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Les candidats à la queue leu-leu

Les candidats à la présidentielle se succèdent sur le principal site français d'Airbus, à Toulouse, menacé par le plan de restructuration de l'entreprise. 

		(Photo : Airbus S.A.S., 2005)
Les candidats à la présidentielle se succèdent sur le principal site français d'Airbus, à Toulouse, menacé par le plan de restructuration de l'entreprise.
(Photo : Airbus S.A.S., 2005)
Ségolène Royal a inauguré le défilé des candidats à la présidentielle devant les représentants des salariés du groupe aéronautique européen Airbus, à Toulouse. Elle a fait des propositions pour riposter au plan de restructuration de l’entreprise intitulé «Power8», qui prévoit la suppression, sur quatre ans, de 10 000 postes, dont 4 300 en France et 3 700 en Allemagne, pour réaliser 5 milliards d’euros d’économie. Nicolas Sarkozy, François Bayrou ont décidé, eux aussi, de se rendre, lundi 5 mars, sur le site pour rencontrer les salariés qui rejettent ce plan. José Bové, Dominique Voynet, Marie-Georges Buffet doivent suivre. Le dossier Airbus est entré dans la campagne électorale.

L’Etat doit-il intervenir dans la crise que traverse le groupe Airbus ? Et si oui, comment ? A entendre Ségolène Royal, la question ne se pose pas. La candidate socialiste estime que «l’Etat peut et doit intervenir» et a dénoncé «l’inertie» dont il a fait preuve jusqu’ici. Elle a renouvelé à Toulouse sa plaidoirie sur le caractère inadmissible des «licenciements financiers». Elle a résumé la situation provoquée par le plan de restructuration présenté par la direction d’Airbus en déclarant : «En voilà assez de ces fatalités, de ces aquoibonismes, qui consistent à dire que c’est la hausse de la précarité qui va conduire à la compétitivité». Cette situation l’a conduite à annoncer qu’elle décréterait un moratoire sur le plan «Power8», si elle était élue à la présidentielle.

Ségolène Royal ne s’en est pas tenue là. Elle a pris l’initiative sur ce dossier, qui s’annonce comme l’un de ceux qui pourraient animer la campagne électorale, en faisant quatre propositions. Elle a demandé à l’Etat d’augmenter sa participation au capital d’EADS, maison-mère d’Airbus, d’apporter un complément à la filière recherche-innovation pour qu’Airbus puisse développer des programmes avec des moyens identiques à ceux de ses concurrents, de mettre en place un plan de soutien pour les sous-traitants et d’adopter un décret pour permettre l’entrée des régions au capital d’EADS. C’est l’une des grandes idées de la candidate socialiste : elle soutient l’initiative de huit régions (Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Picardie, Aquitaine, Centre, Ile-de-France, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur) qui envisagent de proposer une participation au capital du groupe à hauteur de 5 à 10%, à l’exemple de celle des Länder allemands. Ségolène Royal a d’ailleurs annoncé qu’elle allait défendre ses positions devant Angela Merkel, la chancelière allemande, qu’elle doit rencontrer à Berlin.

Une aubaine pour la gauche

De nombreux ténors socialistes se sont eux aussi mobilisés pour soutenir Ségolène Royal sur ce dossier. François Hollande, le Premier secrétaire, a ainsi défendu l’entrée des régions dans le capital d’Airbus non pas, dit-il, en tant que «solution» mais pour «peser de manière comparable aux Länder allemands dans la marche de l’entreprise». Cela montre que le PS entend en faire l’un des enjeux de la campagne électorale et a décidé de se positionner très fermement sur un terrain où les questions de l’Europe, des délocalisations, de la gestion des grandes entreprises où l’Etat est actionnaire, des logiques boursières…se rencontrent. Airbus est un concentré de problèmes et peut-être une aubaine pour la gauche.

A la suite de Ségolène Royal, les autres candidats ont, eux aussi, pris position sur la restructuration prévue à Airbus et ont décidé de se rendre à Toulouse sur le principal site français de production de l'avion européen. François Bayrou a saisi l’occasion de ce déplacement, lundi 5 mars, pour répondre à la candidate socialiste sur la participation des régions au capital d’EADS, en déclarant : «Si cette participation est symbolique, pour que ces régions soient informées, je dis ‘oui’. Sinon, je dis ‘non’. Il ne faut pas ajouter des rivalités régionales à des rivalités nationales.» L’un des problèmes du groupe réside, en effet, dans le système de co-direction franco-allemande qui produit des pesanteurs, des doublons et des tensions nuisibles à la bonne marche de la société. Deux présidents sont à la tête du groupe et le dirigent en accord avec le pacte d’actionnaires privés-publics, conclu en 2000, au sein duquel figurent notamment DaimlerChrysler (22,5% du capital), Lagardère (22,5%), l’Etat français (15%), les Länder allemands.

Rassurer les salariés

Le candidat centriste, qui n’a pas remis en cause la nécessité d’un «plan» à Airbus, a néanmoins estimé que l’Etat devait assumer «ses responsabilités» pour aider la société et faire en sorte de préserver l’emploi sur les sites français. Il a tout de même pris des précautions sur le rôle que celui-ci devait jouer, en affirmant : «L’Etat doit faire preuve de solidarité mais ne pas s’installer aux commandes de cette société». François Bayrou a mis en garde contre toute dérive médiatico-politique dans cette crise : «Le médiatique, on s’en fiche. La question est industrielle. On a trop souffert du mélange de la politique et de la gouvernance dans cette entreprise qui a été victime des rivalités franco-françaises et franco-allemandes. Ca a coûté trop cher. Il est indispensable maintenant d’aider les industriels à prendre les décisions eux-mêmes». Des propos qui font écho à ceux des dirigeants de la société, le Français Louis Gallois et l’Allemand Thomas Enders, qui ont dénoncé dans la presse «l’ingérence des gouvernements dans la vie de l’entreprise».

Il n’était pas question pour Nicolas Sarkozy de céder du terrain à ses adversaires sur ce dossier sensible et de ne pas prendre en compte les craintes des salariés. En déplacement à Marseille lundi matin, il a donc fait un crochet par Toulouse l’après-midi. La position du candidat de l’UMP, qui fait encore partie du gouvernement, est plus délicate à défendre devant les employés du groupe qui se sentent menacés par la restructuration annoncée et ont décidé d’organiser, le 6 mars, une grande journée de manifestation. Nicolas Sarkozy a pointé l’influence de l’euro fort sur les difficultés rencontrées actuellement par la société : «L’euro a pris 30%. A chaque fois que l’euro gagne 10 centimes, ça fait perdre un milliard à Airbus». Le candidat du parti gouvernemental a repoussé l’idée de Ségolène Royal de faire entrer les régions françaises au capital d’EADS pour sortir de la crise : «Vous pensez que c’est avec ça qu’on pourrait sauver Airbus ?». Mais il n’a, en revanche, pas exclu une augmentation de la part de l’Etat. Et il a suggéré une renégociation du pacte d’actionnaires d’EADS pour que ce dernier soit mieux représenté. En tout état de cause, Nicolas Sarkozy a affirmé sa détermination à trouver une solution pour préserver l’avenir de l’avionneur qui, il y a peu de temps encore, était présenté comme un fleuron industriel européen : «Je ne suis pas décidé à laisser tomber Airbus».



par Valérie  Gas

Article publié le 05/03/2007 Dernière mise à jour le 05/03/2007 à 16:02 TU