Présidentielle 2007
Chirac renonce
(Photo : AFP)
«Au terme du mandat que vous m’avez confié, le moment sera venu pour moi de vous servir autrement. Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat». Jacques Chirac a choisi de glisser cette phrase presque subrepticement, entre son bilan et ses messages. Il est vrai qu’il n’y avait plus véritablement de suspense. Depuis quelques jours déjà, on supposait que l’intervention annoncée du chef de l’Etat était simplement destinée à lui permettre de s’adresser aux Français pour confirmer son renoncement. La question qui animait les esprits était plutôt de savoir s’il choisirait ce moment pour adouber Nicolas Sarkozy. Cela n’a pas été le cas. Jacques Chirac a précisé aux impatients que le temps n’était pas encore venu : «S’agissant des échéances électorales, j’aurai l’occasion d’exprimer mes choix personnels».
Cette allocution d’une dizaine de minutes était son moment à lui, son premier pas vers la sortie. Il l’a voulue sobre mais on a ressenti dès le début qu’elle n’était pas à toutes les autres pareille. Jacques Chirac a prononcé des mots forts, assez inhabituels dans la bouche d’un responsable politique, pour parler aux Français : «Ce soir, c’est avec l’amour et la fierté de la France que je me présente devant vous (…) La France, mes chers compatriotes, je l’aime passionnément. J’ai mis tout mon cœur, toute mon énergie, toute ma force à son service, à votre service». Il a récidivé dans la conclusion de son discours en déclarant aux Français : «Pas un instant, vous n’avez cessé d’habiter mon cœur (…) Cette France que j’aime autant que je vous aime».
De l’amour
De l’amour, et encore de l’amour, comme une justification de son action dont le chef de l’Etat a dressé un bref bilan. Jacques Chirac a pointé les domaines dans lesquels il estime avoir contribué à améliorer la situation des Français : réaffirmation des valeurs républicaines, réforme des retraites, aide aux personnes dépendantes et handicapées, lutte contre le chômage. La «fierté» ressentie par le chef de l’Etat est tout de même teintée d’une pointe de regret, celui de n’avoir pas «bousculé davantage les conservatismes et les égoïsmes».
Jacques Chirac n’est pas homme à regarder trop longtemps derrière lui. Et il ne s’est pas appesanti sur le passé dans son allocution, que d’aucuns qualifieront de testament politique. Au contraire, il s’est appliqué à parler de l’avenir. Celui de la France qui, affirme-t-il, «n’a pas fini d’étonner le monde». Il n’est pas candidat, il ne sera bientôt plus président. Mais cela ne signifie pas qu’il n’a plus rien à dire ou à faire. Son enthousiasme est «intact», et il affirme qu’il continuera à mener des combats pour «la justice, le progrès, la paix, la grandeur de la France». Sans toutefois dire comment.
Mais surtout, Jacques Chirac a mis en perspective les grands enjeux de la France d’après lui, en envoyant six messages à ses compatriotes dans lesquels on retrouve toutes ses préoccupations profondes. Jacques Chirac a toujours lutté contre les discriminations et les extrémismes. Il appelle les Français à ne «jamais composer» avec «le racisme, l’antisémitisme, le rejet de l’autre», ces maux qui «divisent». Il affirme qu’il n’y a qu’un «beau» combat, celui de la «cohésion» et de «l’égalité des chances». Il a toujours été un défenseur farouche du «modèle français». Il persiste et signe en affirmant qu’il ne faut pas le «brader» sur l’autel de la mondialisation mais le «moderniser» pour le rendre plus fort. Jacques Chirac a raté le rendez-vous européen en ne réussissant pas à convaincre les Français de ratifier la Constitution européenne en 2005. Il a même été souvent accusé d’être un Européen trop tiède. A l’heure du départ, il a donc fait de la relance de l’Europe un enjeu incontournable. A la fois pour se prémunir contre la résurgence des «nationalismes» et pour être compétitif sur le plan économique. Il y avait d’ailleurs un petit pan de drapeau européen qui cohabitait avec le drapeau tricolore derrière le président…
En attendant les vrais adieux
«La France n’est pas un pays comme les autres» : c’est cet argument que Jacques Chirac a mis en avant pour insister sur les «responsabilités» qui incombent à son pays. Au premier rang desquelles le chef de l’Etat place la défense des valeurs universelles au service de la paix dans le monde. Mais aussi la lutte contre la pauvreté et le sous-développement. Inlassable avocat des pays les plus pauvres sur la scène internationale, Jacques Chirac a donc présenté le droit au «développement pour tous» comme une nécessité. Il a même affirmé que ne pas agir dans ce domaine serait «immoral et dangereux». Et enfin, le président de la République a appelé les Français à prendre en compte l’enjeu écologique. Jacques Chirac a mis en garde contre la «catastrophe» qui guette l’humanité si elle ne réussit pas à concevoir «un nouveau mode de relation avec la nature et inventer une autre croissance».
Jacques chirac a incontestablement donné beaucoup de lui-même dans cette allocution où filtrait l’émotion au travers des mots mais durant laquelle le chef de l’Etat s’est appliqué à ne pas céder au sentimentalisme. A l’Elysée, on a d’ailleurs pris soin de préciser qu’il avait lui-même rédigé le texte. Il a parlé avec conviction et engagement pour tourner une page importante de son histoire personnelle et de la vie politique française. Mais il n’a pas encore totalement refermé le livre de la présidence. Pendant encore deux mois, Jacques Chirac restera à l’Elysée. Il est en sursis d’adieux.par Valérie Gas
Article publié le 11/03/2007 Dernière mise à jour le 11/03/2007 à 21:56 TU