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Les vagues abidjanaises du Probo Koala

Depuis le 25 septembre, Greenpeace a bloqué le Probo Koala dans le port de Paldinski, en Estonie, et a déposé plainte contre Trafigura, la société néerlandaise qui a affrété le «bateau-poison». 

		(Photo : AFP)
Depuis le 25 septembre, Greenpeace a bloqué le Probo Koala dans le port de Paldinski, en Estonie, et a déposé plainte contre Trafigura, la société néerlandaise qui a affrété le «bateau-poison».
(Photo : AFP)
Greenpeace bloque le Probo Koala à Paldinski, un port d’Estonie, l’affaire Trafigura fait les gros titres de la presse néerlandaise. La responsabilité des Pays-Bas dans l’odyssée du navire qui a déchargé sa cargaison mortelle à Abidjan. L’enquête en cours a révélé que dès le mois de juillet, le port et la ville d’Amsterdam savaient que les déchets du Probo Koala étaient suspects. Rien n’a été fait pour empêcher le cargo de reprendre la mer.

De notre correspondante aux Pays-Bas

«L’Europe intoxique l’Afrique». Ce slogan a été peint par les militants de Greenpeace en grandes lettres jaunes sur la coque noire du Probo Koala. Greenpeace ne s’est pas contenté, le 25 septembre, de bloquer avec l’un de ses navires le Probo Koala dans le port de Paldinski, en Estonie. L’association de défense de la nature a aussi porté plainte aux Pays-Bas, le 26 septembre, contre Trafigura, la société néerlandaise de trading qui a affrété le «bateau-poison». Objectif : «obtenir une enquête qui soit vraiment fouillée et qui ne permette pas au Probo Koala de continuer à naviguer», explique Loes Visser, porte-parole de Greenpeace à Amsterdam.

Cette campagne active n’a pas tardé à porter ses fruits. Une enquête a été ouverte le 27 septembre par les autorités estoniennes à bord du navire, pour tenter de faire la lumière sur la nature et le trajet des 580 tonnes de déchets vidangés en Côte d’Ivoire le 19 août dernier. Ces développements ont par ailleurs incité Stavros Dimas, le commissaire européen à l’Environnement, à se rendre le 28 septembre à Paldinski, où il est monté à bord de l’Arctic Sunrise, le navire de Greenpeace. «Cette affaire n’est que le sommet de l’iceberg», a-t-il déclaré, évoquant un problème beaucoup plus large. Une enquête menée par Bruxelles en 2005 dans 13 pays d’Europe a en effet montré que la moitié des exportations de déchet viole les lois en vigueur.

«Traitement incorrect»

Aujourd’hui, Trafigura est soupçonnée d’avoir voulu faire passer pour des slops (eaux sales de nettoyage des cuves de tanker) ordinaires, n’ayant pas besoin de licence d’exportation pour voyager, de véritables déchets toxiques. Une «cargaison mortelle», accuse Greepeace, qui n’aurait pas pu aller de Gibraltar à Amsterdam, puis à Paldinski, Lagos et finalement Abidjan, si les procédures normales avaient été suivies.

Alors que les déchets ont fait huit morts dans la capitale ivoirienne et intoxiqué des milliers d’autres personnes, Trafigura continue de démentir leur toxicité. La société de négoce, déjà accusée d’avoir fraudé en Irak dans le cadre du programme des Nations unies «pétrole contre nourriture», décline toute responsabilité dans le «traitement incorrect» de ses déchets en Côte d’Ivoire. Son intermédiaire, le groupe ivoirien Tommy, devait brûler les slops et non les disperser à travers Abidjan, rappelle la multinationale néerlandaise.

Amsterdam savait

Quoi qu’il en soit, les premiers résultats de l’enquête menée aux Pays-Bas ont déjà révélé que les déchets ne sont pas des eaux usées ordinaires, mais bien des produits chimiques. D’autre part, le port d’Amsterdam, la ville d’Amsterdam et les services néerlandais d’inspection environnementale savaient déjà, dès le début du mois de juillet, que ces déchets étaient anormalement pollués. Une enquête judiciaire avait même été ouverte au cours de l’escale du Probo Koala à Amsterdam, entre le 2 et le 7 juillet. Cette procédure avait été interrompue par le départ inopiné du navire avec sa cargaison de déchets, grâce à une autorisation de complaisance, semble-t-il délivrée par un fonctionnaire véreux de la mairie d’Amsterdam.

«On ne sait pas qui a fait quoi de cette cargaison dans le port d’Amsterdam et qui en est responsable», a rappelé le 26 septembre un éditorial du Telegraaf, le plus grand quotidien néerlandais. «Trafigura savait-elle que la cargaison ne consistait pas en eaux usées inoffensives, mais en produits hautement toxiques ? Le navire pouvait-il quitter notre pays sans problème ou aurait-il dû faire l’objet d’une autorisation en raison de sa cargaison ? Et pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas ?» Autant de questions auxquelles les enquêtes en Estonie et aux Pays-Bas cherchent encore à apporter des réponses.

par Sabine  Cessou

Article publié le 29/09/2006 Dernière mise à jour le 29/09/2006 à 17:10 TU

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