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Espagne

Un scrutin sous haute tension politique

Les élections permettront de voir si les socialistes parviennent à surfer sur la «vague Zapatero». 

		(Photo : Reuters)
Les élections permettront de voir si les socialistes parviennent à surfer sur la «vague Zapatero».
(Photo : Reuters)
Trois ans après l’arrivée au pouvoir surprise du jeune leader socialiste José Luis Zapatero, le chef de gouvernement socialiste est confronté à des élections municipales et régionales qui serviront à la fois de test et de répétition générale avant les législatives de mars 2008.

Même si ces joutes n’intéressent guère la majorité des Espagnols, le scrutin régional et municipal de ce dimanche 27 mai a lieu dans une ambiance à couteaux tirés entre les deux grands partis. Alors que les instituts de sondage pronostiquent des résultats très disputés, les socialistes au pouvoir (le PSOE) et l’opposition de droite du Parti Populaire (PP) se réservent des attaques et des insultes sur fond d’une crispation rarement atteinte. Le chef de file des conservateurs, Mariano Rajoy, n’a cessé de sillonner toute l’Espagne pour transmettre l’idée que le Premier ministre socialiste José Luis Zapatero incarne «l’Espagne de la faiblesse, l’Espagne des privilèges accordés aux nationalistes, l’Espagne au bord de l’abîme».

Son prédécesseur José Maria Aznar, qui fut au pouvoir entre 1996 et 2004, en retraite politique mais encore très actif, multiplie aussi les attaques vengeresses : «Avec Zapatero, disait-il en milieu de semaine au cours d’un meeting, le pays risque de retomber dans les affres de la Guerre civile». Entre 1936 et 1939, l’Espagne avait été ensanglantée par un conflit opposant la Gauche républicaine  (alliée aux communistes et aux anarchistes) à aux troupes franquistes, lesquelles allaient finalement l’emporter et imposer une dictature s’étalant sur quatre décennies. Depuis que Zapatero est arrivé au pouvoir, en mars 2004, il s’est attaqué à un tabou : la reconnaissance morale des victimes du franquisme. Ce qui, pour la droite, équivaut à  «ressusciter les vieux fantômes de la discorde entre les Deux Espagne».

Le terrorisme comme une arme électorale

En termes politiques, les enjeux électoraux ne sont pas si lourds. Pour le scrutin municipal, dans lequel 35,5 millions d’Espagnols sont appelés à voter, il s’agira de voir si les socialistes parviennent à surfer sur la «vague Zapatero» - le leader le plus populaire - et maintenir ou accentuer l’avantage des 100 000 suffrages obtenu aux élections de 2003. Il semble cependant que les principaux bastions de droite (Madrid, Valence ou Malaga) et de gauche (Barcelone, Saragosse ou Séville) ne seront pas remis en cause. A l’échelle régionale, l’enjeu est réduit par le fait que les quatre régions les plus polémiques ( la Galice, l’Andalousie, le Pays Basque et la Catalogne) ont déjà renouvelé leurs parlements ou s’apprêtent à le faire. Quant aux 13 communautés autonomes restantes (chacune dispose d’un exécutif et d’un Parlement propres), certaines places fortes conservatrices pourraient être raflées par les socialistes, dont les Baléares, les Canaries et la Navarre.

Au terme de ce scrutin, à l’heure du décompte, les ténors – et les observateurs – verront en faveur de qui soufflent les vents, à moins d’un an des législatives générales du printemps 2008. Si la balance penche en faveur des socialistes, nul doute que José Luis Zapatero poursuivra ce qu’il s’est fixé comme la priorité de son mandat : la «pacification au pays Basque», meurtri par 38 ans d’attentats de l’organisation séparatiste ETA dont les faits d’armes ont assassiné plus de 800 personnes. En mars 2006, les terroristes basques avaient annoncé un «cessez le feu permanent», ce qui avait poussé le premier Ministre socialiste à engager un dialogue. Mais, fin décembre, un gigantesque attentat à l’aéroport de Madrid, ayant fait deux morts, avaient mis fin à ce processus de paix. Zapatero avait déclaré le dialogue «caduc», sans pour autant renoncer à la possibilité de relancer ultérieurement les pourparlers.

Or, cette question basque est bien au cœur des élections de ce dimanche. Depuis deux ans, les conservateurs du Parti Populaire (PP) tirent à boulets rouges sur Zapatero, accusé de «céder au chantage des terroristes» et «d’accorder secrètement à ETA la reconnaissance de l’autodétermination». Zapatero, qui a commis l’erreur de ne pas sceller une alliance avec la droite sur ce sujet, est depuis lors l’objet d’une campagne acerbe de la part du PP. Utilisant certaines associations de victimes du terrorisme, la Droite a organisé une demi-douzaine de manifestations-monstre dans les rues de Madrid  pour dénoncer les supposées collusions entre Zapatero et ETA. Pour la première fois depuis la mort de Franco, un parti d’opposition a utilisé  le terrorisme comme une arme électorale. Les résultats de dimanche soir diront si cette stratégie d’affrontement profite ou non aux conservateurs. S’ils n’essuient  pas une gifle électorale, il y a tout à parier que ceux-ci accentueront leur opposition agressive jusqu’au grand rendez-vous électoral de 2008.

par François  Musseau

Article publié le 26/05/2007 Dernière mise à jour le 26/05/2007 à 09:32 TU