Kosovo
Négociations dans un climat de plus en plus tendu
(Photo : AFP)
Après avoir rendu publiques ses propositions sur le statut final du Kosovo, l’émissaire spécial des Nations unies, Martti Ahtisaari, avait annoncé une dernière rencontre entre les délégations de Belgrade et de Pristina. D’abord prévue pour le 14 février, elle a été reportée au mercredi 21, à la demande de Belgrade. Les chances de parvenir à un compromis sont pourtant toujours particulièrement minces.
Les propositions de Martti Ahtisaari, qui engagent le Kosovo dans une voie menant à une indépendance assortie d’une lourde tutelle internationale, sont en effet inacceptables pour Belgrade. Lors de sa session inaugurale, la semaine dernière, le nouveau Parlement serbe a adopté une résolution rejetant explicitement le plan de l’émissaire des Nations unies. Le groupe de négociation serbe a prévu de présenter à Vienne une longue liste d’amendements qui modifieraient totalement l’esprit des propositions de Martti Ahtisaari. De toute manière, les négociateurs serbes devront s’en tenir à la lettre de cette résolution, qui réaffirme l’appartenance du Kosovo à la Serbie.
Par ailleurs, la Serbie n’a toujours pas de gouvernement. Selon les rumeurs qui prévalent à Belgrade, les partis «démocratiques», qui ont remporté les élections du 21 janvier dernier, n’ont aucune envie de se presser pour former ce gouvernement, et envisageraient même d’attendre le lendemain de la réunion du Conseil de sécurité sur le Kosovo. En effet, personne à Belgrade n’a envie de devoir gérer ce délicat dossier…
Faute d’un improbable compromis, Martti Ahtisaari devra malgré tout transmettre sa copie au Conseil de sécurité, auquel reviendra le dernier mot. C’est là que risque d’apparaître le principal obstacle, puisque la Russie exclut d’apporter son soutien à un texte qui ne serait pas acceptable pour les deux parties. La presse serbe et albanaise ainsi que les milieux diplomatiques spéculent donc sur la possibilité d’un veto russe qui enterrerait le plan Ahtisaari. Alors que la date de cette réunion du Conseil de sécurité n’est toujours pas fixée, Moscou maintient le suspens, avec des déclarations contradictoires. A priori, la Russie n’a aucun intérêt réel à défendre au Kosovo, et “ l’amitié slavo-orthodoxe ” l’unissant à la Serbie est plus un thème de propagande qu’un phénomène réel. Cependant, Moscou semble décidée à saisir le prétexte du Kosovo pour engager un bras de fer avec les pays occidentaux et montrer sa nouvelle force sur la scène internationale.
L’hypothèse d’un veto retarderait inéluctablement la résolution du statut du Kosovo et ne pourrait que faire grandir l’impatience dans la société albanaise.
La réapparition des attentats
La rencontre de Vienne intervient alors que la tension a grandement monté au Kosovo. Le 10 février, une manifestation convoquée par le mouvement albanais Vetëvendosja («Autodétermination»), qui dénonce les propositions de Martti Ahtisaari et réclame l’indépendance complète et immédiate du Kosovo, a violemment dégénéré. La police de l’Onu et la police du Kosovo (KPS) ont tué deux manifestants, en blessant 80 autres. Le leader du mouvement Vetëvendosja, Albin Kurti, est toujours détenu, en attente de jugement.
En réaction à ces violences, des attentats ont secoué Pristina lundi. Trois véhicules de l’Onu ont été détruits par des explosions. Ces attentats ont été revendiqués mardi après-midi par l’Armée de libération du Kosovo (UCK), qui a parlé d’une «vengeance» pour la mort des deux manifestants. L’UCK s’était officiellement auto-dissoute à l’automne 1999, après la fin de la guerre. Il est impossible de savoir quelles sont les forces du mouvement qui reprend, pour la première fois depuis huit ans, le nom de l’ancienne guérilla.
Les attentats ont été condamnés par le président du Kosovo, Fatmir Sejdiu, dont le communiqué souligne qu’ils pourraient nuire au processus de définition du statut. Cependant, les différents groupes armés qui demeurent présents au Kosovo sont peut-être en train de s’unir et de passer à une nouvelle phase active, surfant sur l’impatience et le mécontentement qui grandit dans la population albanaise et qu’exprime aussi le mouvement Vetëvendosja.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 20/02/2007 Dernière mise à jour le 20/02/2007 à 17:46 TU