Guinée
Le Premier ministre tiraillé entre la rue et le président
L’arrivée de Lansana Kouyaté a été saluée par des scènes de liesse populaire. «Enfin un homme immaculé sur la scène politique de Guinée», semblaient dire les manifestants qui attendent aussi de lui qu’il apporte des solutions nouvelles à la profonde crise que traverse le pays. En marge des revendications syndicales, les mouvements de jeunes continuent de réclamer le départ du président de la République, Lansana Conté. Il s’agit pour le nouveau Premier ministre de ne pas décevoir la rue et de ménager par ailleurs celui qui l’a nommé.
(Photo : Reuters)
Comment apaiser toutes les frustrations et allier les différents points de vue ? Ce sont les questions qui hantent les nuits du nouveau Premier ministre Lansana Kouyaté. Il éprouve de réelles difficultés à composer une équipe de large ouverture qui satisfasse tout le monde. Premier ministre et chef du gouvernement, il n’est pas moins nommé dans le cadre d’une législature pour accomplir une certaine mission. D’ailleurs, le document signé par le président de la République nommant Lansana Kouyaté est très clair à ce sujet. La mission du Premier ministre a été énumérée en 14 points «pour les trois prochaines années», c’est-à-dire jusqu’à la fin du mandat présidentiel. C’est ce que le nouveau Premier ministre tente d’expliquer à ses interlocuteurs. Il n’a pas été nommé pour engager une procédure de destitution du président de la République. Il n’en a le pouvoir.
Gouvernement de transition ou d’union nationale
Des partis politiques et certaines organisations de la société civile pensent tout le contraire. Sékou Diawara qui anime un forum d’intellectuels guinéens à Paris publie un mémoire dans lequel il énumère en dix points «les raisons pour lesquelles Lansana Conté doit partir». Cette ligne de la fermeté est reprise par Alassane Aïdara, du Rassemblement du peuple guinéen (RPG) qui estime que le futur gouvernement doit être une équipe de «transition qui doit conduire le pays à de nouvelles élections générales dans un délai de 18 mois». Pour les partisans de cette ligne, les manifestations de rue ont déjà scellé le sort de Lansana Conté. Il doit partir. Mais leurs positions tranchées font peur à Thierno Diallo de l’Organisation de défense des droits de l’Homme et des citoyens. Il craint que de nouvelles frustrations ne créent un chaos politique. Il met en garde les organisations syndicales et de la société civile, à l’origine des mouvements sociaux, contre la tentation de dicter à Lansana Kouyaté une ligne de conduite.
Le Premier ministre semble bien prendre la mesure des choses et multiplie encore et toujours les concertations. Mais «attention de ne pas trop prendre son temps pour la composition du nouveau gouvernement», conseille Sékou Kouressy Condé, ancien ministre de la Sécurité qui vit actuellement aux Etats-Unis. Pour lui, malgré la «lettre de mission» du président de la République, le Premier ministre doit faire «une déclaration de politique générale devant les forces vives de la nation. Une chose est de fixer un cadre travail, une autre est de donner un calendrier des priorités. Et puis, l’expérience et le parcours de Lansana Kouyaté lui feront surmonter très rapidement les petits obstacles à la composition du gouvernement», prédit Sékou Kouressy Condé. En tout cas, pour tous les observateurs de la politique en Guinée, la nomination de Lansana Kouyaté marque le début de la fin d’un règne entamé depuis 1984 par le général Lansana Conté. «Je suis persuadé que la Guinée a besoin d’une transition politique et que le président Conté doit préparer son départ», a déclaré à l’AFP, le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré.
par Didier Samson
Article publié le 06/03/2007 Dernière mise à jour le 06/03/2007 à 18:39 TU
