Guinée
Un gouvernement de consensus sans les politiciens
(Photo : AFP)
Dans son message diffusé par la radio nationale, le Premier ministre Lansana Kouyaté a donné les grandes lignes de l’action gouvernementale qui s’articuleront autour de «la cohésion nationale, la restauration de la justice sociale et l’amélioration des conditions de vie des Guinées». La nouvelle équipe de technocrates s'est donné pour mission de redresser le pays.
Lansana Kouyaté, le Premier ministre de «consensus», comme on l’appelle à Conakry, a pris son temps pour former un gouvernement. Le temps de la concertation. Il a rencontré tous les acteurs de la vie politique, syndicale et sociale pour mieux connaître les gens et l’espace politique guinéen. Pour le diplomate qu’il est et qui a fait sa carrière hors du pays, cet exercice s’imposait. Un mois de discussion et de rencontres lui a été nécessaire pour trouver «des gens neufs» qui marquent la rupture avec le passé.
La plupart des personnalités nommées ne sont pas connues du grand public. Aucune d’elles n’a été ministre dans le gouvernement précédent. L’exercice consistait également à trouver des noms de personnes qui n’ont jamais occupé un poste ministériel depuis 1984, date à laquelle Lansana Conté a pris le pouvoir. Le Premier ministre a voulu ainsi marquer une rupture avec le passé et affirmer son autorité totale sur son gouvernement. Il ne voulait aucun représentant de partis politiques au sein du gouvernement. Les formations politiques ne s’en plaignent pas, mais veulent que cette volonté affichée de rupture avec le passé se traduise rapidement dans les faits.
La confiance en question
Ditinn Diallo, au nom des dix partis politiques regroupés autour du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), se dit a priori «satisfait» de la nomination du nouveau gouvernement. «Mais le problème n’est pas là. Il faut que le nouveau gouvernement procède rapidement à l’installation d’une commission électorale indépendante afin d’engager un travail de fond sur la révision des listes électorales et du code électoral», a-t-il poursuivi faisant des élections le rendez-vous de la confiance entre la population et leurs élus. Pour Sidya Touré, ancien Premier ministre et leader de l’Union des forces républicaines (UFR), même si la convocation du corps électoral sur des bases saines et transparentes est «un objectif fort et significatif», la priorité reste tout de même le rétablissement de la confiance. Et, elle passe par «la lutte contre l’inflation qui a atteint des proportions dramatiques en Guinée», a-t-il précisé.
Thierno Diallo, de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen, (OGDDLC) appelle aussi au retour de la confiance en Guinée. Mais, pour lui, elle passe par une politique de «réconciliation nationale» qui résultera inévitablement de la «mise en place d’une commission d’enquête indépendante sur les crimes perpétrés lors des récents événements. Il faudrait rassurer les populations qu’une page est vraiment tournée et que l’impunité n’aura plus cours».Toutefois, personne n’est dupe. La politique reprendra rapidement ses droits. C’est pourquoi à l’OGDDLC, on pense que la nouvelle équipe doit aussi établir une relation de confiance avec les Guinéens, en mettant en place dès maintenant «un groupe de réflexion et de travail avec les partis politiques afin de mener des négociations pour un report des législatives normalement prévues au mois de juin. Les délais sont courts», prévient Thierno Diallo.
Après les ministres, la haute administration
Pour l’instant, syndicats, partis politiques et autres personnalités de la société civile se disent tous «satisfaits» du nouveau gouvernement mais se réservent le droit de décrocher les premières flèches si ce dernier ne marque pas son indépendance vis-à-vis du président de la République. De la précédente équipe, une seule personnalité a été retenue et confirmée à son poste. Il s’agit de Oury Baïlo Bah, au Secrétariat général du gouvernement. Trois femmes sont nommées : Paulette Kourouma à la Justice et aux droits de l’homme; Tété Nabé aux Affaires sociales, à la condition féminine et à l’enfance; Sangaré Maïmouna Bah à la Santé publique. La prochaine vague de nominations sur laquelle le Premier ministre est attendu, concerne l’administration. La quasi totalité des préfets et gouverneurs de région ont été installés par l’ancien régime ou sont issus du parti du président, le Parti de l’union et du progrès (PUP).par Didier Samson
Article publié le 29/03/2007 Dernière mise à jour le 29/03/2007 à 16:15 TU