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Guerre en Irak

Bush gagne une manche

Le président George W. Bush.  

		(Photo : AFP)
Le président George W. Bush.
(Photo : AFP)
Le Congrès américain a finalement adopté, jeudi, la loi de financement pour les guerres en Irak et en Afghanistan. Les démocrates battent en retrait - sans avoir obtenu le retrait des troupes. Mais le répit, accordé ainsi au président Bush et sa nouvelle stratégie pour l’Irak, risque d’être de courte durée.

Le bras de fer a duré pendant quatre mois. Et c’est le président George W. Bush qui l’a finalement remporté. Jeudi, le Congrès, dominé par les démocrates, a voté à contrecœur le texte de loi sur le financement des guerres en Irak et en Afghanistan. Le texte prévoit le déblocage de 120 milliards de dollars supplémentaires pour assurer les opérations militaires des Etats-Unis dans ces deux pays en crise. Pour cet effort américain, la loi fixe également la contrepartie irakienne : 18 objectifs politiques et économiques à respecter par le gouvernement à Bagdad. En revanche, plus un seul mot dans ce nouveau texte n’évoque le retrait des troupes américaines d’Irak.

Bien que la principale revendication de la majorité démocrate au Congrès ait été justement de lier le financement de la guerre à un calendrier précis du retrait des troupes de l’Irak, le nouveau texte de loi a été approuvé, jeudi, par la Chambre des représentants par 280 voix contre 142, suivi par son adoption au Sénat par 80 votes contre 14.

La Maison Blanche, par la voix de son porte-parole Alex Conant, a immédiatement déclaré sa satisfaction de ce qui est jugé comme une victoire pour le président Bush : «Le Congrès doit être félicité pour avoir fourni avec succès à nos troupes les fonds et la flexibilité nécessaires à la protection de notre pays, plutôt que d'adopter des calendriers arbitraires pour les opérations militaires».

Soulagement aussi dans le camp des républicains, la famille politique du chef d’Etat, qui avait refusé l’idée de conditionner le financement des opérations militaires à une date concrète de retrait pour les GIs. «Dieu merci, enfin, on y est arrivé», a lancé, par exemple, John A. Boehner, leader républicain à la Chambre des représentants. «Nous n’avons pas de délais artificiels, pas de date de capitulation, pas de chaînes emprisonnant nos généraux et nos troupes sur place».

Dans d’autres couloirs du Congrès à Washington, en revanche, le moral était en berne : «Nous avons tort de continuer à différer éternellement une décision présidentielle dont on sait qu’elle a des défauts fatals. Nous avons tort de renoncer à notre responsabilité en permettant à cette guerre de trainer en longueur alors que nos pertes augmentent de jour en  jour», a déclaré, exaspéré, Edward M. Kennedy, sénateur démocrate. La députée démocrate Lynn Woolsey était encore plus précise : «Le peuple américain nous a porté au pouvoir pour une seule raison : il nous a cru capable de ramener nos troupes à la maison».     

La confrontation avec la réalité n’a pas été chose facile pour les démocrates. Eux, qui avaient en effet gagné la majorité du Congrès en novembre dernier, principalement sur la promesse électoral d’un retrait rapide des soldats américains de l’Irak, ont dû céder à George W. Bush. Et décevoir ainsi bon nombre de leurs électeurs. Car les démocrates sont majoritaires dans les deux chambres du Congrès, certes. Mais ils ne disposent pas d’une majorité suffisante pour passer outre la volonté présidentielle : à leur projet de loi, fixant la date d’un début de retrait au 1er octobre prochain, le chef d’Etat avait tout simplement posé son veto.

Les démocrates confrontés à la réalité

Mais il y avait urgence à statuer. Politiquement, le Congrès ne pouvait pas se permettre de priver les troupes de financement. «Nous ne voulons pas transmettre le message aux troupes que le congrès ne les soutient pas», a ainsi déclaré le sénateur démocrate Carl Levin. Car si, comme le montre le dernier sondage CBS News-New York Times, une majorité de 76% des Américains considèrent aujourd’hui que les choses se passent mal ou très mal pour les Etats-Unis en Irak, aucun ne souhaite qu’on abandonne les troupes sans moyens sur le terrain.

Même les plus ardents adversaires de la guerre au sein du camp démocrate n’ont pas pu fermer les yeux face à cette réalité. Le premier à s’incliner a été Harry Reid,  le chef de la majorité démocrate au Sénat. Nancy Pelosi, en revanche, l’autre grande figure du parti et chef des démocrates à la Chambre des représentants, a voté contre le texte.

La question de conscience était encore plus difficile pour les candidats à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de l’automne 2008. Les deux grands favoris, Barack Obama et Hillary Rodham Clinton se sont finalement résolus à s’opposer également à la nouvelle loi. L’exemple de Mme Clinton symbolise en quelque sorte parfaitement l’équilibre très précaire que les démocrates doivent maintenant trouver entre les attentes électorales et la réalité politique. La sénatrice de New York a déclaré, après son vote, qu’elle avait réfléchi «longuement et durement» sur son choix, car elle voulait s’assurer «que nous faisons tout ce que nous pouvons pour protéger nos troupes». Si elle avait finalement arrêté son vote contre la loi, c’était bien parce que «le président a résisté à tout effort -  non pas seulement de la classe politique mais aussi des experts indépendants du groupe d’études sur l’Irak -  pour changer le cours des choses».

Cependant, les démocrates font tout pour ne pas donner l’impression d’avoir baissé les bras. Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des Représentants, a déjà annoncé que «le débat va se poursuivre». «Les sénateurs démocrates n'auront de cesse de changer le cours de cette guerre jusqu'à ce que suffisamment de républicains nous rejoignent dans le rejet de la politique d'échec du président Bush ou bien jusqu'à ce que nous ayons un nouveau président», a déclaré, quant à lui, le chef de la majorité au Sénat, Harry Reid.

En effet, la question du financement de la guerre en Irak se posera à nouveau dans les prochain mois. En septembre s’ouvriront des nouvelles discussions pour le financement de la guerre en 2008. C’est aussi en septembre que le général David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak, doit évaluer les effets de la nouvelle stratégie mené par l’administration Bush sur le terrain. Un rendez-vous que les démocrates ne risqueront pas de manquer.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 25/05/2007 Dernière mise à jour le 25/05/2007 à 16:48 TU