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Mauritanie

Présidentielle : le report des voix se monnaie

Les candidats arrivés en troisième, quatrième et cinquième positions du premier tour de l’élection présidentielle ont la paradoxale impression d’avoir gagné tant ils sont courtisés par les finalistes de la présidentielle, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah.


Ahmed Ould Daddah et Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Dans le camp des candidats de second tour, on fait les comptes. 

		(Photos: AFP)
Ahmed Ould Daddah et Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Dans le camp des candidats de second tour, on fait les comptes.
(Photos: AFP)

Arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, le 11 mars dernier avec 24,80% des voix, Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a pas pour autant l’assurance de gagner au second tour. Il a compris qu’il lui fallait extirper du camp adverse quelques alliances stratégiques. Le premier à mordre à l’appât est Messaoud Ould Boulkheir, de l’Alliance populaire progressiste, ex-opposant, membre de la Coalition des forces de changement démocratique (CFCD). Il avait obtenu 9,79% des voix au premier tour de la présidentielle. Son ralliement au ténor de l’ex-majorité présidentielle a surpris tout le monde y compris dans son propre camp. La presse de l’opposition, qui aurait eu vent du montant de sa transaction avec Cheikh Abdallahi, fait remarquer que «Messaoud Ould Boulkheir a été vendu à prix modique, comme un esclave des temps anciens», une allusion à peine voilée aux origines «Haratine» d'Ould Boulkheir, la communauté des anciens esclaves.

D’une manière générale, la presse mauritanienne souligne que les négociations d’entre deux tours pour d’éventuels reports de voix, ont tourné au marchandage. Le premier ralliement à Sidi Ould Cheikh Abdallahi est venu de Zeine Ould Zeidane, ancien gouverneur de la Banque centrale, arrivé en troisième position du premier tour avec 15,28% des suffrages. Il a clairement annoncé avoir mené des négociations avec les deux candidats du second tour avant de fixer son choix. Il aurait trouvé une meilleure écoute et «une prise en compte de son programme» auprès de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Autrement dit les promesses qui lui ont été faites sont plus alléchantes que celles de l’autre candidat.

L’ex-opposition n’est pas mobilisée

Du côté d’Ahmed Ould Daddah, les ralliements ont été moins évidents. Son parcours politique de farouche opposant à l’ancien régime n’a pas été un facteur déterminant qui plaide en sa faveur. Les traditionnels partis de l’opposition qui auraient pu se retrouver autour des mêmes revendications politiques et de reconnaissance des minorités ont exigé des garanties et des engagements forts avant d’appeler leurs électeurs à voter pour Ahmed Ould Daddah. Ibrahima Moctar Sarr, arrivé en quatrième position au premier tour (7,67%) a fait durer le suspense quelques jours avant de se prononcer en faveur de M. Ould Daddah. Il aurait trouvé chez ce dernier un meilleur projet de prise en compte des problèmes de la communauté négro-africaine qu’il représente. Un autre soutien de taille, celui du représentant des islamistes modérés, vient renforcer le camp des partis de l’ex-opposition.

Dans le camp des candidats de second tour, on fait les comptes mais en ayant bien à l’esprit que les convictions politiques ici n’ont aucun sens. Les reports de voix ne sont pas mathématiques, c’est pourquoi, en dehors des tractations inavouables, l’un et l’autre des deux adversaires cultivent dans les médias une image d’homme d’Etat, débarrassé de tout esprit de revanche. Tous les deux récusent l’idée de la suprématie d’une communauté ethnique sur l'autre, dans un pays où les clivages interraciaux sont très prononcés et où des organisations de défense des droits de l’homme signalent encore des pratiques d’esclavage, malgré la loi l’interdisant.

Par ailleurs, le grand débat à la télévision, entre les deux candidats du second tour, qui passionnait d'avance les Mauritaniens, n’a pas pu se tenir comme prévu le 20 mars, les deux camps convenant de reporter au jeudi 22 mars un événement qui serait une première en Mauritanie. En attendant, pétitions et lettres ouvertes circulent à Nouakchott pour mettre en garde la Société mauritanienne d’électricité contre toute coupure de courant au moment du duel télévisuel.



par Didier  Samson

Article publié le 21/03/2007 Dernière mise à jour le 21/03/2007 à 13:47 TU