernement ivoirien n’acceptent d’endosser la responsabilité de ces événements dramatiques qui ont provoqué la mort d'au moins dix personnes et en ont intoxiqué des milliers.
Attention : cet article est cité dans une tentative d'escroquerie qui circule actuellement sur internet et par mail. Les informations qu'ils contient ne sont en aucun cas une preuve des affirmations contenues dans ces mails dont le seul but est de soutirer de l'argent à ceux qui y répondent. Pour plus d'informations sur ce type d'escroquerie, écouter l'émission l'atelier des médias qui y était consacrée.


Aux termes de l’accord à l’amiable signé mardi soir au palais présidentiel en présence de Laurent Gbagbo, le gouvernement ivoirien et la société Trafigura «ont décidé de mettre fin définitivement aux différents litiges» les opposant dans cette affaire de déchets toxiques qui a suscité une vive émotion dans le pays.

L’accord prévoit des «concessions réciproques». Ainsi, en échange de l’indemnisation versée, la société Trafigura obtient que l’Etat ivoirien «renonce définitivement à toute poursuite, réclamation ou instance présente ou à venir» qu’il pourrait faire valoir à l’encontre de la multinationale, dans cette affaire de pollution. L’accord indique que l’Etat s’engage à«prendre toutes les mesures appropriées visant à garantir l’indemnisation des victimes» de cette pollution mais sans toutefois préciser les modalités.

Du montant de 100 milliards de francs CFA que la société Trafigura devra payer, 73 milliards visent à réparer des préjudices subis par l’Etat et les victimes des déchets toxiques, 22 milliards sont destinés au remboursement des frais de dépollution des sites contaminés, et les cinq autres milliards représentent une aide accordée pour la construction d’une usine de traitement d'ordures ménagères dans le district d’Abidjan. La multinationale s’engage également à prendre en charge l'identification et la dépollution complémentaire des sites pouvant encore contenir des déchets.

«C'est un bon accord qui permet à l'Etat de faire face au dédommagement des victimes qui nous le réclament. Il faut que les gens restent dignes et ne cherchent pas à percevoir indûment l'argent auquel ils n'ont pas droit», a déclaré le président Laurent Gbagbo qui a ajouté qu’il serait «sauvage» envers quiconque chercherait à détourner cet argent. Le chef d’Etat souhaite que soit établie une liste définitive de l’ensemble des personnes affectées par les émanations des déchets toxiques déversés, en août dernier, dans les décharges publiques d’Abidjan.

Des associations de victimes «étonnées» et «inquiètes»

Des associations de victimes des déchets toxiques d'Abidjan se sont ont déclarées «étonnées» de n’avoir pas été conviées aux négociations entre l’Etat ivoirien et la société Trafigura et craignent que l’argent promis ne leur parvienne pas. Pour Yao Pipira, responsable de l'Union des victimes des quartiers abidjanais d'Abobo, Anyama et Alépé, cet accord «aurait dû également être signé avec les associations des victimes».

«Ni le gouvernement ivoirien ni Trafigura n'acceptent d'endosser la responsabilité pour les événements d'août dernier», souligne dans un communiqué la multinationale. Trafigura estime que ce qui est arrivé est «un accident». Elle explique agir dans son «rôle de citoyen du monde» et soutenir financièrement le gouvernement ivoirien afin «d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens».

La société Trafigura avait affrété le navire grec Probo Koala qui a transporté 528 tonnes de déchets toxiques du Port d’Amsterdam à celui d’Abidjan, en août 2006. Par la suite, ces déchets toxiques avaient été déversés en partie à l’air libre, dans des décharges ou terrains vagues, en plusieurs endroits de la ville, causant la mort de dix personnes et intoxiquant des milliers d’autres.

Une action en justice en cours à Londres

Malgré cet accord, l’affaire des déchets toxiques d’Abidjan risque de ne pas s’arrêter là pour Trafigura. En effet, la justice britannique vient juste de juger recevable une action collective intentée par le cabinet d’avocats Leigh Day and Co, au nom des victimes des déchets toxiques d’Abidjan. Malgré cet accord, ce cabinet britannique, spécialisé dans la défense de victimes de catastrophes diverses, entend poursuivre l’action intentée en justice contre la société Trafigura, a affirmé Martyn Day. Le mois dernier, Martyn Day avait conduit une délégation d’avocats britanniques en Côte d’Ivoire, pour collecter les informations afin de préparer la défense des victimes, estimant de 4 000 à 5000 le nombre de personnes dont la santé a été affectée par ces déchets toxiques.

Fondée en 1993, Trafigura est devenue, en peu d’années, l’un des plus grands marchands indépendants de pétrole et de métaux au monde. Son centre opérationnel est à Londres, mais l' adresse fiscale de la société est à Amsterdam (Pays-Bas), son siège social est à Lucerne (Suisse) et la holding qui détient les actions de la compagnie est à Malte. Son nom a déjà été impliqué dans plusieurs scandales, notamment en 2001, dans l’affaire du pétrolier Essex, un tanker chargé de pétrole irakien, violant l’embargo imposé au régime de Saddam Hussein, dans le cadre du programme «Pétrole contre nourriture».



par Elisa  Drago

Article publié le 14/02/2007 Dernière mise à jour le 13/05/2008 à 07:11 TU