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Réchauffement climatique

Le 3e rapport du Giec est bouclé

L'Union européenne s'est engagée à réduire de manière unilatérale d'au moins 20%, voire 30%, ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990. 

		(Photo : AFP)
L'Union européenne s'est engagée à réduire de manière unilatérale d'au moins 20%, voire 30%, ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990.
(Photo : AFP)
Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a bouclé son rapport qui porte, cette fois, sur les mesures que les Etats doivent prendre. Présenté ce vendredi matin à Bangkok après des discussions difficiles, le texte adopté reflète une nouvelle fois un compromis entre l’état des lieux dressé par les scientifiques, les solutions qu’ils préconisent et les dispositions des représentants mandatés par leurs pays. Les experts ont fixé des objectifs chiffrés. La question du coût des mesures à prendre a suscité bien des frictions.

Pour que la hausse moyenne de la température de la planète ne dépasse pas les deux degrés et demi -auxquels, quoiqu’on fasse, elle n’échappera pas- il est impératif que les émissions de gaz à effet de serre décroissent à partir de 2015. Cette date devrait donc être un pic avant d’entamer une baisse, pour atteindre la moitié du niveau actuel des émissions d’ici 2050. Pour relever le défi, il faut se donner les moyens c’est-à-dire changer les pratiques. Recours aux énergies nucléaire, solaire, éolienne ou bien encore processus pour filtrer le dioxyde de carbone rejeté par les centrales à charbon : faute de pouvoir imposer une politique à suivre, les experts ont proposé des technologies susceptibles de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et ce à un coût supportable, y compris pour les pays en développement.

Selon plusieurs scénarios, la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre coûterait entre 0,2% et 3% du Produit intérieur brut mondial à l’horizon de 2030. Le consensus a été difficile à trouver : la Chine a déposé pas moins de 1 500 amendements et a bataillé, notamment, sur le coût des mesures proposées par les experts du Giec. La responsabilité des pays industrialisés dans les émissions mondiales de CO² a donné lieu à des contestations. La place du nucléaire comme source d’énergie ne produisant pas ou peu de CO², également. Malgré des discussions animées, «ça s’est passé beaucoup mieux que nous ne le pensions (…). C’est une victoire de la science sur l’industrie des énergies fossiles et sur les éco-sceptiques», s’est réjoui Stephan Singer, responsable pour l’Europe du département Climat et énergie du Fonds mondial pour la nature(WWF).

La question du choix du nucléaire a été vivement débattue. Selon Greenpeace, 441 centrales nucléaires sont en service dans trente et un pays, parmi lesquels figurent en tête les Etats-Unis, la France, le Japon, l’Inde et la Chine. L’énergie nucléaire présente l’avantage de ne pas émettre de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, contrairement aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Stefan Singer martèle toutefois que le nucléaire ne peut pas constituer une alternative durable et efficace aux énergies fossiles. Et Renaud Crassous, qui faisait partie de la délégation française à Bangkok, a dû constater que «certains pays sont encore farouchement opposés [au recours au nucléaire]», tels que l’Autriche et l’Italie.

Cependant, des résistances commencent à fléchir dans les rangs mêmes des défenseurs de l’environnement : James Lovelock, figure de proue de défense de l’environnement et Patrick Moore, cofondateur de Greenpeace, se sont déclarés favorables au choix du nucléaire. Et, selon l’expert nucléaire de l’Observatoire Chatham house basé à Londres (Grande-Bretagne), Malcolm Grimston, les opposants seront tenus à un moment ou à un autre de changer d’avis : «Jusqu’alors [les opposants] ont eu tendance, aussi bien au Giec que lors des négociations du protocole de Kyoto, à évacuer la question du nucléaire, mais ils ne pourront pas le faire éternellement», a-t-il assuré.

«Des coûts de réduction tout à fait abordables»

Les scientifiques ont dit, par ailleurs, s’intéresser de près à une technologie CCS (Carbone capture and storage ou «capture du dioxyde de carbone») : il s’agit de capturer le dioxyde de carbone émis par les fumées des centrales thermiques traditionnelles et autre cimenteries, le transporter puis l’enfouir sous terre, soit dans d’anciens gisements de charbon ou de pétrole, soit au fond des océans. Mais cette technologie, déjà expérimentée en Europe (Danemark, Norvège) et aux Etats-Unis reste encore expérimentale et elle ne recueille pas l’adhésion de tous les écologistes. Ces derniers émettent une réserve car ils craignent les risques de fuite du CO² et la remontée éventuelle de bulles de gaz par des fissures non décelées.

A la question «Quel genre de piste concrète proposez-vous ?», posée par la radio télévision belge (RTBF) au climatologue Jean-Pascal Van Yperzele, ce dernier a répondu : «Dans le domaine du transport par exemple, on insiste sur l’importance du travail que les constructeurs ont à fournir pour augmenter l’efficacité énergétique, l’aménagement du territoire de manière que l’on n’ait pas besoin d’avoir recours à une voiture pour aller d’un endroit à un autre». Il a également pointé la nécessité de recourir davantage à la marche, la bicyclette, les transports publics, les trains etc., bref, de changer de mode de vie. «On peut plus facilement faire du vélo s’il y a de la place pour les vélos (…) Je crois que les décideurs ont la responsabilité de rendre cela possible», a-t-il souligné.

«Il existe un potentiel important pour réduire les émissions dans les prochaines décennies», a estimé, au final, Bert Metz, co-président du groupe de travail. «Le résumé approuvé vendredi met en évidence des coûts de réduction tout à fait abordables», a conclu Marc Gillet, chef de la délégation française ajoutant que «le temps presse, mais je pense qu’on pourra utiliser beaucoup d’éléments de ce document dans les prochaines discussions multilatérales». Le commissaire européen à l’Environnement, Stavros Dimas, a réitéré son appel au lancement, en décembre, de négociations sur un nouvel accord climatique international après la publication du rapport de synthèse qui sera présenté, en novembre prochain, à Valence, en Espagne.

«Au travail dès lundi ! », a clamé le WWF. «Commencez [à travailler] dès demain, n’attendez pas le prochain sommet ! Aucun gouvernement ne peut faire valoir que cela nuira à son économie», a souligné Stephan Singer.



par Dominique  Raizon

Article publié le 04/05/2007 Dernière mise à jour le 04/05/2007 à 14:20 TU