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Europe

La Pologne ouvertement homophobe

Manifestation, devant l'ambassade de Pologne à Paris, en octobre 2005, pour dénoncer la position du nouveau président polonais contre l'homosexualité. 

		(Photo : AFP)
Manifestation, devant l'ambassade de Pologne à Paris, en octobre 2005, pour dénoncer la position du nouveau président polonais contre l'homosexualité.
(Photo : AFP)
En cette troisième Journée internationale contre l’homophobie, les eurodéputés viennent de rappeler la Pologne à l’ordre, suite à la mesure décidée par le ministre de l’Education, Roman Giertych, d’interdire toute information sur l’homosexualité à l’école. La nouvelle proposition s’inscrit dans un climat d’intimidation et de discrimination contre les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transgenres (LGBT).

Alors que le mot d’ordre de cette troisième Journée internationale est «Non à l’homophobie, oui à l’éducation», la Pologne vient de se faire tancer vertement par le Parlement européen. Les eurodéputés demandent à Varsovie de ne pas adopter des lois homophobes et de sanctionner les déclarations discriminatoires des dirigeants publics à l’encontre des homosexuels. Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski conteste, au motif que «le Parlement européen adopte beaucoup de résolutions différentes, parfois pour le moins discutables».

Le 13 mars 2007, le vice-Premier ministre et ministre de l’Education Roman Giertych a annoncé des mesures de répression contre les personnes homosexuelles participant à des activités d’enseignement, suite au projet de loi «contre la promotion de l’homosexualité à l’école», déposé par le vice-ministre polonais de l’Education Miroslaw Orzechowski. Lui emboîtant le pas, le chef du gouvernement conservateur polonais, Jaroslaw Kaczynski, a déclaré : «Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui s’opposent à la propagande homosexuelle à l’école (…) Elle n’apporte rien de bon aux jeunes. La croissance du nombre d’homosexuels n’est dans l’intérêt d’aucune nation».

«Ouvrir un dialogue avec les parties concernées»

Enfreindre la règle édictée par le vice-ministre de l’Education pourrait entraîner pour les enseignants un licenciement, une amende ou une peine d’emprisonnement. Dans sa déclaration publique du 20 mars dernier, Amnesty International affirme que l’adoption de cette mesure constituerait une restriction du droit des enfants à l’information et une violation de leur droit à la liberté d’expression, à l’enseignement et à la liberté d’association. En institutionnalisant la discrimination au sein de son système scolaire, la Pologne bafouerait ses obligations au regard des traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, ainsi que les engagements pris au moment de l’entrée du pays dans l’Union européenne. Les eurodéputés ont donc appelé les autorités polonaises «à condamner publiquement et à sanctionner les déclarations formulées par les dirigeants publics incitant à la discrimination et à la haine pour des motifs d’orientation sexuelle», estimant que toute attitude contraire «constituerait une violation de l’article 6 du traité sur l’Union européenne» relatif aux droits fondamentaux.

Le Parlement européen a donné mandat à l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes pour mener une enquête sur le climat social en Pologne. Dans leur résolution les eurodéputés envisagent également d’envoyer sur place une délégation du Parlement pour dresser un bilan de la situation, et «d’ouvrir un dialogue avec les parties concernées».

Le 15 mars, Janusz Kochanowski, commissaire polonais (dans son pays) aux droits civils, faisait observer que le projet de loi bafouerait également l’article 30 de la Constitution polonaise qui reconnaît que «La dignité humaine naturelle et imprescriptible est la source de la liberté et des droits de l’être humain et du citoyen. Elle est inaliénable et son respect, ainsi que sa protection, sont une obligation des pouvoirs publics».

Pour vivre heureux, vivons cachés

Les homosexuels constituent 5% de la société polonaise. Sur les 39 millions d’habitants à 95% catholiques, 57% de la population voient l’homosexualité de façon négative.

Les déclarations du gouvernement conservateur rejoignent celles de l’Eglise catholique polonaise qui a fait de l’homosexualité une obsession et qui s’est dite horrifiée par l’exemple de l’Espagne, un pays naguère hautement catholique qui autorise désormais le mariage des homosexuels.

«L’homosexualité est une aberration, quelque chose qui s’écarte des normes», a déclaré Mgr Tadeusz Pieronek, évêque de Katowice.

Le 17 mai

La date du 17 mai a été choisie pour commémorer la décision, le 17 mai 1990, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de retirer l’homosexualité de la liste des maladies mentales, «mettant fin à plus d’un siècle d’homophobie médicale», a déclaré Louis-Georges Tin, président du Comité Idaho (International Day against Homophobia) et initiateur de cette journée internationale.

A travers le monde, 75 pays pénalisent encore l’homosexualité. Dans neuf d’entre eux (Mauritanie, Nigeria, Soudan, Afghanistan, Pakistan, Iran, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Yémen), l’homosexualité est un crime passible de la peine de mort. En Pologne, «le crime d’homosexualité» a été dépénalisé en 1932. Au cours de la campagne présidentielle de 2005, le sociologue polonais, Ireneusz Krzeminski, dans une étude sur l’homosexualité, a déclaré à l’AFP : « On assiste à une division de la Pologne en une frange conservatrice avec des traditions catholiques nationalistes d’avant-guerre et celle qui est moderne et ouverte». De fait, le grand rival de Lech Kaczynski (droite conservatrice) pour l’élection présidentielle, Donald Tusk avait pris clairement position : «Les minorités sexuelles existent en Pologne et chaque homosexuel tout comme chaque hétérosexuel devrait jouir de tous les droits civiques. Ce ne sont pas les hommes politiques qui doivent décider de ce qui est normal ou pas normal dans la vie sexuelle des gens».



par Françoise  Dentinger

Article publié le 17/05/2007 Dernière mise à jour le 17/05/2007 à 16:56 TU

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