Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Angolagate

Le tribunal jugera 42 personnes

Le juge Philippe Courroye a signé le 5 avril une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de 42 personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'affaire «Angolagate». 

		(Photo : AFP)
Le juge Philippe Courroye a signé le 5 avril une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de 42 personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'affaire «Angolagate».
(Photo : AFP)
Après plus de six ans de procédure, le juge d’instruction Philippe Courroye a signé, jeudi, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de 42 personnes impliquées dans une affaire de vente illicite d’armement au gouvernement angolais, entre 1993 et 2000, dénommée «Angolagate». Toutes sont soupçonnées d’avoir touché des gratifications de la part des vendeurs d’armes : le Français Pierre Falcone et son associé Arcady Gaydamak. Cette affaire judicaire avait provoqué une certaine tension dans les relations entre Paris et Luanda.

Le juge Philippe Courroye a suivi les réquisitions formulées par le parquet le 28 mars dernier, selon l’édition électronique de l’hebdomadaire Le Point. Des personnalités bien connues de la vie politique française figurent ainsi dans cette liste de suspects, notamment Jean-Christophe Mitterrand, l’ancien ministre gaulliste de l’Intérieur Charles Pasqua et son homme de confiance Jean-Charles Marchiani (ex-préfet du Var). D’autres personnalités comme Jacques Attali, ex-conseiller de François Mitterrand, ainsi que l’ex-magistrat George Fenech (député UMP) et l’écrivain Paul-Loup Sulitzer vont également comparaître, fin 2007 ou début 2008, pour «complicité de commerce illicite d’armes». Ils sont tous soupçonnés d’avoir reçu des commissions de la part de l’homme d’affaires français Pierre Falcone et de son associé, le milliardaire israélo-russe Arcady Gaydamak. Les deux marchands d’armes devront probablement être jugés par contumace, étant donné qu’ils ont fui à l’étranger depuis plusieurs années.  

L’affaire Angolagate a débuté en 1992, à un moment assez délicat pour les forces gouvernementales angolaises qui combattaient les rebelles de l’Unita dirigée par Jonas Savimbi. Le président José Edouardo dos Santos avait alors demandé de l’aide, concernant la fourniture de matériels militaires, à un cadre du Parti socialiste français, Jean-Bernard Curial. Ce dernier a transmis cette requête à Jean-Christophe Mitterrand, qui lui a présenté Pierre Falcone, un proche de Charles Pasqua, à l’époque ministre du gouvernement de cohabitation d’Edouard Balladur. Ce cabinet n’était pas très favorable aux ventes d’armes au régime de Luanda, d’autant plus que le ministre de la Défense, François Léotard, était assez proche de Savimbi.

790 millions de dollars d’armement

C’est par l’intermédiaire de la société Brenco, dont le siège était à Paris, et de sa filiale slovaque ZTZ-Osos, avec des financements de la banque Paribas, que Falcone et Gaydamak ont réussi à monter cette opération. Ils ont pu ainsi fournir au régime angolais une importante quantité d’armes : chars, hélicoptères, mines, lance roquettes et pièces d’artillerie, ainsi que six navires de guerre. Ces armes ont été envoyées, pendant sept ans, de plusieurs pays est-européens, comme la Russie, la Bulgarie, la Pologne, la Bulgarie et le Kirghizistan, un marché qui a été évalué à près de 790 millions de dollars. Les observateurs affirment que cet armement aurait été d’une utilité capitale aux troupes gouvernementales angolaises qui ont réussi à abattre Jonas Savimbi, en 2002, ce qui a marqué la fin d’une guerre civile qui a fait plus de 500 000 morts en 27 ans.  

Selon l’enquête, Falcone et Gaydamak ont fait des bénéfices évalués à 400 millions de dollars dans les ventes d’armes à l’Angola. Ils ont gratifié plusieurs personnes qui auraient facilité les transactions : 2,6 millions de dollars à Jean-Christophe Mitterrand, 450 000 à Charles Pasqua, 380 000 à Paul-Loup Sulitzer, 160 000 à Jacques Attali, entre autres. Jean-Christophe Mitterrand a été emprisonné, pendant trois semaines, en décembre 2000 et janvier 2001. Il a été libéré contre une caution de 762 000 euros. L’accusation affirme qu’il a eu un «rôle déterminant» dans la mise en relation de Pierre Falcone et du régime angolais. Le fils aîné de l’ancien président de la République est soupçonné de «complicité de commerce illicite d’armes et recel d’abus de biens sociaux», mais il nie ces accusations. Plusieurs autres intéressés reconnaissent avoir reçu de l’argent, de la part du marchand d’armes, mais au titre de rémunérations pour des études et des conseils.

Les Angolais se fâchent contre Paris

Pierre Falcone avait également été arrêté à Paris, en novembre 2000. Il a été libéré, en novembre de l’année suivante, après avoir versé une caution record de 105 millions de francs (16 million d’euros). Il avait été mis en examen pour «commerce d’armes illicite, fraude fiscale, abus de biens sociaux et trafic d’influence», notamment pour avoir vendu des matériels militaires sans autorisation. Le président angolais s’est insurgé, à plusieurs reprises, contre l’arrestation de son «mandataire» et il a nommé Pierre Falcone, en juillet 2003, comme membre de la délégation angolaise auprès de l’Unesco, pour qu’il puisse bénéficier de l’immunité diplomatique. Mais le juge Courroye a fait savoir à l’homme d’affaires que cette immunité ne pouvait pas couvrir l’instruction en cours, obligeant ainsi Falcone à abandonner la France.

Les autorités angolaises n’ont jamais accepté cette situation et elles ont même essayé d’exercer des pressions diplomatiques sur Paris, considérant que l’affaire Falcone n’était pas de la compétence de la justice française. Luanda soutient que l’achat des armes n’a pas été réalisé en territoire français et que Falcon n’était qu’un simple intermédiaire dans les transactions. L’ambassadeur d’Angola à Paris a même été «rappelé pour consultations» à Luanda, en 2004, et le président Eduardo dos Santos a mis plusieurs mois avant de donner son accréditation à l’ambassadeur de France.

Des rumeurs ont même circulé, selon lesquelles l’Angola allait interdire les activités du groupe Total sur son territoire. Or, la situation semble s’être améliorée dernièrement. Selon la publication Lettre du Continent, «la compagnie pétrolière qui vient d’inaugurer le champ de Dahlia (220 000 barils par jour) ne devrait pas pâtir de l’Angolagate», tandis que l’ambassadeur d’Angola est «venu aux nouvelles à l’Elysée» et Paris va nommer «dans les prochains jours» un ambassadeur à Luanda. Il faut noter qu’aucun Angolais ne figure sur la liste des 42 personnes qui vont être jugées, même si le juge Courroye, contre l’avis du parquet, impute aussi à Pierre Falcone des versements d’argent à Eduardo dos Santos et à une quinzaine de ses proches : 37 millions de dollars crédités sur un compte au Luxembourg pour le président angolais.



par Antonio  Garcia

Article publié le 06/04/2007 Dernière mise à jour le 06/04/2007 à 17:11 TU