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Rivalités franco-allemandes

Le débat sur l’avenir d’Airbus se focalise sur la nécessité, ou non, d’augmenter le capital du fabriquant européen d’avions. On en parle aussi bien en France qu’en Allemagne, ce qui met en évidence les différences de culture industrielle entre les deux pays. Dans le même temps, les salariés manifestent pour ne pas perdre de postes. Et les politiques s’en mêlent. Côté allemand, on reproche en particulier à la classe politique française de se servir du dossier Airbus pour alimenter la campagne électorale.

Pour Berlin, la restructuration d’Airbus était sur les rails et pouvait commencer. Mais la mobilisation de la classe politique française en pleine campagne électorale rouvre pour l’Allemagne la boite de Pandore. 

		(Photo : Airbus S.A.S., 2005)
Pour Berlin, la restructuration d’Airbus était sur les rails et pouvait commencer. Mais la mobilisation de la classe politique française en pleine campagne électorale rouvre pour l’Allemagne la boite de Pandore.
(Photo : Airbus S.A.S., 2005)

De notre correspondant à Berlin

Après le baise-main de Jacques Chirac à Angela Merkel il y a une dizaine de jours près de Berlin et les déclarations harmonieuses des deux dirigeants, tout semblait aller pour le mieux au sein du couple franco-allemand. Les divergences sur le contenu du plan de restructuration d’Airbus «Power 8» étaient officiellement surmontées. Promis, juré : les difficultés de l’avionneur européen obligeaient à des sacrifices douloureux mais ni l’Allemagne, qui avait des doutes sur les bonnes intentions de ses voisins, ni la France ne devaient être désavantagés.

Quelques jours plus tard, la direction d’EADS, la maison mère d’Airbus, annonçait le contenu du plan et de chaque côté du Rhin, les gouvernements se déclaraient satisfaits du juste équilibre trouvé. Les Allemands notamment, qui soupçonnent les Français de vouloir tirer depuis longtemps la couverture à eux chez Airbus et EADS, engrangeaient les dividendes d’une montée au créneau inhabituelle du pouvoir dans un pays où l’Etat –officiellement tout du moins- n’intervient pas dans la vie des entreprises.

Pour Berlin, la restructuration d’Airbus était sur les rails et pouvait commencer. Mais la mobilisation de la classe politique française en pleine campagne électorale rouvre pour l’Allemagne la boite de Pandore. Sur son site internet, l’hebdomadaire Der Spiegel écrit ce mardi : «Le plan de restructuration d’Airbus est considéré par beaucoup en France comme des propositions plus que des décisions concrètes. L’un après l’autre, les hommes politiques présentent leurs projets pour sauver l’avionneur et leurs déclarations ne plaisent pas à Berlin».

Ne pas modifier les équilibres actuels

Plusieurs responsables français remettent en cause la double présidence d’EADS dirigé par un tandem franco-allemand. Et les propositions visant à recapitaliser l’entreprise et à renforcer le poids de la France vont à l’encontre du pacte d’actionnaires prévoyant un équilibre entre Français et Allemands. Pour Berlin, ces propositions constituent une véritable provocation.

Les responsables politiques sont jusqu’à présent étonnamment discrets alors que leurs homologues français se répandent en déclarations. Le ministre de l’économie Michael Glos, qui est monté au créneau ces dernières semaines, est l’un des rares à s’être exprimé : «Ces déclarations sont indissociables de la campagne électorale française. Si Airbus a été un succès, c’est parce que la France et l’Allemagne ont porté le projet ensemble. Nous devrions conserver cet équilibre».

La classe politique allemande étant pour l’heure sur la réserve, c’est avant tout la presse qui traduit le sentiment ambiant où la méfiance à l’égard des intentions françaises se fait jour comme en témoignent plus titres : «La France menace l’Allemagne d’une guerre pour le pouvoir au sein d’Airbus» (Der Spiegel), «La France brusque l’Allemagne» (Netzeitung), «Royal veut élargir le pouvoir de la France» (Rheinische Post).

Der Spiegel évoque plusieurs exemples (Alstom, Sanofi, Danone) pour illustrer l’importance de l’interventionnisme étatique dans la vie économique française. L’hebdomadaire allemand cite, dans le cas d’Airbus, le comité d’entreprise allemand de l’avionneur. Selon cette instance, seul un nombre réduit de postes de décision seraient occupés par des Allemands.

Les experts se montrent pourtant sceptiques sur les chances de la France de remettre en cause l’équilibre franco-allemand au sein de l’actionnariat du constructeur aéronautique européen. «Berlin n’acceptera jamais d’avoir une influence moindre que les Français au sein d’Airbus», affirme Alfred Steinherr de l’Institut pour la recherche économique de Berlin qui poursuit : «Une augmentation de capital ne peut pas se faire sans l’Allemagne. Hors, les deux sociétés privées actionnaires Daimler Chrysler et Lagardère veulent se concentrer sur leurs activités principales, l’automobile (pour le premier) et les médias (pour le second) et ne sont pas prêtes à injecter de l’argent frais dans EADS. Et une participation de l’Etat est inconcevable en Allemagne car elle remettrait en cause notre tradition». Stefan Halter, analyste de la Hypovereinsbank, relativise, comme le ministre de l’Economie allemand, les déclarations de la classe politique française: «Toutes ces propositions ont avant tout des buts électoralistes». 



par Pascal  Thibaut

Article publié le 06/03/2007 Dernière mise à jour le 06/03/2007 à 17:56 TU