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Arcady Gaydamak prétend avoir racheté France Soir

Le propriétaire du journal <em>Moscou News, </em>Arcady Gaydamak,&nbsp;se déclare acquéreur du quotidien français <em>France Soir, </em>en redressement judiciaire.(Photo : AFP)
Le propriétaire du journal Moscou News, Arcady Gaydamak, se déclare acquéreur du quotidien français France Soir, en redressement judiciaire.
(Photo : AFP)
Bien connu de la justice française, l’homme d’affaire israélo-russe actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt international délivré en décembre 2000, a affirmé, lundi 13 mars au soir, avoir racheté France Soir par l’intermédiaire de son groupe de presse russe. L'actuel propriétaire du journal, l’homme d'affaires franco-égyptien Raymond Lakah, a affirmé mardi avoir reçu la veille au soir une offre pour le rachat du quotidien France Soir de la part du journal Moscow News, dont le propriétaire est Arcady Gaydamak. Proposition acceptée sous condition. Au vu de la trésorerie de France Soir et des dossiers de reprise, le tribunal de commerce de Lille (nord de la France) avait donné jusqu’au 16 mars à six repreneurs potentiels pour peaufiner leurs offres.

La déclaration est tombée lundi 13 mars au soir, anticipant la décision de justice attendue dans trois jours : non sans créer un effet de surprise auprès des intéressés, voici que le propriétaire de Moscou News, l’homme d’affaire israélo-russe, Arcady Gaydamak, a déclaré avoir « pris le contrôle » du quotidien français France Soir, assurant : « Le rachat de France Soir s’est fait grâce au groupe de presse russe que je contrôle ». De son côté, l’homme d’affaire franco-égyptien Raymond Lakah, actuel propriétaire du quotidien, a déclaré avoir reçu une offre pour le rachat de France Soir de la part du journal Moscow News, mais ne l’avoir acceptée que « sous condition ». « Le conseil d'administration de Montaigne Press [ Montagne Press détient 70% de Press Alliance, société éditrice de France Soir] a accepté l'offre ce matin sous condition de mettre à disposition des administrateurs judiciaires la somme de 12 millions d'euros pour purger toutes les dettes de Presse Alliance et remettre la trésorerie nécessaire pour le fonctionnement du journal ainsi que le maintien de tous les salariés », a annoncé Raymond Lakah. L’annonce suscite l’étonnement. Arcady Gaydamak, qui partage sa vie entre la Russie et Israël, est poursuivi par la justice française : depuis décembre 2000, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international des juges parisiens, soupçonné par la justice française d’avoir participé en 1993 à un trafic d’armes vers l’Angola.

Le nom d’Arcady Gaydamak est associé à plusieurs histoires sombres. Lié à la mafia russe au début des années 90, l’homme est connu, en Russie, pour avoir largement profité du désordre provoqué par la chute du régime communiste. Mais « Arcady Gaydamak ne fait pas l'actualité en Russie. Ce n'est pas un oligarque au même titre qu'Abramovitch (2ème fortune de Russie) ou Khodorkovsky (ancien pdg de Ioukos, actuellement emprisonné pour « vol par escroquerie à grande échelle » et « évasion fiscale »). Gaydamak ne possède pas de grand groupe industriel. C'est un homme d'affaires opaque comme il y en a des centaines », dit de lui Laurent Rucker, chargé d’études au Courrier des pays de l’Est, maître de conférences à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris.

Mafia, canons, presse et ballon rond

En Israël, il a été interrogé à plusieurs reprises ces derniers mois dans une affaire de blanchiment d’argent -dans le cadre d’une enquête sur la banque Hapoalim, principal établissement bancaire d’Israël. En France, les juges parisiens ont délivré un mandat d’arrêt international en décembre 2000 dans le cadre de l’affaire Falcone, dite Angolagate. Il s’agit d’une affaire complexe à tiroirs politico-judiciaires internationaux mêlant un Franco-Brésilien, Pierre Falcone et l’Israëlo-Russe Arcady Gaydamak à une histoire de livraison d’armes slovaques au régime de José Eduardo Dos Santos, le président angolais. Les deux hommes, rémunérés en pétrole, se seraient vus consentir des propriétés foncières et des concessions diamantifères en Angola.

L’homme d’affaire s’intéresse aussi au sport et à la presse. Côté ballon rond, il a racheté le club de football Bétar Jérusalem et le club de basket Hapoël Jérusalem ; il a loué les services de Luis Fernandez, entraîneur français de football, et il  serait sur les rangs pour racheter le PSG si Canal+ se décidait à le céder. Côté journal, le propriétaire du journal Moscou News serait donc l’acquéreur du quotidien français France Soir en redressement judiciaire (qui compte aujourd’hui 115 salariés, dont 75 journalistes). Il ne s’est pas caché, dans ses déclarations, avoir d’autres appétits sans préciser lesquels, déclarant ses intentions de racheter « d’autres journaux dans le monde » pour « développer [son] pôle multimédia ». Après avoir déclaré « France Soir connaît certes des difficultés, mais c’est un journal populaire au passé prestigieux, auquel il faut apporter quelques changements afin qu’il se développe », il a assuré qu’il entendait « garantir la liberté et l’indépendance de la rédaction de France Soir à l’égard de tout parti politique ou tout groupe de pression ». 

Le 16 mars, le tribunal de commerce de Lille « appréciera »

La prudence s’impose donc en ce qui concerne cette dernière affaire du quotidien France Soir. Tout n’est pas joué. Contrairement aux affirmations d’Arcady Gaydamak qui affirme avoir  « pris le contrôle du journal », Me Gilles Baronnie, administrateur judiciaire de France Soir a déclaré attendre encore des « garanties financières » du milliardaire, et précisé que le tribunal de commerce de Lille (nord de la France) « appréciera la situation ». De son côté le greffe du tribunal assure que ce dernier « doit inévitablement étudier toutes les offres ». Pour l’heure, cinq offres de reprise restent en lice, celles d'Eric Fauveau et Serge Faubert, respectivement ex-directeur général et actuel rédacteur en chef du quotidien, de l'homme d'affaires Jean-Pierre Brunois, du groupe agro-alimentaire de Jean-Raphaël Fernandez, de l'homme d'affaires Prosper Amouyal, et d'Euromedia France, qui regroupe notamment des journalistes. Le tribunal désignera le 16 mars le nouvel acquéreur.


par Dominique  Raizon

Article publié le 14/03/2006 Dernière mise à jour le 14/03/2006 à 17:53 TU