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Timor oriental

Les chantiers du président Ramos-Horta

Le vote des quelque 520 000 Est-Timorais est sans appel : avec 69% des suffrages exprimés, José Ramos-Horta devient le premier président élu depuis l’indépendance du Timor oriental en 2002. Plébiscité aussi clairement par la population, le Prix Nobel de la paix devrait essayer d’œuvrer pour une plus grande stabilité dans ce jeune pays en crise.

José Ramos-Horta, nouvel espoir des Timorais. 

		(Photo : AFP)
José Ramos-Horta, nouvel espoir des Timorais.
(Photo : AFP)

Si José Ramos-Horta n’avait pas remporté l’élection présidentielle, il aurait continué cela ne lui aurait probablement pas déplu. Mais après l’annonce des premiers décomptes, ce diplomate hors pair va devoir laisser de côté ses lecteurs et étudiants et se concentrer sur sa nouvelle tâche qui s’annonce lourde : sortir le Timor oriental d’une crise sociale et politique profonde. «Je veux panser les plaies de la nation», a déclaré M. Ramos-Horta à des journalistes, peu après l’annonce des premiers résultats qui le donnaient vainqueur du deuxième tour des présidentielles timoraises.  

Si il est vrai que le rôle du chef d’Etat timorais est avant tout protocolaire, José Ramos-Horta ne compte pas s’arrêter là. Bien au contraire : pendant sa campagne déjà, il a promis à ses électeurs de vouloir jouer de toute son influence sur le futur gouvernement. Même si ce dernier n’a pas encore été choisi puisqu’il dépend des législatives qui auront lieu le 20 juin prochain, le nouveau président a déjà décliné ses priorités.

José Ramos-Horta attendu sur des chantiers difficiles

En première place, tout en haut sur la liste des chantiers à venir, se trouve la lutte contre l’insécurité. Pour ce faire, José Ramos-Horta devrait déclencher une réforme de l’armée timoraise. L’année dernière, des mouvements de protestation chez les militaires avaient en effet entraîné le pays dans une grave déstabilisation, dont le Timor oriental n’est toujours pas sorti. Les affrontements entre factions rivales des forces de sécurité avaient dégénéré en guerre des gangs, accompagnées de pillages et de violences qui ont fait au moins 37 morts. Mais le conflit avait surtout provoqué le déplacement de 155 000 personnes, dont une grande partie vivent toujours dans des camps de refugiés. Réinstaurer les conditions de sécurité nécessaires et réunir une nation profondément divisée par ces violences, sera probablement la mission la plus délicate pour le nouveau chef d’Etat.

L’autre grand dossier sur lequel le Prix Nobel de la paix est attendu est le développement économique. Le Timor oriental est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le chômage atteint presque la moitié de la population active. La moitié de la population est analphabète. Le résultat de cette situation catastrophique : 42 % des Timorais vivent sous le seuil de la pauvreté ; 60% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition.

Pourtant, le Timor est riche en ressources naturelles, notamment en hydrocarbures. Théoriquement, ces ressources devraient être le garant d’une amélioration de la situation économique du pays. Mais, comme l’explique Frédéric Durand (maître de conférences à l'Université de Toulouse Le Mirail et spécialiste du Timor oriental) «les revenus de ces hydrocarbures ont été affectés par prudence dans le cadre d’un fond de gestion dont seuls les intérêts sont versés au budget timorais. L’argent sert à faire fructifier un capital, mais, de fait, il y a peu de retombées en terme, soit d’aides, soit de constructions d’infrastructures».

Si José Ramos-Horta veut avancer dans des dossiers aussi difficiles que la renégociation des fonds de gestion, il lui faudra pouvoir travailler main dans la main avec le gouvernement, et notamment avec le Premier ministre. Il appartient aux Timorais d’élire, lors de législatives en juin prochain, une nouvelle équipe gouvernementale, mais le président Ramos-Horta, aussi fraichement élu qu’il soit, a déjà une petite idée sur la question : Celui qu’il espère voir obtenir le poste de Premier ministre n’est personne d’autre que le président sortant : Xanana Gusmao, qui jouit d’une grande popularité dans la population timoraise, s’était en effet désisté de l’élection présidentielle au profit du Premier ministre sortant José Ramos-Horta. Les deux hommes, tous deux grandes figures de la lutte pour l’indépendance et amis de longue date, pourraient ainsi continuer une action commune pour le Timor oriental - en s’échangeant juste les rôles.

Une idée qui a des bonnes chances d’aboutir. Car le Fretilin, le Front révolutionnaire du Timor oriental indépendant, parti au pouvoir depuis 2001 à l’inspiration marxiste, a été liquidé aux élections présidentielles : son candidat, Francisco Guterres, n’a rassemblé que 31% de suffrages au second tour contre José Ramos-Horta.

«Il y a aujourd’hui une volonté de changement», constate le spécialiste Frédérique Durant. «Les gens ont beaucoup espéré et fantasmé sur l’indépendance et dans le Fretilin qui avait été le parti qui avait porté la lutte. Et c’est ce qui avait justifié le fait qu’il avait eu plus de 60% des voix aux précédentes élections législatives. Aujourd’hui, après cinq ans d’exercice au pouvoir, les gens sont déçus et ont envie d’avoir quelqu’un d’autre qui prenne les rênes du pays». Cette volonté de changement risque fort de se traduire également dans les urnes lors des législatives.

Et peut-être est-ce pour avoir encore une petite chance de ne pas se voir complètement écarté du pouvoir, que le Fretilin a eu une attitude tout à fait respectueuse envers le nouveau président : alors que nombreux observateurs craignaient des nouvelles violences de la part des militants du Fretilin en cas d’échec électoral, leur infortuné candidat Guterres n’a pas seulement reconnu sa défaite, mais aussi proposé son soutien aux actions du nouveau président, José Ramos-Horta.     

Que cette position du Fretilin soit inspirée d’arrières-pensées, électorales ou pas, elle a été en tout cas salué de partout comme avancée importante du Timor oriental en tant que pays démocratique.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 11/05/2007 Dernière mise à jour le 11/05/2007 à 15:52 TU