Etats-Unis
Guantanamo : les détenus couverts par la Convention de Genève
(Photo : AFP)
De notre correspondante aux Etats-Unis
« Ce n’est pas vraiment un changement de politique, le traitement (humain) des détenus a toujours été la norme ». Mardi, le porte-parole de la Maison Blanche a tout fait pour minimiser l’impact de ce qui semblait être un revirement du gouvernement Bush. Malgré son insistance depuis près de cinq ans pour leur accorder un statut à part, le gouvernement américain a annoncé que les détenus de la guerre contre le terrorisme, dont le demi millier de Guantanamo, devaient être traités en accord avec la Convention de Genève. Le secrétaire adjoint à la Défense, Gordon England, l’a déjà indiqué vendredi dans une note aux responsables de l’armée américaine.
Certes, c’est un virage forcé. Il fait suite à l’arrêt de la Cour suprême qui, le 29 juin, invalidait les commissions militaires d’exception mises en place par le président Bush, illégales parce qu’elles ne respectaient pas le droit international et avaient été établies sans l’aval du Congrès. Au-delà des seuls tribunaux de Guantanamo, les arguments de la plus haute instance risquaient de s’appliquer à d’autres mesures d’exception mises en place par le gouvernement Bush, dont le statut d’ « ennemi combattant » des détenus d’al-Qaïda : un statut sur mesure décrété après les attaques du 11 septembre 2001, qui les privaient à la fois de la protection du droit américain et de celle des Conventions de Genève. Le gouvernement a donc préféré prendre les devants.
Bush «clintonien»
Ce n’est pas seulement la Cour suprême qui donne des signes d’impatience face aux mesures d’exception prises au nom de la guerre contre le terrorisme. « Nous n’allons pas donner de chèque en blanc au département de la Défense », a promis le sénateur républicain Arlen Specter alors que le Sénat entamait ses premières auditions sur les tribunaux appelés à remplacer ceux rejetés par la Cour suprême. De plus en plus de membres du Congrès, même chez les Républicains, s’inquiètent des prérogatives que s’est accordé le président depuis les attaques du 11-Septembre. Peter Hoekstra, le président républicain du comité au renseignement de la Chambre, s’est plaint en mai de ne pas avoir été informé des programmes secrets de surveillance et d’écoute. « La doctrine “faites-nous confiance” de Bush est remise en cause par les tribunaux, le Congrès et le pays », a indiqué Timothy Roemer, ancien élu démocrate et membre de la commission d’enquête du 11-Septembre, au Washington Post. Aux pressions domestiques, s’ajoute le souci de l’opinion internationale : six alliés européens ont demandé la fermeture de Guantanamo.
Si la Maison Blanche n’aime pas reconnaître ses changements de ligne politique, d’autres les relèvent pourtant. Sur sa couverture, le magazine Time sonne cette semaine « la fin de la diplomatie de cow-boy » et note que George Bush semble moins friand de passages en force. En mai dernier, il a regretté avoir employé après le 11-Septembre des expressions comme « mort ou vif.» La semaine dernière, le président américain a réagi aux tests d’envois de missiles de la Corée du Nord en indiquant qu’il allait « travailler avec nos amis et alliés pour continuer à envoyer un message uni. » En d’autres temps, il aurait tenu un discours musclé face à un pays taxé d’appartenir à « l’Axe du mal ». Sur les dossiers de la Corée du Nord comme de l’Iran, les diplomates européens se réjouissent de voir que l’ouverture aux négociations prônée par Condoleezza Rice ait eu l’oreille du président. Ce changement de ton surprend jusque dans les rangs républicains : dans le Weekly Standard, le conservateur William Kristol a qualifié la réponse de Bush à la Corée du Nord de « clintonienne », ce qui venant de lui ne s’entend probablement pas comme un compliment.
par Guillemette Faure
Article publié le 12/07/2006Dernière mise à jour le 12/07/2006 à TU