Réchauffement climatique
Il est urgent de passer à l’action !
(Photo : Reuters/François Lenoir)
«Les deux premiers rapports étaient inquiétants, désormais il est temps de s’intéresser à ce que l’on peut faire pour empêcher le changement climatique. C’est possible», a assuré Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), en ouverture de la troisième session de l’organisation onusienne sur le thème du réchauffement climatique. Dernière ligne droite avant le rendez-vous de l’automne. Des deux précédentes réunions il était ressorti, en février, que l’homme était en partie responsable de l’accélération du processus de réchauffement planétaire et, début avril, que le tribut serait lourd à payer pour les hommes. L’inventaire des catastrophes qui se profilent à l’horizon des prochaines décennies concerne tous les habitants de la planète et les défis sont considérables : canicules, sécheresse et famines ici, montée de la mer, cataclysmes (inondations, tornades, ouragans et tsunamis) là et, un peu partout, des pathologies liées au déséquilibre de la biodiversité.
Qu’on se le dise, quelles que soient les mesures drastiques que pourront choisir les gouvernements, toutes les projections scientifiques s’accordent à diagnostiquer un réchauffement planétaire inéluctable de l’ordre de 2 à 2,4°Celsius par rapport aux mesures enregistrées avant le début de l’ère industrielle. Il s’agit de ne pas aggraver la situation. Les scientifiques actionnent donc toutes les sonnettes d’alarme et branchent les gyrophares : «Le Giec n’a pas de muscles, il a de la matière grise. Les muscles devront venir d’ailleurs», a déclaré Rajendra Pachauri, le président du groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat.
Les scientifiques doivent donc essayer de convaincre les représentants de gouvernements de s’entendre, d’ici ce vendredi 4 mai, pour déterminer ensemble les actions à mener afin de stabiliser la production de gaz à effet de serre, responsable en partie du réchauffement climatique. Or, «sans politiques globales supplémentaires, les émissions de gaz à effet de serre devraient s’accroître de 25% à 90% d’ici à 2030 par rapport à 2000», souligne le rapport qui précise par ailleurs que : «Les énergies fossiles devant rester dominantes encore jusqu’en 2030 et au-delà, les émissions de CO² pourraient croître de 40% à 110% sur la période».
Par ailleurs, insiste le rapport, les premières victimes ne sont pas les premiers responsables de la situation. Selon l’étude en effet, «les deux tiers ou les trois quarts de cette hausse devraient provenir des pays en voie de développement, mais leurs émissions par tête [rapportée à leur démographie] restera de loin inférieure à celles des pays développés», les Etats-Unis et l’Europe, aux côtés de la Chine, faisant figure de champions de la pollution de la planète. Moyennant quoi le rapport suggère plusieurs pistes mais, pour être retenues, elles devront faire l’objet d’un consensus, ce qui n’est pas gagné si l’on considère l’importance des enjeux économiques et financiers impliqués. Les propositions touchent, en effet, à tous les domaines d’activités, que ce soit l’industrie, le transport, le logement, l’agriculture, ou l’énergie.
«Le Giec ne peut prescrire aucune obligation envers les Etats»
Pour convaincre les gouvernements d’agir, les scientifiques s’efforcent donc de souligner les avantages financiers qu’une politique rigoureuse de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre pourrait représenter. D’après le rapport, qui sera rendu public vendredi, la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre ne coûterait en 2030 qu’une perte comprise entre 0,2% et 3% du PIB mondial correspondant à une «réduction du taux de croissance annuel moyen du PIB de moins de 0,06 point de pourcentage» –«contre 5% à 20% si l’on tarde à agir», selon Nicolas Stern, ancien président de la Banque mondiale. Selon certains scenarios, la croissance du PIB mondial pourrait même profiter de leur maîtrise. «La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est une activité qui pourrait avoir un fort potentiel économique dans les années à venir», a plaidé Achim Steiner.
Parmi les mesures phares prônées par les scientifiques : substituer les énergies renouvelables aux énergies fossiles, recourir au nucléaire, développer la capture et le stockage du CO². Un des experts re-lecteurs du rapport, Antoine Bonduelle, déplore que, dans leur étude, les experts en climatologie aient pris la partie pour le tout. Redoutant l’impuissance onusienne, il regrette en effet qu'«en matière de transport, les experts n’[aient] pas su élargir leur réflexion à l’organisation de la ville elle-même et [qu'ils se soient] se sont cantonnés aux technologies». Les scientifiques rappellent également le rôle d’aiguillon joué par le Protocole de Kyoto, lequel est toujours rejeté par les Etats-Unis et n'engage pas la Chine. Ils plaident pour que les nouvelles réductions d'émissions de gaz devant être décidées pour la période postérieure à 2012, rallient de manière plus affirmée les gouvernements ayant mis en place des politiques nationales anti-réchauffement planétaire.
Pessimiste, Mohan Munasinghe, vice-président du Giec, estimait encore la semaine dernière qu’il faudrait probablement d’autres catastrophes spectaculaires et ravageuses pour que les gouvernements soient incités à faire quelque chose. «Le Giec ne peut prescrire aucune obligation envers les Etats. Les représentants des gouvernements vont tout faire pour s’assurer qu’il n’y en ait aucune», a-t-il déclaré. On connaîtra, vendredi, l’issue de discussions d’ores et déjà houleuses qui doivent avoir lieu toute la semaine.
par Dominique Raizon
Article publié le 30/04/2007 Dernière mise à jour le 30/04/2007 à 15:13 TU