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Guantanamo

Début des audiences pour 14 terroristes présumés

Le 11 janvier dernier, la prison de Guantanamo a eu cinq ans. 

		(Photo : AFP)
Le 11 janvier dernier, la prison de Guantanamo a eu cinq ans.
(Photo : AFP)
Washington considère ces détenus comme les plus importants de la guerre américaine contre le terrorisme. Pour la première fois depuis leur arrestation et après des années de détention secrète dans des geôles de la CIA, ces quatorze responsables présumés d’al-Qaïda se retrouvent face à la justice militaire. Pourtant, on ne peut pas s’attendre à ce que le voile soit levé sur la responsabilité réelle de ces hommes dans les crimes qui leur sont reprochés ou sur le secret de leur détention. Car les auditions se tiennent à huis clos. Ce qui provoque un véritable tollé parmi les observateurs internationaux.

Aucun avocat n’est prévu pour assister Khaled Cheikh Mohammed devant la commission militaire de Guantanamo. Le cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001 n’a pas non plus le droit de faire appel à des témoins ou de présenter des documents en sa faveur. Difficile dans ces conditions de prouver son innocence, droit pourtant fondamental de tout prisonnier. Khaled Cheikh Mohammed figure avec treize autres prisonniers sur la liste des principaux suspects, capturés par les Américains durant leur guerre contre le terrorisme. A ses côtés, figure  Ramzi ben Al-Shaiba, co-instigateur présumé du drame du World Trade Center, apparu aux côtés d’Oussama ben Laden sur une vidéo, ainsi qu’un autre proche du chef d’al-Qaïda, Abou Zoubeida et un homme connu sous le nom de Hambali, qui fût un temps l’homme le plus recherché d’Asie : responsable de l’organisation radicale Jemaah Islamiyah, il est soupçonné d’être à l’origine de l’attentat de Bali, en octobre 2002, attentat qui avait fait 202 morts.

Ces prisonniers comparaissent depuis ce vendredi devant trois officiers militaires américains qui doivent déterminer s’ils sont bel et bien des «combattants ennemis». Seuls les détenus qui obtiennent ce statut -créé pour l’occasion par l’administration américaine- pourront être réellement inculpés et renvoyés devant un tribunal militaire d’exception, avec cette fois, l’assistance d’un avocat militaire. Ce n’est donc pas encore un procès en bonne et due forme qui s’ouvre sur la base américaine de Cuba, mais seulement la première étape d’une procédure juridique, établie par une loi, à l’automne dernier, et qui demeure très contestée.

Cette nouvelle législation constitue la réponse de l’administration Bush à un houleux débat sur le sort des prisonniers dans cette zone de non-droit qu’est le camp de Guantanamo. En automne 2005, un premier procès aurait dû débuter devant un tribunal d’exception. Mais une juge américaine avait arrêté l’ensemble de la procédure, car la légitimité même des tribunaux d’exception avait été remise en question :  la Cour suprême des Etats-Unis avait déclaré anticonstitutionnelle  l’existence de ces tribunaux d’exception. Dans la foulée, la plus haute juridiction américaine avait exigé du Congrès à Washington qu’il établisse enfin un réel cadre légal pour les procès des terroristes présumés à venir.

La législation a donc finalement été créée, mais elle reste contestée. Les doutes sur la légitimité de ces tribunaux militaires d’exception persistent dans le camp des organisations des droits de l’homme, ainsi qu’au parti démocrate américain.

«Le monde entier regarde»

Dans ce contexte tendu, une annonce a fait l’effet d’une véritable bombe : alors que, dans le passé, les audiences à Guantanamo avaient été accessibles au public, le Pentagone a déclaré que ces quatorze audiences se tiendraient, elles, à huis clos. Journalistes et témoins extérieurs sont donc tenus à l’écart. Le ministère américain de la Défense justifie cette décision par la possible divulgation d’informations sensibles pendant les audiences. Selon le Pentagone, ces informations pourraient nuire à la sécurité des Etats-Unis. 

Mais les organisations des droits de l’homme entendent l’exclusion des médias d’une autre oreille : «Fermer totalement les audiences est une erreur. Cela jette le doute sur l’équité de la procédure. Le monde entier regarde», juge Floyd Abrams, avocat américain et spécialiste du droit de la presse. Pour les experts en droits de l’homme et pour les observateurs internationaux, l’administration du président George W. Bush craint surtout que les prisonniers fassent des révélations sur les geôles secrètes de la CIA et dénoncent leurs conditions de détention.  «Ils ont été torturés et maltraités», a ainsi indiqué, à l’agence de presse AP, Scott Horton, le président de la Commission de droit international de New York.  

La communauté internationale devra attendre plusieurs jours avant de connaitre –partiellement- la teneur des audiences de  la commission militaire. Les officiers de la prison militaire américaine à Cuba se sont accordé ce délai assez vague pour publier leur compte rendu, en prévoyant d’en exclure les déclarations qu’ils jugeront compromettantes.

Cette procédure judiciaire ne suffira donc pas pour que Guantanamo cesse d’être considérée comme une zone de non-droit.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 09/03/2007 Dernière mise à jour le 09/03/2007 à 18:55 TU