Iran-Turquie
Disparition mystérieuse d’un iranien
(Photo : AFP)
Où est passé Ali Reza Asghari ? Cet ancien vice-ministre iranien de la Défense et haut responsable des Gardiens de la révolution a été vu pour la dernière fois le 7 février, descendant dans un grand hôtel à Istanbul. Selon différents médias turcs, les traces de l’homme politique se perdent là, dans le hall de cet établissement de luxe, en plein centre ville. Le quotidien Hurriyet croit savoir que deux étrangers se seraient rendus la veille, le 6 février, à la réception de l’hôtel. Ils auraient ensuite réservé une chambre au nom d’Asghari et payé la totalité de la facture en liquide. L’Iranien serait arrivé à l’hôtel le lendemain et n’aurait pas été revu depuis.
C’est aussi une des thèses soutenues par le journal israélien Haaretz. Selon ce quotidien, Asghari aurait posé ses valises dans sa chambre avant de quitter l’hôtel et de disparaitre. Haaretz affirme avoir de sérieuses raisons de supposer que l’ancien ministre iranien a été victime d’un enlèvement de la part d’agents secrets israéliens ou américains, du Mossad ou de la CIA. Apparemment, c’est aussi l’avis affiché par les autorités à Téhéran : «Il est possible que l’ancien vice-ministre de la Défense Ali Reza Asghari ait été enlevé par les services de renseignement occidentaux», a ainsi déclaré le chef de la police iranienne, Ismail Ahmadi-Moghaddam, ce mardi.
En effet, l’expérience et le passé de cet Iranien de 63 ans font de lui une cible plus qu’attractive pour les deux services secrets.
Si Ali Reza Asghari se trouvait aux mains des Israéliens, ceux-ci devraient tenter par tous les moyens d’obtenir de lui des informations permettant de faire la lumière sur la disparition d’un de leurs héros nationaux, Ron Arad. Le destin de ce lieutenant de l’armée de l’air - capturé en 1986 près de Saïda au sud du Liban par la milice libanaise chiite Amal - est devenu un symbole pour l’Etat hébreu qui essaie vainement depuis plus de vingt ans de le libérer. Par le passé, des informations non officielles avaient fait état d’un transfert d’Arad vers les Iraniens qui le détiendraient depuis les années 1990 soit au Liban, soit en Iran.
Plusieurs scénarios pour cette disparition
Ali Reza Asghari, l’Iranien disparu en Turquie il y a quelques semaines, se trouvait justement à la tête des services iraniens, au Liban, pendant les années 1990. En tant que général des Gardiens de la révolution islamique, il a été chargé des relations entre le Hezbollah libanais et le régime de Téhéran. Le Mossad pourrait alors avoir un motif d’enlèvement en espérant enfin obtenir des informations sur le destin du soldat Ron Arad. Israël a démenti toute implication dans la disparition d’Asghari, mais a tout de même renforcé les mesures de sécurité autour de ses ambassades à l’étranger par crainte de représailles de la part de l’Iran.
D’autre part, l’ancien vice-ministre iranien pourrait également s’avérer une source précieuse pour les Renseignements américains. Par sa fonction au ministère de la Défense, il est devenu un fin connaisseur du programme nucléaire de la République islamique. Aux yeux de la CIA, Asghari constitue ainsi le client parfait pour éclairer les experts du Pentagone sur l’avancée exacte de la technologie nucléaire iranienne et sur le temps dont Téhéran a encore besoin pour s’équiper de la bombe. Dans le contexte tendu que connaît actuellement le dossier du nucléaire iranien, inutile de souligner que ses informations précises seraient infiniment précieuses aux Etats-Unis.
Et si Ali Reza Asghari n’avait pas été enlevé ? Si, bien au contraire, il avait délibérément décidé de changer de camp ? Par conscience politique ou par intérêt, qu’importe ? Le quotidien turc Milliyet cite des responsables anonymes dans les services secrets et la police turcs selon lesquelles Asghari serait en fait un opposant au régime iranien. L’analyste israélien Menashe Amir croit même savoir que l’Iranien n’était pas seul avant sa disparition : «Sa femme et ses enfants ont réussi à quitter l’Iran», a déclaré ce spécialiste sur la radio de l’armée israélienne, sans donner le nom de ses sources.
Le quotidien pan-arabe Al-Sharq Al-Awsat enfin rapporte quelques sources bien placées affirmant qu’Ali Reza Asgari serait déjà en route pour les Etats-Unis auxquels il aurait demandé l’asile politique.
par Stefanie Schüler
Article publié le 06/03/2007 Dernière mise à jour le 06/03/2007 à 17:09 TU