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Argentine

Faire expier les responsables de la dictature

L'amiral Emilio Eduardo Massera (gauche) et le général Jorge Rafael Videla (droite) en 1971. 

		(Photo : AFP)
L'amiral Emilio Eduardo Massera (gauche) et le général Jorge Rafael Videla (droite) en 1971.
(Photo : AFP)
La justice argentine a annulé les grâces, accordées en 1990 aux anciens dirigeants de la sanglante junte militaire. C’est avant tout une décision symbolique : les deux derniers bénéficiaires encore vivants de cette grâce - le général Jorge Videla et l’amiral Emilio Massera - sont trop âgés pour repartir en prison.

Les juges ont été unanimes sur la question : les crimes contre l’humanité sont de nature imprescriptibles et ne peuvent être ni amnistiés ni pardonnés. La décision de la Chambre fédérale pénale de Buenos Aires replace face à leurs responsabilités les deux dernières personnalités encore vivantes de la junte militaire. Il s’agit de l’auteur du coup d’Etat de 1976, Jorge Rafael Videla, qui avait transformé l’Argentine en dictature, et de l’ancien chef de la marine, l’amiral Eduardo Massera.  

Ensemble, avec de nombreux autres anciens responsables de la dictature, ils ont été condamnés, en 1985, pour enlèvements, tortures et assassinats d’opposants politiques, à l’emprisonnement à perpétuité. Lors des années sanglantes, entre 1976 et 1983, des dizaines de milliers d’opposants on été torturés et 30 000 d’entre eux ont disparu, assassinés ou jetés vivants depuis des avions dans la mer. Mais après le retour de la démocratie en Argentine, la victoire de la justice face aux horreurs commises par les sbires du régime militaire a été de courte durée. A peine cinq ans après leurs condamnations, le président Menem décrète des amnisties en directions des anciens hauts officiers. La libération de Jorge Rafael Videla et de ses codétenus d’une prison militaire, en 1990, avait été saluée en tant que «geste de réconciliation nationale».

Les Argentins doivent attendre treize longues années, avant de connaître un retournement de cette situation, insupportable pour beaucoup : l’arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner en 2003. Le nouveau président argentin prend ses fonctions avec la ferme volonté de tourner définitivement une page. Il veut mettre les responsables des crimes contre l’humanité et l’ensemble de ses compatriotes face à leur histoire, même douloureuse.

Kirchner fait abroger les lois d’impunité dont bénéficiaient bon nombre d’anciens militaires, et depuis, une centaine d'entre eux ont été inculpés. Mais dans la dynamique engagée contre les responsables du passé, le chef d’Etat argentin ne s’autorise aucun répit. Il y a quelques semaines, il s’impatiente publiquement de la lenteur du travail judiciaire dans les dossiers sur l’ancienne dictature. Nestor Kirchner va jusqu’à demander aux magistrats, chargés de ces dossiers, de retrousser les manches et sortir des résultats.     

Deux grâces symboliques

Les juges de la Chambre fédérale pénale de Buenos Aires n’ont alors pas tardé à exécuter le vœu présidentiel et à rendre justice en annulant donc la grâce dont bénéficiaient les derniers deux hauts responsables de la junte encore en vie.

Ce n’est en revanche pas pour autant que Jorge Videla et Emilio Massera vont retourner en prison: Tous deux âgés de 81 ans, les deux hommes vont expier leur peine chacun chez soit. L’état physique de l’ex-amiral Massera a été jugé incompatible avec une détention traditionnelle. Quant à l’ex-général Videla, il se trouve déjà assigné à résidence. Il attend un autre procès dans lequel il doit être jugé pour vol de bébés pendant la dictature. Des centaines de nouveaux nés ont été retirés à leurs mères qui étaient prisonnières des militaires.

L’annulation de la grâce accordée à Videla et Massera est donc surtout de nature symbolique. Ce qui n’enlève rien à l’importance juridique de cette décision, estime Rodolfo Matarollo, le sous-secrétaire aux droits de l'Homme du gouvernement argentin : «Nous pensons que c’est une victoire pour l’ensemble de la région, parce qu’il n’y a pas tellement de pays où on poursuit les crimes contre l’humanité d’une façon systématique et massive comme c’est aujourd’hui le cas en Argentine sous l’administration Kirchner. C’est clairement une politique de lutte contre l’impunité des génocides et des crimes contre l’humanité qui on été commis en Argentine mais aussi dans d’autres pays de la région».



par Stefanie  Schüler

Article publié le 26/04/2007 Dernière mise à jour le 26/04/2007 à 15:21 TU