Conjoncture
Les bons chiffres de l'économie font débat
A l’évidence, à trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les chiffres sont bons pour le gouvernement Villepin. Selon les résultats des comptes de la Nation publiés par l’Institut national de la statistique (Insee), la situation financière de la France est bien meilleure que prévu. L’Insee a révélé, vendredi 30 mars, une croissance meilleure pour 2006 qui s’établit à 2,1% sur l’année et non pas à 2% comme estimée précédemment. Cette croissance est alimentée par la consommation des ménages mais aussi par une reprise des investissements au 4ème trimestre.
Principale conséquence de cette révision en hausse : le déficit public retombe à 2,5% du PIB, en forte baisse par rapport à 2005 où il s’était établi à 3%. Cette amélioration est due au dynamisme des recettes fiscales, en particulier de l’impôt sur les sociétés. Enfin, l’Insee a annoncé une forte baisse du taux d’endettement à 63,9% du PIB. Il reste cependant au-dessus de la norme européenne des 60% du PIB fixée par le pacte européen de stabilité et de croissance. Le chiffre du taux d’endettement de la fin 2005 a lui-même été revu à la baisse à 66,2% du PIB, au lieu des 66,6% affichés. En revanche, si la dette a baissé en pourcentage du PIB (c’est l’ensemble des richesses créées par le pays), elle a augmenté en volume. Le montant de la dette était de 1 142 milliards d’euros au 31 décembre 2006. Elle se montait à 1 138 milliards d’euros à la fin 2005.
« Résultat historique » pourtant « il n’y a pas lieu de crier victoire »
Pour Thierry Breton, le ministre de l’Economie et des Finances, il s’agit d’un «résultat historique» car cette baisse est «la plus importante enregistrée au cours des trente dernières années en France». Selon Bercy, «ce résultat témoigne du succès de la stratégie de désendettement engagée par le Gouvernement qui repose sur une maîtrise accrue des finances publiques, l'affectation des cessions d'actifs publics au désendettement et l'optimisation de la gestion de la trésorerie de l'Etat et des administrations publiques». Mais cette dernière photo économique de la France en 2006 ne suscite toutefois pas l’enthousiasme des analystes : «l’amélioration du déficit public est en grande partie artificielle car elle résulte des changements introduits dans la gestion de la trésorerie de l’Etat. Il n’y a pas lieu de crier victoire, notamment par comparaison avec les performances d’autres pays européens», commente Olivier Gasnier, économiste à la Société Générale. Même constat pour Nicolas Bouzou du cabinet d’analyses Asterès qui estime que «si on veut aller plus loin pour maintenir un déficit public qui oscille entre 2 et 2,5% du PIB, même quand la croissance ralentit, on n’échappera pas à une réforme structurelle de l’Etat».
A la différence des chiffres des finances publiques, ceux du chômage sont plus sujets à polémique. Selon les chiffres du ministère de l’Emploi, le taux de chômage s’est établi en février 2007, à 8,4% de la population active, soit 2 066 100 demandeurs d'emploi (catégorie 1, disponibles, à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée indéterminée), un seuil en-dessous duquel la courbe n’est plus redescendue depuis 24 ans. Seulement voilà, Eurostat, l’Office européen de statistiques le situe plutôt à 8,8%. En janvier dernier, des associations dont notamment un collectif monté sous le titre «Les Autres chiffres du chômage» (ACDC) ont dénoncé des «manipulations» entre les chiffres et la réalité.
par Myriam Berber
Réactions
Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre, mettant en cause la validité des chiffres fournis par le ministre de l’Emploi, Jean Louis Borloo, soutien de Nicolas Sarkozy, candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) à la présidentielle.
A droite, Guillaume Peltier le porte-parole de Philippe de Villiers, candidat du Mouvement pour la France (MPF) a dénoncé une «manipulation des chiffres du chômage». Pour Maurice Leroy, un proche de François Bayrou, candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) à la présidentielle, le gouvernement prend les «gens pour des gogos», en soulignant que «Ça fait 26 ans qu'à chaque campagne présidentielle on explique que le chômage baisse, que l'inflation baisse, que le pouvoir d'achat augmente».
A gauche, le Parti socialiste a réclamé vendredi la publication immédiate de l'enquête de l'INSEE sur le chômage. «En refusant de la publier le gouvernement reconnaît implicitement qu'il ne cherche qu'à cacher aux Français la triste réalité économique et sociale du pays», a déclaré Alain Vidalies, secrétaire PS aux Entreprises. Dans un communiqué, Michel Sapin, secrétaire national à l'économie et à la fiscalité du PS, a estimé que les chiffres publiés vendredi par l'Insee sur la situation des finances publiques étaient «navrants». Il note que la croissance atteint «un niveau inférieur de 0,6 point à celle de la zone euro et de 0,8 point à celle de l'Allemagne», soit un rythme de croissance «divisé par deux» au cours de la législature. Pour le PS, «naguère locomotive de la zone euro, la France porte désormais le bonnet d'âne», avec en outre une dynamique «alarmante» en ce qui concerne la croissance.
De son côté, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) a dénoncé un «indice manipulé», affirmant qu’«il n'est plus possible de se contenter d'un seul indice», estimant qu’il faut «plusieurs mesures: un indice de précarité, un indice de sous-emploi, un indice d'emplois à très bas salaires». Pour Marie-George Buffet, candidate du Parti communiste à la présidentielle, «le maquillage des chiffres ne trompe personne». Réagissant à baisse du chômage, José Bové, candidat altermondialiste, a estimé que «les chiffres actuels reflètent la réalité du chômage et la réalité de la véritable pauvreté».par Myriam Berber
Article publié le 30/03/2007 Dernière mise à jour le 30/03/2007 à 14:57 TU