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Discrimination

L’homophobie au cœur d’un débat animé

Manifestation contre l'homophobie, en avril dernier, en soutien à Sébastien Nouchet, homosexuel brûlé vif par des inconnus quelques mois plus tôt. 

		(Photo : AFP)
Manifestation contre l'homophobie, en avril dernier, en soutien à Sébastien Nouchet, homosexuel brûlé vif par des inconnus quelques mois plus tôt.
(Photo : AFP)
Le Gouvernement retire le projet de loi initial contre l’homophobie -qui devait être examiné fin décembre 2004 par l’Assemblée nationale. La lutte contre l’homophobie doit être au cœur des débats mardi 7 et mercredi 8 décembre lors de la deuxième lecture du projet de loi créant la Haute autorité contre les discriminations (HALDE). La ministre déléguée à l’Intégration, à l’égalité des chances et à la lutte contre l’exclusion, Nelly Olin, présente au Sénat les mesures prévoyant la répression de la diffamation et des injures homophobes. Le débat promet d’être houleux, et de nombreux députés se sont déjà déclarés hostiles aux mesures incluses dans ce texte.

Le gouvernement vient d’annoncer son intention de retirer le projet de loi contre l’homophobie qui proposait d’aligner la répression des propos homophobes (injures, diffamations, provocations à la haine) et, les propos sexistes, racistes, et antisémites. Le 19 novembre 2004, en effet, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) -se contentant jusque-là d’établir des critiques- recommandait au gouvernement de retirer le projet de loi contre l’homophobie, au nom de la liberté d’expression, arguant d’un risque de dérive communautariste. L’Eglise catholique avait également exprimé son inquiétude du risque d’être poursuivie pour son hostilité au mariage des homosexuels. A l’initiative du gouvernement, le sénat a donc présenté sous la forme de trois articles introduits dans le texte les mesures destinées à lutter contre l’homophobie. L’examen en deuxième lecture du projet de loi créant la Haute autorité contre les discriminations débute aujourd’hui.

Composée de 11 membres, la HALDE aura compétence sur «toute forme de discrimination légale, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, l’âge ou l’orientation sexuelle». Saisie directement par les plaignants ou les associations représentatives, cette instance devra favoriser le règlement des différends par voie de médiation, mais pourra également saisir le parquet. Elle bénéficiera de moyens d’investigation auprès de l’administration et des personnes privées, mais n’aura aucun pouvoir de sanction.

Les articles, reprenant une partie du texte abandonné par le ministre de la Justice, Dominique Perben, créent un «délit de provocation à la haine, à la violence, à la discrimination» à l’égard de personnes «en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle», limité toutefois aux «discriminations liées à l’emploi, au logement et aux services». Ils alignent aussi la répression des «délits de diffamation et d’injures» sur celle prévue en matière de «racisme et d’antisémitisme», en les rendant passibles d’une peine de prison et d’une amende de 45 000 euros. Enfin, calquant ce délit sur le droit commun en matière de liberté de la presse, le texte ramène de 12 à 3 mois la prescription des délits de provocation à la discrimination sexiste ou homophobe.

Un débat houleux

Les associations de défense des homosexuels et des transsexuels ont appelé mardi les députés à rejeter l’amendement déposé par Jean-Pierre Garraud qui limite aux associations reconnues d’utilité publique la possibilité de porter plainte pour des propos sexistes ou homophobes. Cet amendement «rend totalement impossible la lutte contre l’homophobie et transphobie», a estimé Sergio Coronado, président de C’est le bouquet, lors d’une conférence à l’Assemblée nationale, quelques heures avant l’examen du texte créant la HALDE. «Merci de nous maintenir en alerte permanente, en révolte constante, avec vos amendements attentatoires aux droits des femmes et à l’égalité des orientations sexuelles», a écrit Mix-cité dans un communiqué. «Grâce à vos efforts, Monsieur Garraud, nous les femmes pourrons continuer à être insultées en toute impunité, nous les gouines et les pédés envoyé-es au zoo ou au bûcher, et nous vivrons ainsi en bonne entente en ce beau pays des droits de l’homme hétérosexuel qu’est la France», ajoute l’association. L’inter-associative lesbienne, gay, bi- et trans- (Inter-LGTB) demande aux députés de «suivre les sénateurs qui ont très majoritairement approuvé les dispositions de bon sens, et d’améliorer le texte».

Le principal désaccord, qui divise fortement les députés, porte d’une part sur la limitation aux associations reconnues d’utilité publique de se porter partie civile en cas de propos sexistes ou homophobes, et d’autre part sur l’aggravation de la répression de la diffamation. «Aucune association homosexuelle ou de lutte contre le sexisme ne dispose de cette reconnaissance d’utilité publique particulièrement lourde et compliquée à obtenir», a tout de suite observé le PS, tandis qu’à la tête des opposants UMP, Jean-paul Garraud et Claude Goasguen jugent la pénalisation «inutile et dangereuse», soulignant que la tendance est la suppression des peines de prison pour les délits de presse. Pour le président de la commission des lois, Pascal Clément, cette disposition constitue au contraire «un signal fort» à l’adresse de ceux qui «trouvent encore admissible d’insulter ou de diffamer un homosexuel ou une femme». François Bayrou, président de l’UDF, a indiqué mardi que les députés UDF «ne voteraient certainement pas cet amendement hypocrite (qui) vise à supprimer purement et simplement la loi» et qui constitue une «manière détournée et hypocrite de vider de son sens le texte».

Les participants à la conférence de presse ont également regretté que «les transsexuels aient été oubliés» dans le texte examiné par les députés lors de la première lecture, selon Sergio Coronado. «On ne peut pas choisir parmi les personnes discriminées et laisser sur la route les plus discriminés parmi les discriminés», a-t-il ajouté. «On ne peut pas instituer une hiérarchie dans les discriminations», a appuyé Noël Mamère, le député des Verts. «Il faut mettre les discriminations contre les femmes, les homosexuels, les transsexuels sur le même pied que le racisme. C’est simple et c’est juste», a poursuivi Samira Ouardi de Mix-cités.



par Dominique  Raizon

Article publié le 07/12/2004 Dernière mise à jour le 07/12/2004 à 17:41 TU