Guinée
Difficile concertation
(Carte : DR)
La rencontre tenue mercredi en fin de matinée s’est terminée, comme la veille, par un constat d’échec après deux heures de discussions au Palais du Peuple. Les syndicats n’acceptent pas la nomination d’Eugène Camara au poste de Premier ministre et affirment que, dans ces conditions, ils ne pourront pas accéder à la demande des autorités concernant la levée du mot d’ordre de grève générale, car Eugène Camara est jugé trop proche du président Lansana Conté. En s’adressant aux religieux et députés qui étaient présents, les dirigeants syndicaux ont souligné que le peuple ne veut pas accepter cette nomination : «Si vous ne nous croyez pas, essayez donc de convaincre le peuple».
Les syndicats estiment que l’entrée en fonctions du nouveau chef du gouvernement, nommé le 9 février dernier, contrarie l’accord conclu le 27 janvier avec les autorités, prévoyant la nomination d’un Premier ministre de «consensus» ainsi que la libération des personnes détenues lors des manifestations. Les entretiens dits de concertation avaient rassemblé les dirigeants syndicaux, les présidents de l’Assemblée nationale, du Conseil économique et social et la Cour suprême, sous la médiation de chefs religieux et de membres du patronat.
L’état de siège pourrait être prorogé
L’état de siège décrété par le président Lansana Conté le 12 février dot se prolonger, au moins, jusqu’à vendredi prochain. Le président Lansana Conté avait justifié ces mesures d’exception, dont le respect du couvre feu et le renforcement des pouvoirs des forces armées, comme moyens indispensables pour éviter une «guerre civile». L’envoyé spécial de RFI à Conakry, Olivier Rogez, considère qu’il n’est pas exclu que l’état de siège soit prorogé. En effet, les députés de l’Assemblée nationale ont été convoqués pour une session plénière le vendredi 23 février à 10 heures locales, «conformément aux dispositions de l’article 74 de la loi fondamentale». Cet article établit que l’état de siège cesse d’être en vigueur douze jours après avoir été proclamé, à moins que l’Assemblé nationale «n’en autorise la prorogation pour un délai qu’elle fixe».
En clair, le pays reste paralysé, à la fois par cet état de siège et par la grève générale qui bloque l'activité économique depuis le 10 janvier. La Guinée est sous contrôle militaire depuis bientôt dix jours. La capitale, on le voit, jour après jour, vit au ralenti. La plupart des entreprises sont fermées. Même chose pour les commerces, les administrations et les écoles. Mais, pour éviter une paralysie totale, les dockers du port de Conakry ont instauré un service minimum.
Inquiétudes régionales
La crise en Guinée inquiète la communauté internationale et tout particulièrement les dirigeants des pays voisins. La présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, et le président sierra léonais Ahmad Tejan Kabbah ont été reçus, mercredi à Conakry, par le président Lansana Conté. «Nous avons dit au président de Guinée qu’il doit écouter les syndicats pour que la situation ne s’aggrave pas», a indiqué la présidente libérienne selon un communiqué lu sur la radio publique à Monrovia. Il faut noter que le Liberia et la Sierra Leone ont été ravagés par des guerres civiles meurtrières, pendant les années 90. Madame Sirleaf avait aussi estimé que «la situation en Guinée est très inquiétante», notamment au regard de la délicate question de mercenaires libériens qui auraient été recrutés en territoire guinéen, selon plusieurs sources.
Un avis très attendu
Le président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Blaise Campaoré, devrait s’exprimer prochainement sur la situation en Guinée. Ses «recommandations» sont attendues avec beaucoup d’intérêt dans toute la région, suite à la visite «exploratoire» effectuée à Conakry par les émissaires de cette organisation : l’ancien président nigérian Ibrahima Babangida et le président de la Commission de la Cedeao, Mohammed Ibn Kambas.
Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) a décidé vendredi dernier d'appuyer une enquête nationale guinéenne sur les violences politiques dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA «a condamné fermement l'usage disproportionné de la force et la répression contre les manifestants qui ont occasionné de nombreuses pertes en vies humaines». Le gouvernement de Conakry s’est déclaré favorable à un «règlement pacifique de la crise», tout en excluant le départ du président Conté, âgé de 73 ans, qui est au pouvoir depuis 1984.
Les Nations unies et plusieurs organisations humanitaires ont déploré l’intervention de forces armées guinéennes, après la proclamation de l’état de siège. Les responsables de Reporters sans frontières à Paris se sont insurgés, notamment, contre la censure qui a été imposée de facto à la presse de Conakry. La direction de RFI a dénoncé jeudi les brutalités que la garde présidentielle a infligé à des journalistes et plus particulièrement à notre correspondant dans la capitale guinéenne, Moktar Bah.
par Antonio Garcia, Rédaction Internet (avec AFP)
Article publié le 21/02/2007 Dernière mise à jour le 21/02/2007 à 18:54 TU