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Soudan

Deux hauts responsables soudanais dans le collimateur de la CPI

Les premières preuves sur les crimes commis au Darfour sont désormais aux mains des juges de la Cour pénale internationale (CPI), qui devront décider si les deux responsables cités par le parquet doivent être placés sous mandat d’arrêt ou simplement assignés. L’ex-ministre d’Etat chargé de la sécurité au Darfour, Ahmad Harun et le chef djandjawid, Ali Kushayb, sont passibles de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Dans le document remis aux juges mardi matin, le procureur évoque 51 charges pour tortures, meurtres, exécutions sommaires, pillages, et viols notamment. Khartoum dénie toute légitimité à la CPI.

De notre correspondante à La Haye

Ahmad Harun, ancien ministre d’Etat chargé de la Sécurité au Darfour, est passible de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. 

		(Photo : Reuters)
Ahmad Harun, ancien ministre d’Etat chargé de la Sécurité au Darfour, est passible de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
(Photo : Reuters)

Les preuves remises aux juges tentent de démonter la mécanique des crimes au Darfour. Selon le procureur Luis Moreno Ocampo, Ahmad Harun a financé, armé et recruté les milices djandjawids, accusées de semer la terreur dans l’ouest du pays aux côtés des forces gouvernementales. Ahmad Harun et Ali Kushayb ont «partagé l’objectif illégal de persécuter et attaquer les populations civiles au Darfour».

Depuis le début du conflit en février 2003, enclenché par deux groupes rebelles en lutte contre Khartoum, le conflit a fait quelques 250 000 morts et près de 2 millions de déplacés. A la tête de plusieurs dizaines de milliers de Djandjawids, Ali Kushayb a conduit des attaques sur plusieurs villages de l’ouest de la province du Darfour. Ces attaques ne visaient pas spécifiquement les mouvements rebelles, estime le parquet, mais étaient dirigées contre des villageois accusés de les soutenir.

«Cette stratégie est devenue la justification pour les meurtres de masse, les exécutions sommaires, et les viols de civils» qui ne participaient pas au conflit armé et la même stratégie a entraîné le déplacement forcé de villages entiers.

Des preuves recueillies hors du territoire

Les premiers résultats de l’enquête ouverte par le procureur le 1er juin 2005 n’ont été possibles qu’avec une importante coopération de gouvernements, d’organisations internationales et non gouvernementales. Les enquêteurs de la CPI n’ont cependant pas enquêté sur les sites de crimes, mais ont interrogé leurs témoins au cours de 70 missions, conduites dans 17 pays différents.

Devant le Conseil de sécurité, en juin 2006, le procureur avait estimé être dans l’incapacité de protéger les témoins susceptibles d’être interrogés sur le territoire même du Darfour. Le parquet de La Haye a aussi bénéficié des pièces remises par la Commission d’enquête internationale. Mandatée par les Nations unies, la Commission avait conclu, en janvier 2005, que des crimes contre l’humanité étaient perpétrés au Darfour et listé 51 responsables.

Suite aux conclusions de la Commission, le Conseil de sécurité des Nations unies avait saisi la Cour pénale internationale le 31 mars 2005. Le président soudanais Omar El-Beshir avait immédiatement déclaré qu’aucun citoyen soudanais ne serait transféré «à cette Cour étrangère», puis mis en place des juridictions spéciales pour poursuivre les responsables de crimes.

Khartoum refuse de coopérer

La manœuvre de Khartoum visait à rendre la Cour incompétente. Cette dernière ne peut, en effet, conduire des affaires que si les Etats n’ont pas les moyens ou la volonté de poursuivre devant leurs propres tribunaux. Dans le cadre de ces juridictions, Al Kushayb est bien poursuivi pour des crimes commis au Darfour, mais le procureur signale que les crimes visés par Khartoum à l’encontre du chef de milices sont différents de ceux de la Cour et s’estime, dès lors, compétent.

Il demande aux juges de délivrer des mandats d’arrêts ou d’assigner les deux hommes à comparaître devant la Cour de La Haye, mais stipule qu’il appartiendra alors à Khartoum de coopérer, selon ses obligations, en transférant les deux responsables à La Haye. Reste que la bataille juridique ne fait que commencer et c'est sans doute sans grande surprise que la Cour a pris acte des déclarations du ministre soudanais de la Justice qui lui a dénié toute légitimité mardi, déclarant que «la justice soudanaise est capable de juger et jugera ceux qui ont commis des crimes au Darfour».



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 27/02/2007 Dernière mise à jour le 27/02/2007 à 13:23 TU