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Darfour

Le Rwanda veut quitter la mission de paix

Un soldat des forces de paix de l'Union Africaine (AMIS) 

		(Photo: AFP)
Un soldat des forces de paix de l'Union Africaine (AMIS)
(Photo: AFP)
Le président rwandais, Paul Kagamé, a menacé mercredi de rapatrier les troupes de son pays qui se trouvent au Darfour, dans le cadre de la mission de paix africaine (AMIS). Le président rwandais s’insurge contre l’inefficacité de cette mission, tandis que les agences humanitaires des Nations unies mettent en avant les ravages de la guerre civile dans la province occidentale du Soudan qui a provoqué deux millions de déplacés depuis quatre ans.

(Carte : RFI)
(Carte : RFI)

Le Rwanda estime que la présence de son contingent militaire de deux mille hommes au Darfour n’est pas de grande utilité, vu le manque d’appuis de la part de la communauté internationale et notamment de l’Union africaine (UA). Le président Paul Kagamé, qui s’exprimait mercredi sur les ondes de la station gouvernementale Radio Rwanda, a affirmé notamment : «Si notre présence là-bas n’apporte aucun changement sur le terrain, alors je ne vois pas de raison de rester». Le dirigeant rwandais a ainsi déploré que «des gens continuent à mourir, les rebelles et les soldats gouvernementaux [soudanais] continuent de se battre», soulignant que ses militaires avaient apporté leur son soutien à la force de l’UA, mais que «sur le terrain on ne voit aucun résultat».

Selon le président du Rwanda, «il y a une sorte de frustration, si bien que vous ne pouvez pas exclure la possibilité, à un certain moment, de retirer nos forces. Et je vois que nous nous acheminons dans cette direction. Nos forces là-bas ne sont pas mal entraînées, mais elles ne sont pas appuyées par ceux qui sont supposés le faire». Il a  également reproché à l’UA et à la communauté internationale de ne pas étendre le mandat de la force de paix AMIS à la protection des civils du Darfour : «l’UA est dépassée, dans la mesure où elle n’a pas de potentiel, pas de logistique, pas de financement, et que la coordination au sein de sa force connaît des faiblesses».  

Lors d’un entretien à RFI, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Charles Murigandé, a souligné que la communauté internationale ne met pas de moyens suffisants à la disposition de la mission de paix au Darfour.  

Charles Murigandé

Le ministre rwandais des Affaires étrangères.

«Nous nous demandons s'il faut maintenir nos soldats pour une mission qui n'est pas soutenue par la communauté internationale.»

Les effectifs de la mission de l’UA au Darfour totalisent 7 000 hommes. Son action a été fréquemment critiquée par les organisations internationales. Le manque de moyens financiers, d’armement et d’équipements logistiques rend pratiquement impossible les opérations de paix de l’AMIS qui n’est pas en condition d’empêcher les attaques des milices arabes pro-gouvernementales, les janjawids, contre les civils du Darfour. Les forces de l’UA ont également été incapables de limiter les actions des rebelles de cette province contre les représentants du pouvoir central de Khartoum. L’UA ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour pouvoir payer, dans des délais raisonnables, les soldats engagés dans l’AMIS.

Cet épisode montre l’urgence de la mise en place d’une force hybride UA-Onu, décidée par le Conseil de sécurité. Le gouvernement de Khartoum refuse le déploiement de casques bleus au Darfour, affirmant que cela représenterait une «nouvelle colonisation». Le département d’Etat américain a annoncé  mercredi son intention d’intervenir auprès du Conseil de sécurité, en vue de l’adoption d’une nouvelle résolution obligeant le Soudan à accepter effectivement la présence d’une force de maintien de la paix conduite par les Nations unies. L’application d’une telle résolution, incluant des sanctions, exigerait l’appui du gouvernement chinois qui ne semble pas vouloir embarrasser Khartoum, étant donné que la Chine est un grand importateur de pétrole soudanais. Le président soudanais al-Béchir a écrit récemment au secrétaire général de l’Onu, Ban ki-Moon, rappelant son refus au sujet du déploiement de 20 000 casques bleus, malgré un accord dans ce sens qui avait été conclu en novembre.  

200 000 morts, deux millions de déplacés          

La guerre civile au Darfour a commencé en 2003, avec le soulèvement de l’Armée de libération du Soudan (ALS) contre le régime du président Omar Hassan el-Béchir. Les rebelles - pour la plupart issus des ethnies noires masalit, four et zaghawa – se déclaraient marginalisés par le pouvoir central. Ce conflit interne est devenu, en quelque sorte, une confrontation entre les arabes proches du gouvernement et les tribus africaines, avec des répercussions régionales, notamment au Tchad et en République centrafricaine. Selon des estimations établies par les Nations unies et par des organisations d’assistance, cette guerre aurait provoqué 200 000 morts, depuis quatre ans. 

Les risques de catastrophe humanitaire au Darfour ont été évoqués, à plusieurs reprises, par plusieurs organisations internationales, ainsi que par l’UA, des gouvernements de l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis. Le bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a publié mercredi à Khartoum un rapport très alarmant, signalant que le nombre de déplacés, dans cette province soudanaise, a atteint «pour la première fois deux millions». Ce rapport signale également que plus de 160 000 personnes ont été déplacées, rien qu’entre octobre et décembre 2006. Il s’agit de l’indication la plus précise au sujet des conséquences du conflit pour la population de cette région soudanaise.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a publié lundi à Genève un rapport accusant le gouvernement de Khartoum d’avoir «orchestré et participé aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité» au Darfour. Le ministre soudanais de la Justice, Mohamed Ali Elmardi, a déclaré jeudi que «ce rapport est nul et non avenu», exigeant qu’une nouvelle mission de ce Conseil, incluant des représentants de cinq groupes régionaux, soit constituée pour examiner la situation au Darfour. Khartoum avait interdit l’accès à une commission nommée en novembre dernier, qui a dû réaliser le rapport publié ce lundi depuis l’extérieur du Soudan.



par Antonio  Garcia

Article publié le 15/03/2007 Dernière mise à jour le 15/03/2007 à 17:54 TU