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Côte d'Ivoire

Déchets toxiques : des responsables épinglés

Selon la Commission nationale d'enquête, l'affaire du Probo Koala a révélé de «<em>graves dysfonctionnements</em>» dans les services ivoiriens. 

		(Photo : AFP)
Selon la Commission nationale d'enquête, l'affaire du Probo Koala a révélé de «graves dysfonctionnements» dans les services ivoiriens.
(Photo : AFP)
La Commission nationale d’enquête sur les déchets toxiques dans le district d’Abidjan a rendu au Premier ministre ses conclusions après deux mois de travail. Point par point, les enquêteurs ont passé au crible tous les services impliqués dans la prise de décision et de gestion du déversement de la cargaison du Probo Koala à Abidjan.

C’est lors d’une cérémonie officielle à Abidjan, le 22 novembre, que le Premier ministre Charles Konan Banny a recu le rapport de la Commission nationale d’enquête sur les déchets toxiques dans le district d’Abidjan. Fatoumata Diakité, la présidente de la commission, a lu la centaine de pages du rapport pendant plus deux heures pour «éviter que certaines affirmations faites dans le document sortent de leur contexte», a-t-elle précisé. De nombreux documents annexes sont joints au rapport pour compléter, étayer et renforcer les accusations de «graves dysfonctionnements» des services en Côte d’Ivoire. Le rapport établit une chaîne de responsabilité qui part des autorités politiques et administratives jusqu’aux ouvriers.

Des chapitres entiers ont été consacrés aux services et administrations impliqués dans le déversement des déchets à Abidjan. Dès l’alinéa 2 du rapport, consacré au ministère des Transports, les remarques des enquêteurs débouchent sur des accusations d’incompétence, d’irresponsabilité et de laisser-faire dont se rendent coupables certains décideurs. Négligents, ils favorisent souvent le mélange des genres qui permet à certaines entreprises d’exécuter des tâches pour lesquelles elles ne sont pas régulièrement inscrites auprès des autorités compétentes. Ainsi, pour la Commission d’enquête, l’inobservation de certaines dispositions accordant à la compagnie Tommy de récupérer la cargaison du navire Probo Koala a déclenché une série d’inaptitudes à stocker et à traiter les déchets toxiques. Au début de la chaîne de responsabilité, la Commission d’enquête place le ministre des Transports Anaky Kobéna et le directeur général des Affaires maritimes et portuaires, Tibé Bi Balou.

Dysfonctionnement ou corruption

Par ailleurs, la société Trafigura, affréteur du Probo Koala, même en précisant la toxicité des produits transportés, «a enfreint les prescriptions des conventions de Bâle et Marpol» qui précisent bien la marche à suivre pour le traitement des déchets toxiques. Or, le terme «déverser», utilisé dans les échanges de courriers est assez révélateur d’un comportement coupable entre les représentants de Trafigura et les intermédiaires ivoiriens. Le rapport de la Commission note que la Compagnie Tommy en Côte d’ivoire «a toutes les apparences d’une société-écran créée pour la circonstance». Les dates de création et d’enregistrement de cette entreprise correspondent au départ du Probo Koala du port d’Amsterdam pour Abidjan. Il ressort également du rapport que le marché pour l’enlèvement des déchets toxiques de Hollande, qui devait coûter 164 millions de francs CFA, a été gagné par la Compagnie Tommy. Elle avait proposé ses services à 10 millions de francs CFA, pour l’enlèvement des déchets du port d’Amsterdam. Pour la rémunération de ses prestations, la Compagnie Tommy aurait présenté des factures de 17 millions et de 100 millions de francs CFA «dont la destination semble floue».

L’arrivée, le déchargement et le départ du Probo Koala ont été gérés avec flou et confusion dans les différents niveaux et services du Port autonome d’Abidjan (PAA), fait remarquer le rapport. Il souligne également à l’encontre Marcel Gossio, le directeur général du PAA «des manquements» à sa charge de premier responsable du Port autonome d’Abidjan. Les services des Douanes n’ont pas échappé non plus aux investigations des enquêteurs qui y ont relevé des «dysfonctionnements et la méconnaissance des obligations» qui ont aussi permis le déchargement sans encombre des déchets toxiques.

Le rapport dresse un chapelet de responsabilités et sans accuser nommément personne de corruption laisse en conclusion une phrase laconique : «La Commission s’est interrogée sur les raisons qui ont pu pousser certaines personnes à agir comme elles l’ont fait». Enfin, une série de recommandations est faite par la Commission nationale d’enquête sur le scandale des déchets toxiques qui ressemble davantage à des suggestions pour une action en justice. Le Premier ministre a d’ailleurs saisi la balle au bond en affirmant que le rapport qui lui a été remis marquait «une rupture avec l’impunité». Il a promis que «les conséquences vont être tirées».



par Didier  Samson

Article publié le 23/11/2006 Dernière mise à jour le 23/11/2006 à 18:02 TU