Darfour – Union africaine

Les déplacés interpellent l’UA

Un soldat de l'Union africaine à El-Fasher (Nord Darfour).
(Photo : Laurent Correau/RFI)

Des altercations se sont produites mercredi à el-Geneina, sur une base de la Force africaine (FA), lors d’une visite d’une délégation de plusieurs membres du Conseil de paix et sécurité (PSC) de l’Union africaine. Ils ont été accusés, par des représentants des déplacés de cette région occidentale du Darfour, d’être des «agents de Khartoum». Les déplacés se sont plaints notamment du manque d’efficacité des soldats africains, face à l’insécurité qui règne dans cette région qui fait frontière avec le Tchad et la République centrafricaine. Dans le même temps, le gouvernement soudanais a été à nouveau mis en cause pas les organisations humanitaires, face à la dégradation de la situation au Darfour.    

La délégation de l’Union africaine (UA), conduite par l’ambassadeur du Nigeria à Addis-Abeba, Obioma Philippe Oparah, a voulu rencontrer des représentants des ONG et des déplacés appartenant à la tribu africaine des Massalit. Selon l’AFP, ces derniers se sont sentis déçus de ne pas avoir pu exprimer leurs doléances et ont abordé la délégation du PSC à sa sortie de la salle de réunion. Un porte-parole de l’UA a minimisé l’incident, affirmant que la délégation avait dû partir, suite à un coup de fil «alertant d’une possible détérioration des conditions climatiques». Cet appel provenait du siège du quartier général de la mission africaine, installé à el-Fasher dans le nord du Darfour.

Toutefois, le commandant de la Force africaine du secteur de al-Geneina avait été chargé de recueillir les doléances des déplacés, pour les transmettre ensuite à la délégation conduite par le diplomate nigérian. Ce dernier avait demandé aux représentants des ONG et des déplacés de «ne pas adopter des positions sentimentales et de ne pas avoir d’attitudes extrêmes, de nature à perturber la paix civile». La délégation effectuait une mission de médiation entre le Soudan, d’une part, et le Tchad et la Centrafrique, d’autre part, en vue de la sécurisation de leurs frontières, suite aux accords conclus récemment entre Khartoum et N’Djamena en Arabie Saoudite. Le Tchad et la République centrafricaine accusent les Soudanais d’appuyer des groupes rebelles. Khartoum dément et accuse N’Djamena de soutenir les insurgés du Darfour.

Le conflit dans cette province soudanaise, qui a une surface équivalente à celle de la France, a provoqué près de 200 000 morts et plus de deux millions de  déplacés. Ces chiffres sont contestés par les autorités soudanaises. Le conflit oppose les forces de Khartoum aux rebelles d’ethnies africaines qui se sont soulevés depuis quatre ans contre le gouvernement qu’ils accusent d’avoir abandonné la région et de réprimer sévèrement les populations, avec la collaboration des milices arabes janjawids.

Une force de paix insuffisante

Les critiques manifestées à al-Geneina par les déplacés, à l’encontre de la délégation du PSC, mettent en évidence les difficultés de la force de l’UA à imposer un minimum de sécurité dans cette province soudanaise. Ce contingent, mal équipé et sous-payé, totalise à peine 7 000 hommes et il a à peine le droit de riposter en cas d’attaque, ne pouvant pas mettre un terme aux homicides, viols, pillages et déplacements de la population du Darfour. Plusieurs soldats n’ont pas été payés depuis quatre mois, selon un militaire sénégalais de la FA cité par l’AFP. La mission de l’ONU au Soudan, AMIS, a confirmé que 19 de ses soldats ont été tués et que près de cent de ses véhicules ont été volés.

Le président soudanais Omar el-Béchir  a récemment accepté un renfort de 3 000 hommes, mais il s’oppose toujours au déploiement d’une force hybride UA-ONU de 20 000 soldats, malgré les résolutions du Conseil de sécurité. Les ONG affirment que l’action humanitaire est devenue hasardeuse dans la partie occidentale du Darfour, en raison de la persistance des violences.

Les civils toujours victimes d’attaques

Selon l’organisation humanitaire Amnesty International, le conflit au Darfour a augmenté d’intensité, tout particulièrement dans la partie occidentale de la province. Dans son rapport annuel sur les droits de l’homme, publié mercredi, l’organisation accuse le gouvernement soudanais de ne pas désarmer les milices janjawids qui ont poursuivi leurs attaques contre les civils et lancé des incursions au Tchad. Les forces gouvernementales soudanaises sont également accusées de «bombardements aériens fréquents» contre les populations civiles du Darfour.

Amnesty International a récemment accusé la Chine et la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité, de violer l’embargo sur les armes destinées au Darfour. Le gouvernement chinois a démenti ces accusations et son émissaire, Liu Guijin, a déclaré mardi à Khartoum que les menaces de sanctions contre le gouvernement soudanais n’apporteraient pas la paix au Darfour. La Chine importe actuellement 60 % du pétrole produit au Soudan.

La situation au Darfour est suivie avec beaucoup d’attention par le gouvernement français. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, veut faire du drame humanitaire du Darfour une «priorité», en essayant de mobiliser les acteurs internationaux et régionaux au sein d’un groupe de contact, dans lequel siègeraient les représentants de plusieurs pays, dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, la Chine et la Russie, ainsi que l’Erythrée et l’Egypte.

par Rédaction Internet  (avec AFP)

Article publié le 24/05/2007 Dernière mise à jour le 24/05/2007 à 17:51 TU